Piloter le devenir de la forêt française

Dossier : Le territoire français en 2050Magazine N°605 Mai 2005
Par Jean-Pierre LÉONARD

Dans une réflexion sur le ter­ri­toire, c’est la tota­li­té des espaces voués aux arbres qui doit être prise en compte, des futaies aux for­ma­tions ligneuses basses.
Cet ensemble com­po­site, sans équi­valent en Europe, por­te­ra en 2050 la marque d’une dérive cli­ma­tique mal iden­ti­fiable et de la tutelle d’une socié­té en rapide mutation.

Forces et faiblesses de la forêt française actuelle

Les lec­teurs de La Jaune et la Rouge ayant déjà béné­fi­cié (octobre 2003) d’un tableau de la forêt fran­çaise et de ses fonc­tions éco­no­miques et socioé­co­lo­giques, on se limi­te­ra à l’é­tude de zones sen­sibles et des méca­nismes sous-jacents.

Des formations arborées étendues mais hétérogènes

Avec 15,2 Mha (18,6 Mha pour l’en­semble de l’es­pace arbo­ré) les forêts fran­çaises ont une éten­due proche de celles de la Fin­lande (21 Mha), loin devant l’Al­le­magne (11 Mha). Chaque Fran­çais dis­pose de 3 100 m2, chaque Alle­mand de 1 300 m2. Elles couvrent 27 % du ter­ri­toire et 39 % du ter­ri­toire rural exploi­table1. Leur volume total de bois est de 2,1 Mdm3, contre 1,9 pour les forêts finlandaises.

En rai­son d’un cli­mat et de sols favo­rables, les forêts fran­çaises pour­raient géné­rer une éco­no­mie du bois d’un niveau com­pa­rable à celui d’un des grands pays nor­diques, ce qui n’est pas encore le cas. Leur carac­té­ris­tique domi­nante est l’hé­té­ro­gé­néi­té, aux diverses échelles, de toutes leurs com­po­santes. 309 régions fores­tières ont été défi­nies à par­tir des par­ti­cu­la­ri­tés de leur milieu, mais la diver­si­té de la forêt à l’in­té­rieur de ces uni­tés est consi­dé­rable, tout comme les modes d’ap­pro­pria­tion et de gestion.

Le frac­tion­ne­ment cadas­tral en mini-uni­tés dont les pré­cé­dents cultu­raux sont variés induit une bio­di­ver­si­té excep­tion­nelle en Europe, mais qui n’est pas sans entra­ver la ges­tion comme le montrent, a contra­rio, les capa­ci­tés dont dis­posent des forêts culti­vées homo­gènes et à maille moins étroite.

La frac­tion de l’es­pace arbo­ré sus­cep­tible d’une ges­tion rai­son­née est impor­tante mais non majo­ri­taire. La forêt publique y tient la pre­mière place avec 4 Mha amé­na­gés. Elle échappe à l’im­bro­glio cadas­tral. Ses amé­na­ge­ments ont tou­jours pri­vi­lé­gié l’a­dap­ta­tion des peu­ple­ments aux nuances du milieu. La forêt pri­vée (11 Mha) com­porte 3,4 Mha de pro­prié­tés de plus de 25 hec­tares, dont 2,6 Mha étaient munies, en 1999, d’un Plan simple de ges­tion. Le solde, 76 % des forêts par­ti­cu­lières, n’a­vait le plus sou­vent pas de consis­tance fores­tière défi­nie. Cepen­dant, dans le cas de la forêt culti­vée, la coopé­ra­tion fores­tière per­met une syl­vi­cul­ture dyna­mique et pla­ni­fiée por­tant sur des pro­prié­tés de 5 à 20 hectares.

