Paul Vecchiali (X53) un grand cinéaste resté simple
Tout à la fois à la fois réalisateur, producteur et écrivain, Paul Vecchiali, quasi inconnu du grand public mais très apprécié des cinéphiles, est décédé à Gassin le 18 janvier 2023.
Né à Ajaccio le 28 avril 1930, Paul Vecchiali n’a vécu que pour le cinéma depuis l’âge de cinq ans. Il a réalisé de nombreux films qu’il a souvent produits lui-même et qui ont marqué l’histoire du septième art ; il a aussi joué dans plusieurs de ses films. Son œuvre riche et variée a su toucher les cinéphiles… mais ni le grand public, ni les journalistes de la télévision qui n’ont même pas mentionné son décès à l’antenne ! Il le reconnaissait : « Je ne fais pas partie de la famille du cinéma. En France, les gens m’ignorent, je n’existe pas pour eux. » Il a pourtant tourné une cinquantaine de films, abordant des thèmes aussi divers que la vieillesse, le retour sur le passé, l’amour, la sexualité, le sida, la maladie, la peine de mort, la guerre et la religion…
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Générosité et simplicité
Lorsque je l’ai interviewé en 2017 pour La Jaune et la Rouge (cf. n° 728), j’ai été frappé d’emblée par sa grande générosité, son sens aigu de l’organisation et surtout son extrême simplicité : « Je suis un homme, pas un dieu. Beaucoup de cinéastes se prennent pour des dieux : ça les regarde… Est-ce que je suis supérieur à un autre ? Oui sur certains points, non sur d’autres. » Il regardait deux ou trois films par jour, mais avouait être de plus en plus déçu par le cinéma français qui, selon lui, devient narcissique.
Après avoir été officier instructeur à l’X et critique dans Les Cahiers du cinéma et La Revue du cinéma, il se lance, enthousiasmant François Truffaut. Les années 1970 sont fécondes, cinéaste passionné, Paul Vecchiali réalise des films magnifiques : L’Étrangleur (1970), Femmes Femmes (1974), Corps à cœur (1979), pour n’en citer que quelques-uns ; éclectique, il tourne même un film pornographique en 1975 : Change pas de main. Suivent En haut des marches en 1983, Rosa la rose, fille publique en 1986, Once More (Encore) en 1988, etc.
« Paul a été sélectionné et primé à de très nombreuses reprises, dans les plus grands festivals internationaux. »
Après 1990, il doit ralentir le rythme et se retirer dans le Var en raison de sa santé. Mais il n’abandonne pas le cinéma et se lance dans une série de films à petit budget, tournés rapidement, parfois chez lui et avec des moyens dérisoires, comme À vot’ bon cœur (2003), Les gens d’en bas (2010) et Nuits blanches sur la jetée (2014), primé au Festival de Locarno. En effet, méconnu dans son propre pays, Paul a, au contraire, été sélectionné et primé à de très nombreuses reprises, dans les plus grands festivals internationaux : Mostra de Venise, Festival de Cannes, Festival du film de Locarno, pour ne rappeler que les plus connus.
Proche de la nouvelle vague, admirateur des cinéastes (Jean Grémillon, Max Ophuls) et des actrices (Danielle Darrieux, qu’il idolâtrait !) des années 30, ses choix artistiques sont souvent audacieux : il a par exemple tourné Femmes Femmes en noir et blanc et filmé deux scènes de Nuits blanches sur la jetée avec son iPhone.
Le goût de l’écriture
Paul est aussi l’auteur de seize romans, d’une pièce de théâtre, d’un recueil de chansons et poèmes et d’une autobiographie passionnante : Le cinéma français émois et moi. Son Encinéclopédie : Cinéastes français des années 1930 et leur œuvre est un monument de 1 618 pages. Il a aussi tourné pour la télévision, principalement pour des raisons financières, et produit des films, notamment Jeanne Dielman, 23, quai du commerce, 1080 Bruxelles de Chantal Akerman, élu en décembre 2022 meilleur film de tous les temps par la revue du British Film Institute.
Paul laisse un film presque terminé, improvisé et tourné en un jour : Bonjour la langue, en hommage à Jean-Luc Godard et son Adieu au langage (2014). Depuis quelques années, il faisait promettre à ses assistants de terminer les films en cours si jamais il décédait. Alors nous aurons sans doute la chance de voir ce dernier film…
© Collections École polytechnique (Palaiseau) – Photographie : Studio Vallois / Christian Guittet, photographie de Paul Vecchiali chez lui le 4 octobre 2017.