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Peut-on encore être heureux en France ?

Dossier : ExpressionsMagazine N°686 Juin/Juillet 2013
Par Laura CARRÈRE (96)

La science du bonheur est aujourd’hui florissante, mais c’est une discipline toute nouvelle au regard de ses disciplines mères, la psychologie et l’économie. Vous-même, comment avez-vous découvert la science du bonheur et comment en êtes-vous devenu un spécialiste ?

La science du bonheur est aujourd’hui florissante, mais c’est une discipline toute nouvelle au regard de ses disciplines mères, la psychologie et l’économie. Vous-même, comment avez-vous découvert la science du bonheur et comment en êtes-vous devenu un spécialiste ?

Comme tout le monde, par hasard. En 1989, j’ai com­men­cé ma thèse avec mon direc­teur Andrew Oswald1. À l’époque, Andrew n’étudiait pas encore l’économie du bon­heur. Mais c’est un homme brillant, qui lit beau­coup et qui est très ouvert aux idées nou­velles. Ma thèse por­tait sur l’économie des négo­cia­tions syndicales.

Dans la lit­té­ra­ture sur les rela­tions indus­trielles, on savait déjà que le niveau de reve­nu d’un sala­rié par rap­port à celui de ses col­lègues était déter­mi­nant pour son niveau de satis­fac­tion. L’idée de com­pa­rai­son était déjà pré­sente. Mais elle ne fai­sait pas l’objet d’une ana­lyse spécifique.

Andrew et moi sommes allés tra­vailler deux ans aux États-Unis. Ensuite, je suis reve­nu à l’université d’Essex en 1991, au moment du lan­ce­ment d’une grande enquête de panel, la Bri­tish Hou­se­hold Panel Survey.

« Allez voir les psy­cho­logues pour leur racon­ter vos his­toires, les éco­no­mistes ne s’intéressent pas à vos décla­ra­tions sur le bonheur »

Cette étude pré­voyait de suivre 10 000 indi­vi­dus sur plu­sieurs années. Chaque année, ils répon­daient à une série de ques­tions diverses des­ti­nées à éva­luer, par­mi d’autres sujets, leurs condi­tions de vie. Une de ces ques­tions por­tait sur leur niveau de satis­fac­tion au tra­vail, qu’ils devaient éva­luer en don­nant une note com­prise entre 1 et 7.

Andrew m’a sug­gé­ré d’étudier la cor­ré­la­tion entre le niveau de satis­fac­tion au tra­vail d’un indi­vi­du et le reve­nu de ses « pairs » (c’est-à-dire des per­sonnes de sexe, d’âge, de sec­teur, de région et de niveau d’éducation équivalents).

Nous avons mis en évi­dence une cor­ré­la­tion néga­tive. Plus mes pairs gagnent d’argent, moins je suis heu­reux. Nous étions très sur­pris de ce résul­tat. Depuis, de nom­breux cher­cheurs l’ont confir­mé avec d’autres expé­riences et dans d’autres contextes.

Comment la communauté scientifique a‑t-elle accueilli ce résultat remarquable ?

Au début, par une par­faite indif­fé­rence, pour ne pas dire une cer­taine hos­ti­li­té. Nous avons écrit un papier de recherche sur le sujet et l’avons envoyé à des revues d’économie. Mais les éco­no­mistes n’ont pas du tout appré­cié. Au mieux, ils le jugeaient inin­té­res­sant, hors sujet.

Un pro­fes­seur m’a même rétor­qué : « C’est un sémi­naire d’économie, ici. Allez voir les psy­cho­logues pour leur racon­ter vos his­toires, les éco­no­mistes ne s’intéressent pas à vos décla­ra­tions sur le bon­heur. » Cinq revues ont reje­té notre papier. Per­sonne ne vou­lait le publier.

J’ai dû per­sé­vé­rer pen­dant cinq ans pour par­ve­nir à le faire accep­ter. Aujourd’hui, il est mon article le plus cité.

Cela paraît incroyable, avec le recul. Pourtant, la psychologie positive existait déjà à l’époque, non ?

