Pierre Faure (60) 1942 – 2001
C’est une émouvante mission qui m’est confiée d’esquisser le profil de Pierre Faurre, l’homme de sciences et l’homme d’action. Un homme qui, après avoir été un étudiant éblouissant, fut un chercheur étincelant. Un homme de lumières.
Il fut élu à l’Académie des sciences à quarante-trois ans ; il en resta pendant longtemps le plus jeune membre. Il présidait, au sein de cette Académie, l’intersection des applications des sciences et nous faisait ainsi bénéficier de sa triple compétence scientifique, technique et industrielle.
Après sa scolarité à l’École polytechnique (entré et sorti premier, 1960–1962), il prépara un Ph. D. à l’université de Stanford puis un doctorat ès sciences à Paris. Son patron de recherche en Californie, le célèbre Rudi Kalman, disait qu’il n’avait jamais connu de meilleur disciple.
Les apports scientifiques de Pierre Faurre peuvent être rassemblés sous deux rubriques.
Ses travaux d’analyse théorique concernent le filtrage numérique optimal. Il s’agit, pour l’essentiel, de faire une mesure mathématique sur la mesure physique. Pierre Faurre s’attache à représenter un système complexe, considéré comme une » boîte noire « , par des états mathématiques de dimensions minimales.
L’autre volet de son œuvre est plus délibérément tourné vers les applications, tout spécialement vers la navigation inertielle optimale : comment naviguer au plus près d’une trajectoire définie comme optimale ?
On peut dire, sans aucunement verser dans l’emphase, que Pierre Faurre a présidé à la naissance d’une école nouvelle d’automatique rapide.
Pour lui, recherche et enseignement étaient intimement liés. Professeur à l’École polytechnique, il en présida remarquablement le Conseil d’Administration. Il s’attacha tout spécialement à adapter la formation des polytechniciens à la modernité du monde industriel et social. L’omniprésence de la technologie dans la vie quotidienne contemporaine fait que le métier d’ingénieur implique des responsabilités nouvelles. La pratique de la technologie n’est pertinente que lorsqu’elle est en harmonie avec le contexte social.
Pierre Faurre avait aussi le souci du rayonnement de l’École polytechnique en dehors de nos frontières. L’École, lieu d’excellence reconnu par nos compatriotes, doit être aussi un des pôles mondiaux de référence pour la formation scientifique et technologique.
Pierre Faurre a toujours agi sans aucun dogmatisme mais avec précision, sans brusquerie mais dans la concision. C’est lui faire honneur que d’être bref en évoquant sa mémoire. Une évocation que je me risque à énoncer en trois points : Pierre Faurre avait une vision claire du monde dont il savait excellemment percevoir les » signaux » utiles ; il avait un jugement rapide et sûr qu’il savait allier à une fidélité exemplaire ; il était animé par un goût irrépressible de l’innovation bénéfique, harmonieusement allié à une réflexion spirituelle profonde.
Imaginatif, précis, élégant, généreux, tel fut l’homme que nous perdons.
Le nom de Pierre Faurre est inscrit au palmarès de la science. Il est aussi gravé dans nos cœurs.