Philia, l’art-thérapie au secours des enfants réfugiés
Entre autres activités, Philia gère deux centres d’accueil de demandeurs d’asile (CADA). Récemment devant l’afflux de familles avec des enfants qui ont beaucoup souffert, l’association s’est lancée dans des accompagnements ciblés, dans un centre avec une psychologue, dans l’autre avec de l’art-thérapie et des ateliers de marionnettes.
Note, j’ai trouvé le scénario de notre histoire de marionnettes ! Un petit Congolais de 8 ans vient trouver l’animateur de l’atelier d’art-thérapie : « Tu as du papier, alors note ! » Il commence son récit : « Il y a le gentil/le méchant, le bien/le mal, tout le monde parle et s’entend parler avec les animaux et les plantes, le bien a plus de pouvoir que le mal – le mal il est jaloux – le mal il transforme tout en noir, le matin, la nuit, les chauves-souris – le bien, c’est le soleil… » Mots d’enfant réfugié, simples et pourtant bien lourds de sens.
La scène se passe au Centre d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) de L’Haÿ-les- Roses qui héberge et accompagne une centaine de demandeurs d’asile.
SOUFFRANCES INDICIBLES DES RÉFUGIÉS
CADA, OFPRA ET CNDA
Un CADA est pris en charge par l’État. Il accompagne les demandeurs d’asile dans la préparation de leur demande auprès de l’Office français pour les réfugiés et apatrides (OFPRA) relevant du ministère de l’Intérieur ou, s’ils sont déboutés de l’OFPRA, auprès de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), instance d’appel relevant du ministère de la Justice.
Autres missions : scolariser les enfants, faciliter l’accès aux soins et préparer la sortie du Centre. Car, qu’ils obtiennent le statut de réfugié (carte de séjour de dix ans), une protection subsidiaire (carte de séjour d’un an renouvelable) ou qu’ils soient déboutés de leur demande d’asile (c’est le cas pour 69 % d’entre eux), les résidents doivent partir.
Au total, le nombre de décisions d’accord d’un statut de protection (réfugié et protection subsidiaire) prises par l’OFPRA et la CNDA s’établit en 2016 à 26 500.
La première fois que j’ai découvert ce CADA géré par l’association à vocation sociale Philia (ex-PSTI) dont Jean-Pierre Grunspan (58) est le président bénévole depuis 1996, j’ai rencontré une petite Syrienne arrivant d’Alep.
Lorsque je lui ai dit que je connaissais sa ville et son magnifique souk al-Madina, la petite fille a arboré un merveilleux sourire : « Le monsieur connaît Alep ! » a‑t-elle traduit à son père enfermé dans son malheur.
Tous ont fui un conflit, des persécutions, des violences politiques et viennent comme on le sait en nombre en Europe. Selon Eurostat, 1 260 910 primo-demandeurs d’asile ont introduit une demande de protection internationale dans l’un des États membres de l’Union européenne en 2016.
Au cours de la même année, 86 000 demandes en France ont été enregistrées à l’OFPRA. 38 % des personnes étaient hébergées en CADA. Les autres en logement d’urgence, en hôtel meublé, chez des amis, voire en squat.
RÉPARER LES ENFANTS
Dans une grande salle de jeu, au rez-de- jardin de l’immeuble du CADA de L’Haÿ-les-Roses, s’anime joyeusement une petite bande d’enfants de tous âges et de toutes nationalités. Affichées sur les murs, des feuilles de paperboard sur lesquelles figurent de magnifiques dessins d’enfants.
Beaucoup d’enfants sont en souffrance en raison de leur vécu antérieur.
Comment les aider ? Depuis longtemps déjà, au CADA de Brou-sur-Chantereine, l’association mène une action, soutenue par l’Agence régionale de santé, visant à réparer les blessures psychologiques des enfants ; pour détecter les traumatismes, une psychologue les observe dans un espace de jeu par transposition d’une méthode mise au point par Anna Freud lors des bombardements de Londres.
L’INNOVATION DE L’ART-THÉRAPIE
Au CADA de L’Haÿ-les-Roses, l’association a décidé l’an dernier avec l’équipe de direction de l’établissement de mettre en œuvre une approche différente : des ateliers d’art-thérapie, inspirés d’une expérience vécue lors de l’exposition annuelle d’œuvres de détenus à Issy-les-Moulineaux dite « Talents cachés », animée par l’association et cofinancée par l’administration pénitentiaire et la ville.
SORTIR DE SA SOUFFRANCE PAR L’ART
Jean-Pierre Grunspan raconte : « Un jour de vernissage, notre fils acquiert un portrait.
LES ACTIVITÉS DE PHILIA
Philia gère un autre CADA à Brou-sur-Chantereine (77), reconnu par les partenaires de Philia comme un lieu ressource, d’information et de conseil. Par ailleurs, l’association héberge provisoirement et/ou accompagne 150 ménages en situation de précarité dans des résidences sociales ou des appartements privés (programme Solibail) en attendant l’accès à des logements pérennes.
Dispositif gagnant gagnant pour l’État qui fait des économies en relogeant des familles hébergées en hôtel meublé, pour les familles relogées temporairement en appartement après la galère de l’hôtel meublé, les associations qui trouvent de nouvelles ressources, les propriétaires qui disposent d’une location sécurisée.
Nous apprenons qu’une maladie a rendu le peintre sourd profond à l’adolescence. Par désespoir il cesse de parler, entre en révolte, rompt avec sa famille. Une bêtise le conduit à la maison d’arrêt d’Osny.