Cau­sa­li­té inverse
Dans les années 1990, les psy­cho­logues avaient de bonnes idées mais n’utilisaient pas d’outils sta­tis­tiques propres à convaincre les éco­no­mistes. Leurs échan­tillons d’étude n’étaient pas repré­sen­ta­tifs, ils étaient en coupe trans­ver­sale (c’est-à-dire que les ques­tions étaient posées à des indi­vi­dus d’âges dif­fé­rents au même moment, et pas aux mêmes indi­vi­dus sui­vis sur plu­sieurs années), ce qui ne per­met­tait pas d’écarter les pro­blèmes de cau­sa­li­té inverse : pre­nons par exemple le cas du mariage. Est-ce le mariage qui rend heu­reux ? Ou bien est-ce que les gens qui se marient sont par nature des gens heu­reux ? C’est pour cela que la col­la­bo­ra­tion entre les psy­cho­logues et les éco­no­mistes est si inté­res­sante : les psy­cho­logues four­millent d’idées, et les éco­no­mistes peuvent inven­ter des méthodes per­ti­nentes pour tes­ter ces idées.

C’est exact, le déve­lop­pe­ment de la psy­cho­lo­gie posi­tive a démar­ré plus tôt, à la fin des années 1980. À l’époque, les éco­no­mistes et les psy­cho­logues ne se par­laient pas du tout. Rap­pe­lons que la psy­cho­lo­gie posi­tive s’intéresse aux émo­tions et aux états psy­cho­lo­giques posi­tifs, contrai­re­ment à la psy­cho­lo­gie clas­sique, tour­née vers l’étude des patho­lo­gies : dépres­sions, névroses, etc.

Le grand pion­nier de la psy­cho­lo­gie posi­tive est Ed Diener2. Jeune étu­diant dans les années 1970, Ed se pas­sion­nait pour la psy­cho­lo­gie posi­tive et a sou­hai­té en faire son sujet de thèse. Mais son dépar­te­ment de psy­cho­lo­gie a refu­sé net. Ses direc­teurs de thèse ont consi­dé­ré que le sujet était abso­lu­ment sans inté­rêt. Il a donc dû chan­ger de sujet de thèse. Mais il est reve­nu à la psy­cho­lo­gie posi­tive quelques années plus tard.

Quand vous avez commencé à vous intéresser au bonheur, vous connaissiez l’existence de la psychologie positive ?

Pas vrai­ment. À l’époque, les psy­cho­logues et les éco­no­mistes ne se croi­saient jamais et igno­raient leurs tra­vaux res­pec­tifs. Seule­ment, quand j’ai com­men­cé à tra­vailler sur l’économie du bon­heur, j’ai réa­li­sé que presque aucun éco­no­miste n’avait étu­dié le sujet aupa­ra­vant. J’ai alors déci­dé d’étendre mes recherches à d’autres dis­ci­plines. C’est ain­si que j’ai ren­con­tré Ed pour la pre­mière fois, en 1996.

Dans votre article « Income and Hapiness : getting the debate straight » (2011) vous revenez au paradoxe d’Easterlin : malgré l’augmentation spectaculaire de la richesse des pays développés depuis la Deuxième Guerre mondiale, le score moyen de satisfaction dans ces pays est resté constant. Comment l’interprétez-vous ?

Il y a deux grandes expli­ca­tions com­por­te­men­tales au para­doxe d’Easterlin.

La pre­mière, c’est la com­pa­rai­son : on se com­pare les uns aux autres. Si tu gagnes plus que moi, je suis moins content et toi, plus. Les deux évo­lu­tions se com­pensent et donc, en net, la somme de nos deux satis­fac­tions est res­tée constante.

La seconde expli­ca­tion est l’accoutumance. Je m’habitue à mon niveau de reve­nu. C’est l’accroissement de mon niveau de reve­nu dans le temps qui me don­ne­ra satis­fac­tion, pas ce niveau absolu.

Une troi­sième expli­ca­tion pour­rait être celle de la variable omise : on pour­rait ima­gi­ner qu’une variable (par exemple, la pol­lu­tion, ou encore l’accroissement des inéga­li­tés) soit la cause du para­doxe d’Easterlin : oui, l’argent fait le bon­heur, mais il fait aus­si aug­men­ter la pol­lu­tion, ce qui fait à son tour dimi­nuer le niveau de bon­heur, et l’effet net des deux est nul. C’est une hypo­thèse inté­res­sante, mais on n’a pas d’étude vrai­ment convain­cante qui la démontre.

Toutefois, le paradoxe d’Easterlin ne se manifeste pas dans tous les pays. Dans votre article coécrit avec Claudia Senik (« La croissance rend-elle heureux ? », 2011), vous revenez sur le phénomène de comparaison et ses effets, qui peuvent être contradictoires.

