Paul Quilès (61)

Paul Quilès (61) un homme de convictions

Dossier : TrajectoiresMagazine N°772 Février 2022
Par Jacques BORDÉ (64)

Décé­dé le 24 sep­tembre 2021, Paul Qui­lès a eu une car­rière poli­tique qui a cou­vert un spectre très large des acti­vi­tés humaines et pen­dant laquelle il s’est mon­tré concer­né par les pro­blèmes de ter­rain autant que par les ques­tions de géo­po­li­tique mondiale.

Entré à la Shell à la sor­tie de l’X, Paul enchaîne l’usine de Shell Berre, le siège à Paris, les Pays-Bas, Pauillac, puis un retour au siège jusqu’en 1978. Il s’engage poli­ti­que­ment dès 1973 et devient mili­tant au sein du PS, en accord avec ses convic­tions catho­liques de gauche. Il gagne en 1978 une cam­pagne dif­fi­cile et devient le pre­mier dépu­té socia­liste de Paris depuis dix ans. Ses dons d’organisateur, exer­cés comme direc­teur de la cam­pagne pré­si­den­tielle de Mit­ter­rand, contri­buent à la vic­toire socia­liste de 1981.

Cinq fois ministre

C’est le début d’une belle car­rière de grand ser­vi­teur de l’État qui com­pren­dra 5 por­te­feuilles minis­té­riels : « Urba­nisme, Loge­ment et Trans­ports » en 1983, « Défense » en 1985, « PTT et Espace » en 1988, « Équi­pe­ment, Loge­ment, Trans­ports et Espace » en 1991, enfin « Inté­rieur » en 1992. Après dix ans de pra­tique gou­ver­ne­men­tale, avec des réus­sites mar­quantes comme la réforme du ser­vice public de La Poste, il reste lucide sur la néces­si­té de par­faire notre démo­cra­tie, d’améliorer l’équilibre entre le pou­voir légis­la­tif et le pou­voir exé­cu­tif, de don­ner aux élec­teurs davan­tage confiance en l’action politique.

Il se rap­proche alors des élec­teurs en deve­nant dépu­té du Tarn en 1993 et maire de Cordes-sur-Ciel en 1995 où il a été réélu pen­dant vingt-cinq ans tant ses qua­li­tés et son action béné­fique étaient appré­ciées par les Cor­dais. Leur sou­hait d’ajouter la men­tion « sur-Ciel » a été exau­cé par Paul Qui­lès que les ques­tions spa­tiales pas­sion­naient, ce qui a ame­né Tho­mas Pes­quet à adres­ser un mes­sage de sym­pa­thie à sa famille depuis la sta­tion spatiale.

La démocratie et la paix au cœur de ses préoccupations

Ses vastes connais­sances et son expé­rience des rouages de l’État et des admi­nis­tra­tions lui ont per­mis de mener une réflexion indé­pen­dante dans deux domaines fon­da­men­taux qui lui tenaient à cœur : la démo­cra­tie et la paix. Il pré­si­dait depuis cinq ans le club « Démo­cra­ties » qui a béné­fi­cié de son dyna­misme pour orga­ni­ser des confé­rences passionnantes. 

Il avait créé l’association « Ini­tia­tives pour le désar­me­ment nucléaire » qui a per­mis de pro­pa­ger sa convic­tion pro­fonde que l’arme nucléaire n’était cer­tai­ne­ment pas la voie vers la paix dans le monde et que le risque de guerre nucléaire était trop grand pour qu’on per­mette aux États de pos­sé­der de telles armes. Paul enten­dait inven­ter le che­min pour s’en débar­ras­ser et pro­po­sait aux poli­tiques des étapes pour y arriver.

« Paul Quilès savait accéder à la vérité scientifique
pour trouver de bonnes décisions politiques. »

Il vou­lait aus­si per­sua­der les jeunes géné­ra­tions de se sai­sir de ce pro­blème vital pour elles. C’est sur ce sujet que j’ai rédi­gé avec Paul un article paru dans notre revue (n° 717). J’ai pu appré­cier toutes ses qua­li­tés humaines et intel­lec­tuelles et com­prendre pour­quoi il avait pu avoir des col­la­bo­ra­teurs dévoués pen­dant trente ans : ils admi­raient sa rigueur, sa droi­ture, son sens de l’essentiel, son res­pect de cha­cun, sans notion de hié­rar­chie dans son entou­rage, son cou­rage et la force com­mu­ni­ca­tive de ses convic­tions, tout cela en gar­dant un excellent sens de l’humour.

Sa for­ma­tion scien­ti­fique lui per­met­tait de dis­cu­ter avec la ratio­na­li­té vou­lue mais se com­bi­nait aus­si avec bon­heur à son ins­pi­ra­tion poli­tique pour trou­ver tou­jours une sor­tie par le haut à des pro­blèmes com­plexes. Sa liber­té intel­lec­tuelle lui per­met­tait d’identifier les dérives de la poli­tique et il savait accé­der à la véri­té scien­ti­fique pour trou­ver de bonnes déci­sions poli­tiques. Paul Qui­lès, fidèle en ami­tié comme en poli­tique, convain­cu que l’homme peut tra­vailler à un ave­nir meilleur pour l’humanité, res­te­ra un exemple pour les futures générations.

Commentaire

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Fran­çois Xavier MARTINrépondre
15 février 2022 à 12 h 31 min

Loin de moi l’i­dée de mettre en doute les qua­li­tés morales de Paul Qui­lès, non plus que ses choix poli­tiques. Mais par­ler de sa luci­di­té, c’est vrai­ment pous­ser le bou­chon un peu loin … Je l’ai enten­du il y a quelques années au cours d’un petit déjeu­ner au Sénat expli­quer qu’un aban­don de notre force de dis­sua­sion serait exem­plaire et ne pose­rait aucun pro­blème tant le monde avait chan­gé et les Russes étaient deve­nus des gens rai­son­nables. J’ex­trais du compte ren­du de cette réunion ses pro­pos « pré­mo­ni­toires » : » Le monde s’est trans­for­mé. Il n’y a plus d’affrontement entre blocs. Qui cherche-t-on à dis­sua­der désor­mais ? Il n’y a même plus l’Iran depuis que les négo­cia­tions ont pris une tour­nure posi­tive « . Je rap­pelle qu’il y a a quelques jours Vla­di­mir Pou­tine, conscient de l’in­fé­rio­ri­té de ses forces conven­tion­nelles vis-à-vis du total des forces occi­den­tales homo­logues, a expli­ci­te­ment mena­cé d’u­ti­li­ser son arme­ment nucléaire.

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