Pierre Legoux (27) 1908–2000
Il y a des moments – j’en ai connu plusieurs -, où une destinée hésite et où la Providence décide1.
Cette réflexion de Pierre Legoux à propos d’une conversation avec le général Leclerc fin 1942 éclaire sa vie.
Né à Boulogne-sur-Seine le 12 avril 1908, fils de pharmacien, il aurait suivi cette vocation, mais un entretien avec un enseignant l’oriente vers » les grandes écoles « .
Après de brillantes études à l’école Massillon, au lycée Charlemagne et au lycée Saint-Louis, il entre en 1927 à l’École polytechnique, en sort sixième de sa promotion et classé dans le corps des Mines avec engagement colonial, accomplit son service dans l’artillerie et suit de 1930 à 1932 la formation de l’école des Mines de Paris.
Juste avant de partir avec elle en Afrique, Pierre Legoux épouse Yvonne Pézeril, elle-même née au Chili où son père, ingénieur de l’École centrale, construisait un chemin de fer. Leur famille, très nombreuse, compte déjà sept enfants en 1943, et maintenant, malgré des deuils cruels, dix enfants, dix-huit petits-enfants et huit arrière-petits-enfants. Petitement logés en dernier lieu à Meudon-la-Forêt, leur maison de Saint-Jean-le-Thomas, au bord de la baie du mont Saint-Michel, leur permettait mieux d’accueillir leurs descendants.
Jusqu’en 1960, Pierre Legoux travaille exclusivement pour l’outre-mer, d’abord comme adjoint au chef du service des mines de l’Afrique occidentale, puis comme chef du service des mines d’Afrique équatoriale, ensuite comme chef du service des mines du ministère chargé de la France d’outre-mer, enfin comme administrateur directeur général de la Compagnie minière de Conakry, mettant en exploitation un gisement de fer.
De 1960 à son départ à la retraite en 1978, il sert en métropole, d’abord comme directeur de l’école des Mines d’Alès et de l’arrondissement minéralogique local, ensuite au Conseil général des Mines dont il préside de 1970 à 1978 la section juridique. Pendant toute cette période, il garde une activité internationale très appréciée, aussi bien comme délégué dans les conférences et réunions (en particulier sur l’étain), que comme expert.
Il enseigne la géologie minière de 1948 à 1960 à l’école des Mines de Nancy et participe activement aux travaux de l’Académie des sciences d’outre-mer depuis 1948. Il y préside jusqu’en 1998 la section des sciences naturelles.
Avant de clore cette trop rapide description, il convient de revenir sur la période 1942–1945.
En octobre 1942, Pierre Legoux et sa famille se préparent à partir en congé de changement climatique près de Capetown (Afrique du Sud). » Les scouts et éclaireurs avaient organisé à cette occasion2 un feu de camp où arrivèrent impromptu le gouverneur général Éboué et le général Leclerc, venus se reposer à la fraîcheur du soir ; et là Leclerc me dit : J’aurais aimé vous emmener avec moi. « 1
Après ce congé et une mission d’études des mines d’Afrique du Sud, le retour à Brazzaville a lieu en mai et Pierre Legoux obtient, comme il l’avait décidé à la suite des propos du général Leclerc, d’être mobilisé avec l’objectif de rejoindre une unité combattante.
Mais René Pleven, commissaire aux colonies, lui fait faire auparavant une mission minière en Nouvelle-Calédonie, dans des conditions politiques difficiles, en partant de Londres par l’Amérique, et en rentrant à Alger par l’Australie, l’Inde et l’Égypte. C’est seulement en septembre 1944 qu’il rejoint comme lieutenant orienteur le 1er régiment d’artillerie coloniale, au sein de la Ire armée, et fait campagne dans les Vosges et en Alsace jusqu’à son rappel à titre militaire au ministère des Colonies en février 1945.
» Français libre » depuis 1940, il a ainsi, après avoir aidé de toutes ses forces l’Afrique française libre à résister avec l’appoint des productions minières, participé directement à la Libération de notre pays. N’est-il pas symbolique qu’il soit décédé le 18 juin 2000, en l’anniversaire du premier appel du général de Gaulle ?
Mon amitié pour lui m’a incité à proposer à La Jaune et la Rouge cet hommage à un » antique » auquel je dois beaucoup.
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1. L’Afrique équatoriale dans la guerre. Pierre Legoux, 1985, inédit.
2. Pierre Legoux était alors » commissaire » scout.