Effec­ti­ve­ment. Pour un indi­vi­du don­né, la com­pa­rai­son de son reve­nu avec celui d’un groupe de pairs peut avoir deux effets oppo­sés. L’effet domi­nant dépend de la struc­ture de la socié­té à laquelle il appartient.

C’est l’accroissement de mon niveau de reve­nu dans le temps qui me don­ne­ra satis­fac­tion, pas ce niveau absolu

Si l’individu appar­tient à une socié­té rigide, comme celles de la vieille Europe, alors le fait que ses pairs gagnent plus que lui le ren­dra mal­heu­reux. C’est le para­doxe d’Easterlin.

Si, au contraire, il vit dans un pays émergent ou aux États-Unis, alors le même fait le ren­dra plus heu­reux, car la com­pa­rai­son lui don­ne­ra l’espoir d’une amé­lio­ra­tion de sa propre situation.

Plus la socié­té est fluide et plus on a la chance de deve­nir autrui dans l’avenir. Du coup, je suis content que tu gagnes plus que moi. Les éco­no­mistes ont appe­lé ce phé­no­mène « l’effet tunnel ».

L’effet de la com­pa­rai­son des reve­nus dépend des croyances sur la flui­di­té de la socié­té. Aux États- Unis, par exemple, les gens croient que la socié­té est fluide, mobile, ce qui se révèle inexact si on y regarde de plus près. Une cor­ré­la­tion inter­gé­né­ra­tion­nelle montre que la posi­tion sociale des Amé­ri­cains est plus cor­ré­lée à celle de leurs parents que celle des Euro­péens. Mais tout le monde croit le contraire. C’est pour­quoi l’effet tun­nel est pré­do­mi­nant aux États-Unis.

Le para­doxe d’Easterlin
Le para­doxe d’Easterlin est un concept clé de l’économie du bon­heur. Il est ain­si nom­mé en réfé­rence à l’économiste Richard Eas­ter­lin qui s’est pen­ché sur les fac­teurs contri­buant au bon­heur dans son article de 1974 : « Does Eco­no­mic Growth Improve the Human Lot ? Some Empi­ri­cal Evi­dence ». Eas­ter­lin y montre que l’accroissement de la richesse dans les pays les plus déve­lop­pés entre 1946 et 1970 n’a pas été sys­té­ma­ti­que­ment accom­pa­gné par un accrois­se­ment du niveau de bon­heur sub­jec­tif moyen. Ces tra­vaux ont été repris et ana­ly­sés par Andrew Oswald en 1997. Des recherches plus récentes ont mon­tré des résul­tats similaires.
L’implication poli­tique de ce para­doxe est qu’une fois com­blés les besoins de base, les gou­ver­ne­ments devraient se concen­trer sur l’accroissement de la satis­fac­tion des indi­vi­dus, et non sur l’accroissement du PIB.

Si l’on constate que l’argent ne fait pas le bonheur, pourrait-on trouver d’autres sources de bonheur pour les individus, comme la curiosité, le désir d’apprendre, l’ouverture sur le monde ?

Effec­ti­ve­ment, c’est une idée à laquelle j’ai beau­coup réflé­chi ces der­niers temps. Il n’y a pas une seule défi­ni­tion du bon­heur. Quand on demande à quelqu’un s’il est heu­reux, se réfère-t-on au bon­heur hédo­nique, c’est-à-dire la pré­pon­dé­rance de l’affect posi­tif sur l’affect néga­tif ? Une bonne vie, ce n’est pas for­cé­ment cela.

Qu’est-ce qu’une bonne vie ? Est-ce d’être heu­reux tout le temps ? John Stuart Mill a dit : « Il vaut mieux être un Socrate mal­heu­reux qu’un idiot heureux. »

On peut mesu­rer un autre type de bon­heur, qu’on appelle le bon­heur « eudé­mo­nique » et qui inclut des para­mètres comme l’épanouissement, la vita­li­té, la résis­tance, l’engagement, le bon fonc­tion­ne­ment en socié­té. Cette mesure met en avant l’autonomie et l’ouverture sur le monde.

Pour conclure, que penser de l’évolution du niveau de bonheur en France ?

« Il vaut mieux être un Socrate mal­heu­reux qu’un idiot heureux. »

Le pro­blème, c’est que si je gagne moins qu’hier, je me com­pare au pas­sé et je me rem­bru­nis. Et même, la pente est plus grande vers les reve­nus décrois­sants que vers les reve­nus crois­sants, c’est-à- dire que mon bon­heur baisse plus vite quand mon reve­nu dimi­nue, qu’il ne croît quand mon reve­nu augmente.

