Pierre-André Martel (72) : À la barre des entreprises en difficulté
Pierre-André Martel (72) a fondé et bâti Caravelle, groupe industriel spécialisé dans la reprise de sociétés en difficulté. Il a disparu, avec sa fille Wanda (2010), dans un dramatique accident d’avion. Il laisse derrière lui un groupe solide et prospère.
Esprit brillant et rapide, passionné de littérature autant que de théories mathématiques, Pierre- André Martel envisage une carrière de chercheur. Son goût de l’action et son envie de changer le monde l’orientent finalement vers le service de l’État et le corps des télécommunications à sa sortie de l’X.
L’éveil d’un entrepreneur
Il part aux États-Unis suivre le MBA de Harvard. Il y travaille d’arrache-pied, avec le courage et la soif de tout apprendre, tout découvrir, qui le caractérisent. Il se plonge avec avidité dans les théories financières, la stratégie des entreprises, les problématiques de management et le parcours des entrepreneurs de l’époque. Il admire ce pays où l’on peut réussir sans diplôme, cette civilisation qui fait la part belle à l’audace et au mérite. Son profond patriotisme le ramène en France. Ce pays qu’il n’épargne pas de ses critiques, car on est toujours exigeant envers ce que l’on aime, il veut se battre pour lui. Et sa bataille, il décide de la mener sur le terrain de l’économie.
Assurer la gestion opérationnelle
et le management des hommes
La création de Caravelle
Pierre-André Martel sera l’un des précurseurs de l’investissement en entreprise en France, à une époque où l’on ne parlait pas encore de private equity. Après un début de carrière à la direction générale des télécoms et au ministère de l’Industrie, il rejoint l’Institut de développement industriel (IDI), puis Marceau Investissement. Sa soif de liberté et d’indépendance le pousse à abandonner une situation confortable et à se lancer dans l’aventure entrepreneuriale. En 1995, il crée sa propre structure d’investissement qu’il appelle Caravelle, en écho au goût du large et de l’aventure de Christophe Colomb. Pierre-André Martel installe Caravelle dans l’appartement familial. La société se spécialisera dans la reprise d’affaires en difficulté.
Un capitaine à la barre
Il ne s’agit plus seulement d’investissement, mais surtout de gestion opérationnelle et de management des hommes. En 1996, il réalise sa première acquisition pour un franc symbolique. Les débuts sont difficiles. Pierre-André Martel prend lui-même les rênes de la société. Il prend des décisions dures mais indispensables à la survie de l’entreprise. Il redéfinit le cap, modifie l’organisation et les méthodes de travail, rétablit la confiance des salariés et des partenaires. Au bout d’un an, l’entreprise est de nouveau rentable et prête à conquérir de nouveaux marchés.
Un groupe diversifié
En dix-sept ans, il reprendra avec son équipe dix-sept sociétés en difficulté et redressera durablement chacune d’entre elles. Non content d’en être le précurseur, il deviendra une figure discrète mais profondément respectée du « retournement ». Au fil des acquisitions, il fera de Caravelle un groupe industriel de plus d’un milliard d’euros de chiffre d’affaires présent dans la carrosserie, l’informatique, la pharmacie et le transport. Entre ces activités, un lien : l’énergie d’un bâtisseur.
Une passion communicative
Dans chaque investissement, le projet industriel a toujours primé sur l’intérêt financier. Fervent défenseur de l’industrie française, Pierre-André Martel s’interdit de délocaliser. Sans doute, au-delà des bonnes pratiques de gestion, la réussite de Caravelle tient-elle beaucoup à la passion qu’il met dans son travail. Rien ne lui plaît plus que de donner un nouvel élan à une entreprise à bout de souffle, redonner de la fierté à un père qui croyait perdre son travail, redonner confiance à une équipe.
Garder son âme
Quand, quinze ans plus tard, Caravelle s’installe dans les locaux cossus de la place des États-Unis, Pierre-André Martel s’interroge : ne va-t-elle pas perdre son âme ? Non, car malgré l’éclat de sa réussite, il reste un homme discret, moins présent dans les dîners mondains que dans les usines qu’il aime tant arpenter à grands pas, les mains dans le dos. Sa vigoureuse poignée de main, son regard franc et droit et les quelques mots qu’il échange avec les salariés suffisent à les ragaillardir.
