Petit-déjeuner polytechnicien avec les X1901
L’AX nous avait virtuellement conviés à un petit-déjeuner nostalgie autour du livre À Polytechnique – X1901, animé magistralement par Laurent Billès-Garabédian. Il ne manquait que les croissants de la Maison des X, notre madeleine à tous.
L’idée d’origine de l’auteur, Hervé Joly, historien et directeur de recherche au CNRS, était de suivre la carrière des cocons de la promo 1901. Une promo prise au hasard – ou presque, ladite promo ayant deux caractéristiques majeures : celle de ne pas avoir de grande figure et celle, bien sûr, d’être la première du siècle. Au cours de cette présentation, il s’est en particulier concentré sur la première partie du livre, celle qui décrit le recrutement, le concours et la scolarité. Puis notre camarade Antoine Compagnon (70), professeur au Collège de France, auteur de la préface, a remis cette analyse dans une perspective historique, en insistant sur un certain nombre d’invariants entre la promotion 1901 et la promo 1970, et en posant une question toute simple : 180 X par an en 1901. Combien en 2021 ? Un tour de table (ah, quel plaisir que la virtualité…) a permis à Éric Labaye et Marwan Lahoud de (tenter de) répondre à la question de Compagnon en introduisant l’IPParis et d’aborder la question de la diversité du recrutement. Les échanges avec la « salle » se sont poursuivis par les questions, le chat message à tous, voire les messages privés ou les SMS. Bref, il ne manquait que les croissants de la Maison des X…
Une vision large à partir d’une promo particulière
Qu’il me soit permis de profiter de ce compte rendu pour vous livrer une analyse critique du livre d’Hervé Joly. Ce livre est une thèse universitaire. La lecture n’en est pas difficile pour autant ; les références, nombreuses, et le souci du détail, permanent, emportent la conviction du lecteur sans jamais le décourager. Les sources avaient une certaine sécheresse – et c’est bien normal pour un ouvrage de recherche : les archives de l’École, les dossiers militaires, les dossiers administratifs. Le titre de l’ouvrage est par ailleurs modeste ; en fait il ne s’agit pas seulement d’une analyse longitudinale – le suivi des carrières des 180 X de la promo 1901. En effet, outre la première partie qui décrit le concours, la scolarité et la vie à l’école, l’auteur dans une deuxième partie fait une analyse détaillée de la sociologie à l’entrée. Ces trois dimensions donnent ainsi du volume au travail réalisé. Le second mérite de l’auteur est de s’être intéressé aux anonymes, approche complémentaire de celle de Christian Marbach, par exemple, dans ses Portraits de Polytechniciens.
Les particularités de la culture polytechnicienne
Le remarquable travail réalisé était contraint par deux limites. La première tient au choix des sources. Par construction, on ne peut parler que de ceux dont le dossier administratif ou militaire fait montre d’une certaine épaisseur. L’auteur passe ainsi nécessairement à côté des vrais anonymes, le ventre de la gaussienne. La seconde limite tient aux particularités de la culture polytechnicienne. Trois exemples. L’armée d’abord : un élève choisit-il l’artillerie parce qu’il est mal classé ou décide-t-il, au contraire, de ne pas « jouer le classement » parce qu’il sait que, de toutes façons, il aura sa place dans ladite artillerie ? Les statistiques ensuite : il y a certes beaucoup de juifs dans la promo 1901, mais il y en a beaucoup moins dans les promos 1900 et 1902, comme l’auteur le signale lui-même. En réalité, le pourcentage de juifs à l’entrée est pratiquement constant à 3 % tout au long de la IIIe République – qui est d’ailleurs le niveau auquel Vichy a porté le numérus clausus en 1941… L’X enfin : l’auteur ne mentionne pas le fait que deux figures majeures de la promo, sur lesquelles il s’étend à juste titre, étaient le premier GénéK – le futur général Germain, et le second Grosse Caisse – Müntz. Tout cela est véniel par rapport à l’apport si intelligent de ce livre à l’histoire de notre communauté !