Le prix Nobel d’économie Daniel Kah­ne­man et son coau­teur Amos Tvers­ky l’ont bien mon­tré : les indi­vi­dus ont une aver­sion au risque, et ils sont beau­coup plus sen­sibles aux pertes qu’aux gains. Cela explique peut-être la moro­si­té actuelle.

Reste à espé­rer que les Fran­çais adoptent une vision eudé­mo­nique du bon­heur, et trouvent de la satis­fac­tion dans la décou­verte du monde, la curio­si­té, l’apprentissage.

__________________________________
1. Andrew Oswald est direc­teur de recherche à l’IZA Ins­ti­tute à Bonn et pro­fes­seur d’économie à l’université de War­wick. À l‘époque, il était cher­cheur à la Lon­don School of Economics.
2. Ed Diener est un psy­cho­logue amé­ri­cain, pro­fes­seur et auteur de nom­breux ouvrages sur le bon­heur. Il est recon­nu pour ses tra­vaux sur le bon­heur qu’il conduit depuis vingt-cinq ans.

Andrew CLARK, directeur de recherche au CNRSAndrew Clark
Andrew Clark est direc­teur de recherche au CNRS, membre de la Paris School of Eco­no­mics (PSE). Il a occu­pé des postes dans dif­fé­rentes uni­ver­si­tés, à Dar­mouth, à Essex, ain­si qu’au CEPREMAP, au labo­ra­toire DELTA, à l’OCDE et à l’université d’Orléans. Il est l’auteur d’une thèse sou­te­nue à la Lon­don School of Economics.
Son tra­vail est cen­tré sur l’interface entre la psy­cho­lo­gie, la socio­lo­gie et l’économie. En par­ti­cu­lier, il a uti­li­sé les mesures de satis­fac­tion de la vie et de satis­fac­tion au tra­vail comme des proxy de la mesure d’utilité.
En s’appuyant notam­ment sur l’utilité rela­tive et les com­pa­rai­sons (à des pairs, aux per­sonnes du même foyer, à soi-même dans le pas­sé), il s’est inté­res­sé plus par­ti­cu­liè­re­ment aux domaines du tra­vail et du reve­nu. Ses tra­vaux récents ont impli­qué une étroite col­la­bo­ra­tion avec des psy­cho­logues pour com­prendre l’accoutumance à cer­tains évé­ne­ments de la vie (comme la perte d’un tra­vail, le mariage ou le divorce), en pro­cé­dant à des ana­lyses de long terme sur don­nées de panels.

4 Commentaires

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Didier Blan­chardrépondre
17 juillet 2013 à 14 h 26 min

Libre pro­pos « Peut-on encore être heu­reux en France ? »

Tout d’a­bord mer­ci pour cet article sur ce sujet pas­sion­nant qu’est la science du bonheur.


Voi­ci quelques idées per­son­nelles suite à la lec­ture de cet article, qui j’es­père contri­bue­ront à faire avan­cer un peu les réflexions. Tout d’a­bord, je trouve ras­su­rant que le bon vieux pro­verbe « l’argent ne fait pas le bon­heur » soit véri­fié par les récentes études men­tion­nées, et donc que le para­doxe d’Eas­ter­lin n’en soit fina­le­ment pas un : il est tout a fait « nor­mal » que le seul fait d’aug­men­ter la richesse ne suf­fise pas aug­men­ter sys­té­ma­ti­que­ment le « niveau de bon­heur sub­jec­tif moyen », et heureusement !


Per­son­nel­le­ment, j’ai l’im­pres­sion que glo­ba­le­ment, le bon­heur d’un indi­vi­du est pro­por­tion­nel à l’é­cart entre sa per­cep­tion de sa situa­tion réelle vécue et ses attentes. Cela cor­res­pond à peu près à la cita­tion du Dalaï Lama : « La sen­sa­tion d’être heu­reux ou mal­heu­reux dépend rare­ment de notre état dans l’ab­so­lu, mais de notre per­cep­tion de la situa­tion, de notre capa­ci­té à nous satis­faire de ce que nous avons ». Ain­si, le bon­heur ne dépend pas uni­que­ment de la variable richesse/argent, mais est une fonc­tion infi­ni­ment plus com­plexe, pre­nant en compte énor­mé­ment d’autres para­mètres, en fait toutes les dimen­sions de la vie d’un indi­vi­du : la san­té, l’a­mour, la spi­ri­tua­li­té, etc.