Les ges­tions sur la durée concernent donc envi­ron 7 Mha. La pro­gres­sion du volume par hec­tare que l’on constate actuel­le­ment en France pro­cède du déca­lage entre la masse de bois géné­rée, 82 Mm3 par an (1999), et ce qu’ab­sorbe le mar­ché. Plus de 40 % de la pre­mière s’a­joute chaque année au volume déjà sur pied faute d’u­ti­li­sa­tion. Sont en cause les coûts d’ex­ploi­ta­tion et la dis­per­sion des lots.

Des fonctions écologiques et sociales mal rémunérées

La fonc­tion éco­lo­gique des forêts concerne d’a­bord le bois lui-même en tant qu’é­co­ma­té­riau. En témoigne l’Ac­cord-cadre natio­nal » Bois-construc­tion-envi­ron­ne­ment » de mars 2001 pour la pro­mo­tion du bois d’œuvre face à d’autres maté­riaux forts uti­li­sa­teurs d’éner­gies fossiles.

En forêt, l’ins­tal­la­tion de réserves natu­relles pour la pro­tec­tion de l’air, de l’eau, de la bio­di­ver­si­té et d’es­paces voués aux fonc­tions d’ac­cueil et au cadre de vie fait l’u­na­ni­mi­té. On les ver­rait volon­tiers se mul­ti­plier. L’obs­tacle réside dans les dépenses d’or­ga­ni­sa­tion et d’en­tre­tien qu’elles entraînent. Seules les forêts doma­niales et com­mu­nales sont dotées de cré­dits publics consis­tants pour assu­rer l’ac­cueil et les fonc­tions environnementales.

Les pro­prié­taires fores­tiers pri­vés attendent tou­jours un mini­mum de com­pen­sa­tion aux contraintes éco­lo­giques et sociales qui se mul­ti­plient. Vou­loir obte­nir de leur part des pres­ta­tions éco­lo­giques gra­tuites est d’une effi­ca­ci­té pro­blé­ma­tique et d’un effet démo­bi­li­sa­teur assu­ré. La chasse seule, par­mi les fonc­tions non mar­chandes, est source de revenus.

La ges­tion de la forêt fran­çaise repose essen­tiel­le­ment sur la pro­duc­tion de bois.

Une filière bois nationale importante, déficitaire, mais porteuse d’avenir

La filière bois-papier-ameu­ble­ment a un chiffre d’af­faires de 35 Md d’eu­ros et pro­cure 250 000 emplois2, plus encore si l’on y intègre la com­mer­cia­li­sa­tion et la mise en place des pro­duits ouvrés. Son défi­cit exté­rieur (3,5 Md d’eu­ros) est le deuxième après celui du pétrole brut. Bien que les acti­vi­tés de niches conduisent à des spé­cia­li­tés emblé­ma­tiques (tran­chage, ton­nel­le­rie), l’a­ve­nir du ter­ri­toire boi­sé dépend des pro­duits fores­tiers à grande dif­fu­sion dont le mar­ché est mondial.

Les grumes de sciage assurent aux fores­tiers l’es­sen­tiel de leurs reve­nus. Leur volume, qui n’é­tait que de 6,7 Mm3 en 19383, a atteint 17 Mm3 vers 1960. La pro­gres­sion ulté­rieure, autour de 20 Mm3, est due aux seuls rési­neux. Les scieurs se heurtent à la concur­rence des bois nor­diques qui arrivent en lots de plus forte taille et stric­te­ment nor­ma­li­sés.

La seconde trans­for­ma­tion méca­nique est en com­pé­ti­tion avec les autres maté­riaux indus­triels stan­dar­di­sés (métal, béton, plas­tiques). Leurs qua­li­tés de sur­face donnent aux bois rabo­tés des chances nou­velles dans l’a­meu­ble­ment et les amé­na­ge­ments inté­rieurs. Les bois de struc­ture font une place crois­sante aux com­po­sites (EWP) qui tirent par­ti des remar­quables archi­tec­tures fines du bois. L’emballage indus­triel (palettes) devient un métier de masse aux exi­gences précises.

