Pierre BERGER (86), un patron s’en est allé
Bachelier à quinze ans, polytechnicien à dix-huit ans, Pierre Berger intègre le Corps des ponts et chaussées dont il démissionne en 1991 pour créer un bureau d’études géotechnique, Sigmatec Ingénierie.
En 1995, il revend celui-ci à Ménard Soltraitement (Freyssinet), et rejoint la filiale Sefi, dont il devient directeur général.
Sa carrière connaît alors une accélération fulgurante. En 1999, il est nommé à la tête de Ménard avant de prendre les rênes, cinq ans plus tard, de Vinci Construction Grands Projets (VCGP) .
“ Passionné de réalisations extraordinaires et de prouesses collectives ”
En janvier 2010, il intègre, à quarante et un ans, le comité exécutif du géant de la construction.
Il rejoint moins d’un an plus tard le groupe Eiffage, où il accepte le défi de succéder à Jean-François Roverato, patron historique et emblématique. Début 2011, le fondateur du groupe Eiffage l’appelle en effet à ses côtés en qualité de directeur général délégué.
Pierre Berger est nommé directeur général en juillet 2011, puis P.-D.G. en août 2012, succédant ainsi à Jean- François Roverato.
Du tempérament et de l’assurance
Du tempérament et de l’assurance, Pierre n’en a jamais manqué. Eiffage a traversé la crise du BTP en préservant ses marges – et en resserrant les boulons, y compris côté effectifs.
Comme l’a écrit le conseil d’administration d’Eiffage : « Ses exceptionnelles qualités humaines et professionnelles ont été déterminantes pour le développement du Groupe, l’amélioration de sa rentabilité et la progression de l’action Eiffage. »
UN CAMARADE ET UN AMI
J’ai connu Pierre il y a plus de dix ans lorsque nous étions collègues chez Vinci. Depuis, nous nous étions retrouvés comme partenaires dans Autoroutes Paris-Rhin-Rhône, investissement commun d’Eiffage et de Macquarie. Mais Pierre était bien sûr plus qu’un collègue ou un partenaire, c’était un camarade et un ami.
La passion des grands chantiers
Pierre avait la passion des grands chantiers, notamment la LGV Bretagne-Pays de la Loire. Il venait de réunir l’ensemble des équipes d’Eiffage dans un nouveau siège ultramoderne à Vélizy, dont il était particulièrement fier.
Un concentré d’énergie
Pierre était un concentré d’énergie et un très grand travailleur, qui dormait peu. C’était aussi un sportif accompli, aussi bien en course à pied qu’en vélo, où il excellait que ce soit sur Paris-Deauville ou dans la montée de L’Alpe d’Huez.
Avec ce départ aussi brutal qu’inattendu, la communauté polytechnicienne perd l’un de ses éléments les plus brillants. Elle ne l’oubliera pas.
La solidité et la beauté du monde
Trop peu de gens ont eu la chance de faire la connaissance de Pierre Berger. Pierre était moins connu que beaucoup d’autres grands patrons et peu d’articles de journaux ont souligné à son décès la générosité de sa personnalité.
Simplicité et sérénité
J’ai eu la chance de rencontrer Pierre à deux reprises, deux rendez-vous professionnels et amicaux qui m’ont fait découvrir sa simplicité et sa sérénité, dans les responsabilités qui étaient les siennes. Des rencontres qui m’avaient donné l’occasion d’échanger avec lui sur l’engagement d’Eiffage auprès des collectivités. J’avais découvert un homme passionné par son travail, admiratif du travail de nos élus locaux, attaché à une politique de terrain, et désireux de positionner son groupe comme un partenaire solide et transparent auprès de ces acteurs.
Courage, intégrité, transparence
Il devait intervenir, quelques semaines plus tard, lors des Journées nationales des femmes élues que ma société organise, auprès de 500 femmes élues de toute la France. Le créneau était bloqué dans son agenda et j’avais noté sur mon carnet, en résumé de son intervention à venir, les trois mots qu’il m’avait donnés pour résumer sa vision de la politique du XXIe siècle : « courage, intégrité, transparence ». Nous avions poursuivi nos échanges par la visite du nouveau campus d’Eiffage à Vélizy. Toute ma vie, je le reverrai, posant sa main sur un bloc de béton coffré à côté de son bureau, me décrire combien il était difficile de construire des blocs de béton aussi parfaits, que ceux que l’on utilisait pour les chantiers sortaient des coffres couverts d’imperfections, et que ces blocs, simples en apparence, représentaient à eux seuls un exploit technique.
Embellir le monde
C’est le souvenir que je garderai de lui parce que c’est celui qui parle le mieux de l’homme qu’il a été, passionné de réalisations extraordinaires et des prouesses collectives qu’elles nécessitent. Toute la solidité et la beauté du monde réunies sous la paume d’une main.
Pierre nous laisse en partant le souvenir lumineux d’un modèle simple et humain, exigeant, courageux, et passionné. Puisse ce souvenir nous aider à relever le défi qu’il nous confie aujourd’hui à sa suite : transmettre ce qu’il nous a généreusement laissé et faire du monde un endroit un peu plus beau.
Julia Mouzon (04)