En met­tant sous forme mathé­ma­tique la phrase pré­cé­dente (ah, ces X qui veulent tout modé­li­ser!) , on obtient l’é­qua­tion du bon­heur sui­vante : B = P(V)-A avec : B=Bonheur de l’in­di­vi­du P=Perception V= situa­tion réelle Vécue A= Attentes toutes ces fonc­tions sont des fonc­tions de l’in­di­vi­du i (dans toute sa com­plexi­té) à l’ins­tant t. Il est inté­res­sant de voir que pour agir sur le bon­heur d’un indi­vi­du, on peut jouer sur 3 fonc­tions de l’individu :
– V= sa situa­tion réelle Vécue : par exemple son salaire, son loge­ment, son envi­ron­ne­ment, sa san­té, etc. Il y a une infi­ni­tés de dimen­sions à prendre en compte !
– P= sa Per­cep­tion. Cette fonc­tion varie en fonc­tion de nom­breux para­mètres de l’in­di­vi­du à un ins­tant don­né : réfé­ren­tiel per­son­nel, culture, vécu, humeur…
– A= ses Attentes.


Autre­ment dit, on voit que pour aug­men­ter le bon­heur de l’in­di­vi­du, il y a donc 3 axes : amé­lio­rer sa situa­tion réelle vécue, amé­lio­rer sa per­cep­tion de la situa­tion réelle vécue, et dimi­nuer ses attentes. Notons que la Per­cep­tion et les Attentes d’un indi­vi­du sont des fonc­tions com­plexes, fai­sant inter­ve­nir de mul­tiples fac­teurs tels que sa culture, ses valeurs, sa reli­gion, son his­toire, son envi­ron­ne­ment, etc. Les hommes poli­tiques et les per­sonnes dans la publi­ci­té et le mar­ke­ting savent très bien dans leur com­mu­ni­ca­tion jouer sur ces fac­teurs pour faire pas­ser leurs messages.


On pour­rait déve­lop­per lon­gue­ment la réflexion en ana­ly­sant les 3 fonc­tions V, P et A pour mieux com­prendre et uti­li­ser les méca­nismes du bon­heur, mais je me conten­te­rai ici d’u­ti­li­ser ce modèle pour ana­ly­ser quelques points déve­lop­pés dans l’ar­ticle au sujet de l’im­pact du « salaire » sur le bon­heur : – l’ar­ticle indique la com­pa­rai­son et l’ac­cou­tu­mance comme expli­ca­tions du para­doxe d’Eas­ter­lin. Effec­ti­ve­ment : – la com­pa­rai­son est un méca­nisme impor­tant dans la per­cep­tion P de la situa­tion : est-ce que je gagne plus ou moins que col­lègues ? – l’ac­cou­tu­mance est un méca­nisme pris en compte dans les attentes A de l’in­di­vi­du. D’ailleurs, l’in­di­vi­du peut s’ha­bi­tuer non seule­ment à un niveau de salaire, mais aus­si à son accrois­se­ment (sa déri­vée) si celui ci est constant. C’est d’ailleurs aus­si l’in­té­rêt des primes et parts variables que de com­battre l’ac­cou­tu­mance et redon­ner moti­va­tion. – l’ar­ticle montre aus­si com­ment le carac­tère, la culture de l’in­di­vi­du impacte son niveau d’at­tente et donc de bonheur.


Dans la même situa­tion où l’in­di­vi­du touche un salaire infé­rieur à ses pairs, il aura des rai­son­ne­ments dif­fé­rents selon qu’il Euro­péen ou Amé­ri­cain : l’Eu­ro­péen aura un rai­son­ne­ment plus néga­tif (je devrais gagner autant que les autres, ce n’est pas juste) abou­tis­sant à une insa­tis­fac­tion puisque B = P(V) – A < 0 (je gagne moins que ce que je devrais gagner), alors que l’A­mé­ri­cain tien­dra un rai­son­ne­ment posi­tif (puisque les autres gagnent plus, je devrais être aug­men­té dans l’a­ve­nir)! Voi­ci donc les quelques réflexions que je sou­hai­tais par­ta­ger avec vous et qui ne demandent qu’à être dis­cu­tées, chal­len­gées, développées…


En conclu­sion, je ne résiste pas au plai­sir de citer Vol­taire à pro­pos du bon­heur : « J’ai déci­dé d’être heu­reux parce que c’est bon pour la santé » !