Les indus­tries lourdes, pape­te­ries ou pan­neaux, uti­lisent les sous-pro­duits de la syl­vi­cul­ture ou du sciage fran­çais, en paral­lèle avec des vieux papiers et des pâtes impor­tées. Elles consti­tuent une com­po­sante essen­tielle de la chaîne de trans­for­ma­tion par leur valeur ajou­tée, l’emploi qu’elles génèrent et leur concours à la via­bi­li­té des acti­vi­tés amont. C’est aus­si un sec­teur pilote en matière d’innovations.

Le bois de feu pour les foyers domes­tiques est récol­té en grandes quan­ti­tés par une mul­ti­tude de cir­cuits de proxi­mi­té. La méca­ni­sa­tion de ces exploi­ta­tions fera de l’u­ti­li­sa­tion accrue de cette source d’éner­gie renou­ve­lable un atout d’avenir.

Les espaces arborés parure et menace dans l’espace rural

La forêt est un lieu de res­sour­ce­ment pour les cita­dins et, à l’ho­ri­zon de nos pay­sages, une parure appré­ciée de tous. Cepen­dant la pro­li­fé­ra­tion des espaces boi­sés hors contrôle fait subir aux hommes, et à leurs ins­tal­la­tions, de graves menaces pro­ve­nant des incen­dies et des chutes d’arbres qui sont dues à des tem­pêtes plus fré­quentes. Les dépenses pour la pré­ven­tion et la lutte contre ces fléaux dépassent tous les efforts consen­tis pour la vie de la forêt publique ou privée.

Les facteurs de la composition actuelle des forêts

La liaison forêt-société

L’u­sage prin­ci­pal qui est fait des forêts trans­pa­raît dans leur appa­rence glo­bale. On dis­tingue des forêts de sub­sis­tance, des forêts indus­trielles, des futaies à bois d’œuvre et un qua­trième type qui réunit les forêts sanc­tuaires et les forêts-friches. La pro­gres­sion de la den­si­té des hommes et du Pro­duit inté­rieur brut par habi­tant les a fait appa­raître tour à tour4.

Ces fac­teurs fon­da­men­taux fixent l’é­ten­due assi­gnée aux forêts, leur com­po­si­tion et leurs débou­chés, par le canal de fac­teurs effi­caces (la demande de biens et ser­vices ; les niveaux tech­no­lo­giques). Ain­si, jus­qu’en 1840, les sur­faces fores­tières étaient contrac­tées au plus bas niveau tolé­rable par la mise en culture des ter­rains les plus dif­fi­ciles qu’im­po­sait la fai­blesse des ren­de­ments céréaliers.

Le déve­lop­pe­ment d’une socié­té déter­mine aus­si la nature des pro­duits deman­dés à la forêt. Avant la Révo­lu­tion indus­trielle, le bois ser­vait à tout mais les foyers en absor­baient l’es­sen­tiel ; après, c’est le bois d’œuvre qui, en Europe, a pris la pre­mière place. Les régimes de ges­tion cor­res­pon­dants sont le taillis et la futaie.

Les forêts ne res­tent exploi­tables que si elles per­mettent la pro­gres­sion de la pro­duc­ti­vi­té du tra­vail aux dif­fé­rents niveaux de la chaîne, pro­duc­ti­vi­té cor­ré­lée à l’é­vo­lu­tion du PIB par habi­tant. Ain­si, le nombre de pins mari­times plan­tés à l’heure a été mul­ti­plié par 8 en cin­quante ans, et s’est donc accru au rythme moyen de la pro­duc­ti­vi­té du tra­vail en France. Cette contrainte pèse par­ti­cu­liè­re­ment aujourd’­hui sur les forêts ins­tal­lées sur des pentes de plus de 30 % et sur les boi­se­ments frac­tion­nés en par­celles exi­guës, par­tout où la méca­ni­sa­tion des récoltes est dif­fi­cile et où l’on peine à appro­vi­sion­ner les trans­for­ma­teurs en lots de bois impor­tants et de qua­li­té défi­nie. En forêt publique, ces impé­ra­tifs de pro­duc­ti­vi­té sont moins pres­sants grâce aux contrats assu­rant la mul­ti­fonc­tion­na­li­té des massifs.

