Philologues, linguistes et traducteurs
Il est amusant de trouver chez bien des polytechniciens une attirance pour la résolution des problèmes posés par la diversité des langues. Il y faut beaucoup d’intuition et de rigueur, associées à une insatiable curiosité, un mélange d’esprit de finesse et d’esprit de géométrie, et une grande ténacité.
REPÈRES
Nombre de polytechniciens de toutes époques se sont lancés dans la transcription des alphabets, des grammaires et des styles, quand la situation l’exigeait, ou simplement quand l’occasion s’en présentait. En cela, ils suivent les confrontations des Villiers du Terrage et autres Jomard, jeunes X de l’expédition d’Égypte, avec les hiéroglyphes.
L’attrait pour les langues n’est pas seulement lié à l’utilitarisme ou à la curiosité
Empêché par une fièvre maligne de partir comme prévu en Égypte, Léonard de Chézy (1794) fut cependant conduit à étudier les manuscrits rapportés par l’Expédition, avant de se mettre à l’analyse du sanscrit dont il devint un spécialiste mondialement reconnu, jusqu’à devenir avec cette matière un des premiers X à être nommé au Collège de France : il y en eut bien d’autres depuis. Le Livre du Centenaire lui rend hommage, ainsi qu’à de nombreux autres X passionnés par l’étude des langues, dans un chapitre joliment consacré aux philologues.
Citons Louis Faidherbe (1838). Nommé à deux reprises gouverneur du Sénégal, il jugea indispensable de connaître la langue des ethnies de ce pays : il prépara et édita des dictionnaires dont un Vocabulaire d’environ 1500 mots français, avec leurs correspondants en ouolof de Saint-Louis, en poular (toucouleur) du Fouta, en soninké (sarakhollé) de Bakel publié en 1864.
Traducteurs
Argot
L’argot polytechnicien est-il une langue étrangère ? Il a donné lieu à plusieurs études, et la dernière, sous la plume de Fabrice Mattatia (90), est toujours disponible à la Sabix sous le titre : Dictionnaire d’argot de l’X.
Mais il serait erroné de croire que l’attrait pour les langues soit simplement lié à l’utilitarisme ou à la curiosité. Quand Clermont-Tonnerre (1799) quitta ses postes ministériels par loyauté envers Charles X, il se remit avec stoïcisme à l’étude du grec ancien et prépara une Traduction nouvelle en français avec texte en regard des oeuvres complètes d’Isocrate, éditée en trois tomes de 1862 à 1864. Il devint ainsi en quelque sorte le précurseur des X qui ont effectué une carrière reconnue de traducteur professionnel.
Signalons aussi que d’innombrables écrivains X ont eu le plaisir de voir leurs ouvrages traduits en de nombreuses langues. Ainsi, Raymond Dumas (30), un excellent statisticien et un des créateurs de l’INSEE et d’Eurostat, avait publié en 1959 un ouvrage très documenté, mais qui restait à la fois simple à lire et facile à utiliser sur les rapports entre L’entreprise et la statistique.
La première édition fut suivie par de nombreuses rééditions, mais ce dont Raymond Dumas était particulièrement fier, c’était d’en montrer sur ses étagères les traductions en diverses langues étrangères, y compris la russe.
Michel Malherbe (50)
Il est incontestablement le plus éminent des X philologues. Dans son récent ouvrage autobiographique, Fonctionnaire ou touriste, mémoires d’un globe-trotter, il évoque les circonstances qui l’ont amené à assouvir son inlassable appétit pour toutes les langues de la terre, et vous pouvez trouver sous sa plume des dizaines de livres Parlons « … » : on peut faire correspondre à « … » plus de cent soixante langues.