L’homme au chapeau
Les témoignages des salariés du groupe ont été nombreux.
« Monsieur Martel nous a permis de renaître de nos cendres. Il restera pour moi l’homme au chapeau qui serrait la main des gens qu’il croisait, quel que soit le rôle qu’ils jouaient dans l’une de ses nombreuses sociétés. » Ces mots simples expriment la profonde gratitude envers celui qui a permis à des collectivités humaines, qui avaient perdu foi dans leur entreprise, de retrouver confiance.
Passionné d’aviationLorsqu’il ne gérait pas l’une de ses sociétés, Pierre-André Martel dédiait son temps libre à l’aviation, une passion forte et exigeante comme il aimait que soient les choses. Pilote averti, cela faisait longtemps qu’il ne se contentait plus de piloter des avions de tourisme pour pratiquer une aviation plus sophistiquée sur des avions de voltige ou d’anciens avions de combat. C’est aux commandes d’un de ces avions que Pierre-André Martel a disparu, emportant avec lui sa fille Wanda (2010) dont il était si fier. |
Wanda Martel (2010), Sérénité et générosité
Une amie d’enfance
« Wanda, je l’ai connue alors que ni l’une ni l’autre n’avions d’autre préoccupation que l’équitation. Petite, j’admirais la technique de la cavalière, l’attention de la femme de cheval, et plus sûrement encore, la loyauté de la coéquipière qu’elle était. Grande, je compris rapidement qu’elle continuait d’être tout cela une fois ses étriers déchaussés. Wanda conservait à pied cette qualité rare de se donner tout entière aux choses qu’elle aimait ou qu’elle trouvait justes. Elle était accessible, généreuse, et inspirait un profond respect. Je ne me souviens pas de notre première rencontre, mais je me souviens de son dernier au revoir. Elle portait ce jean rouge qu’elle était la seule à pouvoir porter avec tant de classe et m’a assuré un “ bon été plein d’excès contrôlés ». Finalement, je retiens surtout mon admiration pour elle, un génie contrôlé mais toujours savamment négligé. »
Philippine Villemain (2010)
Les années Ginette
« S’il fallait résumer en quelques mots le passage de Wanda à Ginette, on choisirait certainement sérénité et générosité. Sérénité, et pas simplement patience, parce que Wanda attaquait toutes les épreuves de la prépa avec le même sourire, la même tranquillité, la même classe. Sérénité, et pas simplement confiance, parce que le génie de sa vision singulière des événements ne se résumait pas à ses facilités académiques certaines. Sérénité, et pas simplement calme, parce qu’il en fallait pour oser se présenter à l’oral en tongs. Sérénité, et pas simplement indifférence, parce qu’à ses côtés on se sentait tous également en paix et en sécurité. Générosité, et pas simplement gentillesse, parce que Wanda, avec une liberté de ton toute singulière, avait cette habileté à nous remettre dans le droit chemin lorsque nous nous en écartions. Générosité, et pas simplement indulgence, parce que son amitié, à part entre toutes, exigeait une sincérité et une authenticité absolues et sans réserve. Générosité, et pas simplement abondance, parce que Wanda, qui était sollicitée par tous, savait aussi se faire rare. »
Georges Meouchy (2010) et Lucas Sauquet (2010)
Le stage militaire
« La première fois que je l’ai vue, elle dominait tout le monde du haut de son mètre quatre-vingt-un, ce petit air rebelle et mystérieux qui la caractérise si bien, le regard souvent perdu à l’horizon. Mais Wanda, c’était avant tout un concentré de charisme, le genre de personne qui ne laisse pas indifférent, qui entre dans votre vie pour tout chambouler. Quelques mois de stage militaire plus tard, j’ai découvert une personne généreuse, toujours partante pour faire les quatre cents coups, une personne de confiance sur qui j’ai toujours pu compter. »
Coralie Ruffenach (2010)
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condoléances
Je viens d’apprendre la mort de mon parrain et de sa fille.
J’adresse toutes mes condoléances à toute sa famille.
Je recommande À Dieu leur âme .