L’histoire sociale a donné sa consistance aux forêts françaises

En deux siècles, la sagesse des pou­voirs publics et le dyna­misme de cer­tains pro­prié­taires fores­tiers ont doté la France de noyaux de futaies de qua­li­té. Elles tranchent sur la masse des anciens taillis démem­brés ou des petits champs embrous­saillés dont la pré­sence est loin d’être tou­jours favo­rable à la vie des hommes et à la pré­ser­va­tion de la nature. Les deux tiers de l’ex­pan­sion de l’es­pace fores­tier, por­té de 7 à 15 mil­lions d’hec­tares, relèvent de ce phé­no­mène. La fin du pacage a eu le même effet sur les landes et gar­rigues. Le cas des Landes de Gas­cogne n’a que peu de répliques. La mul­ti­pli­ca­tion des bois fut un phé­no­mène plu­tôt subi que vou­lu. Le Fonds fores­tier natio­nal lui-même (créé en 1947) avait comme objet prin­ci­pal la réno­va­tion des espaces arbo­rés, non leur exten­sion5.

Étendue et composition des surfaces boisées en 2050

Les évo­lu­tions cli­ma­tiques pré­sentent une com­po­sante assu­rée : la fré­quence accrue des tem­pêtes. L’ex­ten­sion annon­cée des milieux favo­rables à la végé­ta­tion médi­ter­ra­néenne aura encore, à l’ho­ri­zon 2050, une influence mineure par rap­port aux dérives pro­vo­quées par la pres­sion socié­tale. Sont en cause moins la popu­la­tion, sup­po­sée res­ter stable à 62 mil­lions d’ha­bi­tants6, que le PIB par habi­tant qui, au rythme de 1,5 % par an, pour­rait dou­bler. Il avait qua­dru­plé depuis 19507.

La croissance des surfaces arborées jusqu’en 2050

Forêt de chênes exceptionnels (Forêt de Bercé, Sarthe, Chênes rouvres)
Les fores­tiers ont veillé pen­dant des siècles sur ces chênes excep­tion­nels. Dans cin­quante ans, grâce aux efforts consen­tis aujourd’­hui, de tels joyaux de notre patri­moine conti­nue­ront à orner nos mas­sifs. Forêt de Ber­cé, Sarthe, chênes rouvres (quer­cus sessiliflora). 
© CICHÉ BARTOLI-PHOTOTHÈQUE ENGREF-NANCY 

Les besoins d’es­pace pour l’a­gri­cul­ture et pour la construc­tion et la voi­rie fixent par défaut l’é­ten­due des bois. La concen­tra­tion de l’a­gri­cul­ture sur les sites équi­pés pour une meilleure pro­duc­ti­vi­té du tra­vail devrait se pour­suivre, mal­gré les efforts entre­pris pour l’ex­ten­si­fi­ca­tion de l’é­le­vage. Les besoins en espaces arti­fi­cia­li­sés s’ac­croissent par exten­sion de la voi­rie et des espaces bâtis. Le retour au centre-ville frei­ne­ra cette expan­sion des ban­lieues. Les rési­dences de loi­sir, qui forment déjà la moi­tié des loge­ments ruraux8, et l’ins­tal­la­tion d’ac­tifs à la cam­pagne, seront les prin­ci­paux consom­ma­teurs de sols, avec les parcs, jar­dins, golfs et autres espaces arbo­rés de loi­sir, col­lec­tifs ou par­ti­cu­liers. Ces der­niers nous paraissent rele­ver, en fait, de la forêt-sanc­tuaire. Sous cette réserve, l’é­ten­due des sur­faces arti­fi­cia­li­sées n’at­tein­drait pas celle des déprises agricoles.