Une art-thérapeute réussit à initier le jeune homme au dessin et à la peinture. Mais il refuse de communiquer. Un jour, il peint ce portrait original aux couleurs expressives. Elle l’interroge : “Cette peinture est très forte. Elle exprime des sentiments profonds. Explique-moi.”
Le jeune homme hésite et répond à la surprise de tous : “Ce portrait est celui de mon père”. Au parloir, il sort de son mutisme. Pour ses parents, c’est l’infini bonheur du retour de l’amour filial. »
SUCCÈS DES ATELIERS DE MARIONNETTES
Les ateliers sont ainsi animés conjointement par une art-thérapeute (qui exerce habituellement dans la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis) et un marionnettiste de talent, avec les conseils et l’appui de l’équipe de direction du Centre qui connaît bien les familles.
“ L’association vise à réparer les blessures psychologiques des enfants ”
Ils écoutent les enfants et leur apprennent à imaginer une histoire avec des personnages pour les faire s’animer en créant leurs propres marionnettes, à les faire vivre pour qu’elles traduisent leurs sentiments.
Dans le récit de ces enfants venant de pays où règnent la violence, les exactions, les maisons détruites, l’immeuble à l’architecture médiocre qui les accueille est mythifié et devient le « château du CADA ».
Les enfants se passionnent pour les ateliers au point de délaisser le match de foot !
Dans le récit de ces enfants venant de pays où règnent la violence, les exactions, les maisons détruites, l’immeuble à l’architecture médiocre qui les accueille est mythifié et devient le « château du CADA ».
LA MAGIE DE LA CRÉATION
Les enfants de toutes provenances et de toutes nationalités imaginent, créent et racontent leurs histoires en français. Ces histoires inventées et ces personnages incarnés par une marionnette permettent à l’enfant de raconter ses difficultés, sans les raviver contrairement à la parole. L’atelier de marionnettes se déroule dans la joie, dans l’invention et le partage…
Ces moments agissent en harmonie avec le mouvement vital de l’enfant, favorisant son mieux-être pour une intégration plus sereine. Au fil des ateliers, leur imaginaire se développe, permettant l’exploration de multiples expériences : des inventions toujours plus riches et captivantes.
Le développement de l’œuvre se fait sous leurs yeux souvent émerveillés.
PLAISIR ET APPRENTISSAGE
Leur plaisir, élément essentiel de l’apprentissage et source de motivation, naît de la découverte par les enfants de leur créativité tant en dessin que dans l’élaboration d’une histoire commune dans la langue française, bien qu’ils la maîtrisent encore approximativement.
Le but essentiel est de « placer » les enfants au centre d’une chaîne de production d’un spectacle vivant (écriture, dessins, fabrication des marionnettes, mise en scène, manipulation des marionnettes dans le spectacle final).
Chaque enfant imagine, invente, regarde, emprunte, imite, joue, crée, écoute, et surtout fait face aux contraintes. Apprendre du collectif et le respecter est un comportement qui n’est pas nécessairement naturel, surtout pour des enfants de nationalités différentes.
Au fil des ateliers, leur imaginaire se développe, permettant l’exploration de multiples expériences.
UNE INITIATIVE QUI NE LAISSE PAS INDIFFÉRENT
Une exposition de dessins sera organisée à la bibliothèque municipale de L’Haÿ-les- Roses. En fin d’année, les enfants présenteront leur spectacle de marionnettes dans un autre espace public. Une étudiante de l’EHESS a proposé un projet de court-métrage centré sur nos ateliers en réponse à l’appel à projet lancé par le GREC (Groupe de recherches et d’essais cinématographiques) et le Musée national de l’histoire de l’immigration.
Le Théâtre Mouffetard et le Musée national de l’histoire de l’immigration de la Porte Dorée se déclarent intéressés par le projet et la démarche novatrice. De même l’un des établissements de l’Association La Source, créée par le peintre Gérard Garouste, envisage également de présenter le spectacle à son public d’enfants. Pour les enfants, ces reconnaissances sont plus qu’un cadeau, elles sont essentielles.
ET AUSSI L’INTÉGRATION DES ADULTES PAR LA CRÉATION D’ENTREPRISE
Outre ses capacités d’accueil, les efforts de Philia portent actuellement sur l’intégration par l’emploi des réfugiés.
“ Permettre à l’enfant de raconter ses difficultés, sans les raviver contrairement à la parole ”
Nombre d’entre eux ont en effet la volonté d’entreprendre, de s’intégrer, d’apporter leurs talents afin de pouvoir renaître. Notre projet vise à sensibiliser des réfugiés à la création d’entreprise.
Il prend appui sur un binôme associant un ancien dirigeant de PME et formateur en France de chefs d’entreprise à une réfugiée trilingue connaissant bien la question des barrières culturelles et linguistiques et le stress lié à l’absence de repères.
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Philia, hébergement et emploi
Dons déductibles à 75 % pour les entreprises et à 66 % pour les particuliers
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Pour poursuivre ces missions, nous avons besoin d’être encouragés et soutenus par des parrainages et des dons – surtout dans le contexte actuel de baisse des financements publics.
Votre aide nous permettra de développer nos actions en cours et faire naître d’autres projets dont certains nous sont suggérés par des réfugiés créatifs et entreprenants.
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Lien vers le site de Philia
Bonjour,
Un grand merci pour cet article détaillé.
Je vous signale que le lien qui vous a été donné et qui figure à la fin de l’article est erroné (il pointe vers notre ancien site Internet). Merci de le remplacer par celui-ci : http://www.philia-asso.org
Bien cordialement,
Gilles Poletti
Philia