Pierre SAINFLOU (37), 1917–2006
La première qualité de Pierre est le courage ; déjà père de deux enfants il décide, en 1943, de rejoindre l’Afrique du Nord en franchissant à pied les Pyrénées et en faisant un pénible stage dans les prisons et les camps espagnols de Franco ; la récompense : c’est qu’il arrive à temps pour participer sur son avion à diverses missions en Italie et en France ; Pierre est officier de la Légion d’honneur à titre militaire.
Pierre s’est marié jeune avec Louise qui lui a donné quatre filles ; le décès de Louise en 1988, suite à une longue maladie invalidante, fut pour Pierre un choc terrible ; certains des arrière-petits-enfants parviennent déjà aujourd’hui à l’âge adulte et le nom de Sainflou est préservé par les descendants de son frère Raymond (38), Mort pour la France en juin 1940 ; famille de patriotes.
Revenu à la vie civile, Pierre se lance dans la réalisation de films documentaires pour l’administration ou pour de grands groupes industriels. C’est un artisan, mais un artisan de génie qui compose les textes de ses films comme les accompagnements musicaux ; dommage que ses nombreuses chansons, qu’il interprétait lui-même, de sa voix si chaude et si juste, n’aient jamais été éditées.
Avec la discrète complicité de son compère caissier, Robert Wirth, Pierre se voulait le » mainteneur » de la promo 37 ; dès la fin des hostilités il a pris en charge la vie de cette promo : manifestations culturelles, déjeuners annuels, grands spectacles quinquennaux et il a réussi de façon éclatante à conférer une incontestable unité à la promo 37.
Pour rapporter les événements survenus depuis la réunion précédente, Pierre avait le don de transformer son laïus en une scène de » Revue Barbe « , pleine d’humour, de gaîté, de chansons.
L’une de nos réunions (1972) coïncidait avec l’arrivée à l’École des premières Xettes, six ou sept d’entre elles étaient invitées à notre spectacle et Pierre improvisa » gare à ces filles » sur l’air de Gare au gorille de Brassens, succès et applaudissements garantis.
Mais Pierre savait aussi être grave et émouvant, par exemple lors de la disparition d’un camarade particulièrement apprécié.
Son action ne se bornait pas à l’organisation de si brillantes manifestations ; il était parfois approché par l’un ou l’autre d’entre nous qui venait se confier à lui quand il avait des problèmes familiaux, professionnels ou financiers ; il est vraisemblable que Pierre trouvait la solution mais dans une sévère discrétion de rigueur ; merci Pierre !
Pour remercier Pierre de son inlassable activité, la promo organisa en 1974 une réception en son honneur, avec cadeau d’un voyage à la clé ; Pierre et Louise en pleuraient d’émotion et on ressentait la chaleur de l’accueil qui leur était réservé par tous les cocons présents à cette réunion ; la 37 était vraiment soudée et Pierre était l’ouvrier de cette soudure.
Son état de santé s’est détérioré ; sa seconde épouse, Catherine, l’a soutenu avec un dévouement remarquable et il a pu ainsi poursuivre sa tâche pendant quelques années encore, alors qu’il était déjà handicapé par la maladie ; absent, il n’omettait jamais de nous transmettre un message lors de nos déjeuners annuels, en novembre dernier ce message disait en particulier : » En 1939 l’École nous lâche dans un monde d’angoisse et d’incertitudes ; puis, la paix revenue, nous avons connu les joies des retrouvailles, de ces magnans de promo qui voyaient se confronter souvenirs et expériences. » Tel était son testament.
Il paraît que dans le milieu des anciens caissiers, des dirigeants de l’AX, notre promo 37 est appelée » la promo Sainflou » ; quel plus bel hommage pouvait-on rendre à Pierre pour exprimer la place fondamentale qu’il a jouée en assurant notre solidarité… et au-delà de la 37, la solidarité du monde polytechnicien, à la fois si ancré dans ses traditions et si désireux de poursuivre son évolution.
Nous faisons nôtre cette amicale appellation et pour conclure nous écrivons donc avec émotion Aujourd’hui la promo Sainflou est en deuil.