René BOUCHET (49)répondre
19 juillet 2013 à 5 h 23 min

Mer­ci à Lau­ra Carrère

Mer­ci à Lau­ra Car­rère pour ses « Libres Pro­pos », parus dans le numé­ro de juin-juillet, dans les­quels elle nous relate son entre­tien avec Andrew Clark sur le bonheur


Quelques remarques. Ce qui est sur­pre­nant dans le para­doxe d’Eas­ter­lin, c’est qu’il en soit un. Qui n’a per­çu que l’ap­pré­cia­tion de la richesse est rela­tive ? Que l’on n’est pas tota­le­ment heu­reux d’être aug­men­té si le col­lègue de bureau ou d’a­te­lier l’est davan­tage ? Ce qui est sur­pre­nant, en revanche, est que les recherches sur le bon­heur se can­tonnent, semble-t-il, au domaine de la richesse matérielle.


Le plus ancien livre de recettes du bon­heur, remon­tant à près de 3000 ans, n’est-il pas le Deu­té­ro­nome ? Il y est ques­tion du bon­heur presque à chaque page. il met même en garde contre la socié­té de consom­ma­tion ! Un extrait:« Garde ces lois et ces com­man­de­ments que je te pres­cris aujourd’­hui, afin d’a­voir, toi et tes fils après toi, bon­heur et longue vie sur la terre ». Plus tard, Jésus dira : » Je vous dis cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit par­faite ».


On pour­rait mul­ti­plier les cita­tions. Le bon­heur que rayonnent ceux qui ont fait vœu de pau­vre­té n’in­ter­pelle-il-pas les cher­cheurs, qu’ils soient psy­cho­logues ou éco­no­mistes ? La « variable omise » ne se trou­ve­rait-elle pas dans les fonds oubliés de notre héri­tage judéo-chrétien ?

Fran­çois Forestrépondre
30 juillet 2013 à 20 h 28 min

Bon­heur : la recon­nais­sance
Il fau­drait men­tion­ner l’im­por­tance de la recon­nais­sance par les autres.
Ain­si, le salaire (rela­tif) repré­sente une par­tie de cette recon­nais­sance, celle de la société.

René Rupertrépondre
30 janvier 2014 à 19 h 03 min

un ami me com­mu­nique cet

un ami me com­mu­nique cet article bien construit sur un sujet assez com­plexe. Mes idées de cher­cheur sur le sujet me conduisent à com­plè­te­ment remettre en cause notre modèle de pensée :

1) les dimen­sions de l’hu­main sont de plu­sieurs natures réelles, deux d’entre elles étant le ration­nel et l’é­mo­tion­nel (cela se démontre faci­le­ment à par­tir du fonc­tion­ne­ment de la Bourse). Le rai­son­ne­ment sur ces deux natures que l’on mélange aujourd’­hui suit en gros les règles des nombres com­plexes (réels et ima­gi­naires) bien connus : une éga­li­té en sup­pose deux. ça change tout.

2) La rela­ti­vi­té s’ap­plique en plein dans la com­mu­ni­ca­tion humaine. Nous sommes autant de petits réfé­ren­tiels appré­ciant le monde de manières dif­fé­rentes. Lors­qu’on com­bine ces deux fon­da­men­taux, qu’on sépare bien les symp­tômes des causes, on voit l’hu­main très différemment.

3) Il appa­raît alors le bien-être et le bien deve­nir, comme c’est évo­qué par Mme Car­rère. Le bon­heur, résul­tat d’une équa­tion dif­fé­ren­tielle ?!!! Il y a vingt ans, j’en serais mort de rire que de lire cela. Pourtant…

Le résul­tat, pour l’ins­tant, est fas­ci­nant : la modé­li­sa­tion mathé­ma­tique me semble essen­tielle et ne doit pas se limi­ter à rem­pla­cer des concepts exis­tants par des lettres : il faut l’u­ti­li­ser pour rai­son­ner de manière rigou­reuse. Les inter­pré­ta­tions deviennent sen­si­ble­ment nou­velles et lumi­neuses et on arrive ain­si à inté­grer les contraintes du psy­cho­lo­gique dans la déci­sion éco­no­mique, ce qui manque dure­ment aux outils de ges­tion actuels. Dans cela, le bon­heur, sa défi­ni­tion, est un co-pro­duit. il y a encore beau­coup de tra­vail devant nous sur ce sujet. René Rupert attei­gnable par Google ou tout sim­ple­ment rene.rupert@gmail.com

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