À par­tir des remarques pré­cé­dentes, on obte­nait par défaut pour 2030 une sur­face domi­née par les arbres de 20,4 Mha9. En 2050, si la sur­face agri­cole était rame­née à 25 Mha, les arbres occu­pe­raient 22 Mha, soit 40 % du ter­ri­toire national.

Répartition spontanée des modèles forestiers en 2050

Les niveaux de PIB rete­nus pour 2050 n’é­tant encore atteints dans aucun pays, on ne peut que pro­lon­ger les évo­lu­tions déjà amor­cées. À l’ho­ri­zon 2030, nous avions pro­po­sé la ven­ti­la­tion sui­vante d’un espace arbo­ré défi­ni ci-des­sus : 7,3 Mha de futaies où la vie éco­no­mique res­te­rait éven­tuel­le­ment pos­sible, mais dont plu­sieurs cen­taines de mil­liers d’hec­tares seraient dis­traits pour ins­tal­ler des réserves inté­grales ou des parcs de loi­sir ; 6 Mha ayant per­du leur pro­duc­tion de bois du fait de leur struc­ture fon­cière et l’hé­té­ro­gé­néi­té de leurs peu­ple­ments ; 4,4 Mha subis­sant le même aban­don en rai­son d’une pente trop forte pour la méca­ni­sa­tion ; 2,7 Mha d’an­ciens bos­quets, maquis, gar­rigues et landes boi­sées deve­nus des futaies basses sans pro­duc­tion mar­chande, sauf, par places, de bois de feu.

Ces pers­pec­tives résultent des cri­tères énu­mé­rés plus haut aux­quels devront se confor­mer les mas­sifs pour gar­der une vie éco­no­mique auto­nome sur le modèle de la forêt culti­vée. Ces cri­tères devien­dront tou­jours plus rigou­reux. Le rac­cour­cis­se­ment des révo­lu­tions qui en résulte dimi­nue­ra l’ex­po­si­tion aux risques de tem­pête. La forêt mul­ti­fonc­tion­nelle clas­sique, qui est la norme dans les forêts publiques, gar­de­ra de l’im­por­tance dans la mesure où la col­lec­ti­vi­té pour­sui­vra l’ef­fort finan­cier indis­pen­sable. Elle pour­ra de la sorte conti­nuer à ali­men­ter une large frac­tion de la filière bois et limi­ter le défi­cit du com­merce exté­rieur français.

Le solde, consti­tué par les espaces fores­tiers non gérés, s’é­ten­drait dès 2030 sur 13 Mha, et, en 2050, sur 14 ou 15 Mha, inclus dans un espace arbo­ré de 22 Mha. Bien des régions par­se­mées de rési­dences iso­lées subi­raient les incon­vé­nients consta­tés aujourd’­hui dans les dépar­te­ments médi­ter­ra­néens, avec les dépenses de pro­tec­tion civile cor­res­pon­dantes. L’é­vo­lu­tion du cli­mat accen­tue­ra cette dérive10.

Répartition des modèles résultant d’une politique volontariste

En consi­dé­ra­tion des incon­vé­nients de la non-ges­tion et des avan­tages sociaux, éco­no­miques, et sou­vent éco­lo­giques, d’une ges­tion plus volon­ta­riste de l’es­pace natio­nal, il nous semble néces­saire de don­ner ses meilleures chances à la vie de la filière par exten­sion des forêts orga­ni­sées pour une pro­duc­tion effi­cace du bois. Elles for­me­raient, avec des réserves de nature bien struc­tu­rées, une forêt vivante capable de contre­ba­lan­cer la pré­sence mas­sive des bois aban­don­nés. L’Al­le­magne peut envi­sa­ger de sang-froid l’ex­ten­sion de la forêt non gérée en rai­son de sa den­si­té de popu­la­tion et du fait d’es­paces arbo­rés moins éten­dus et bien mieux en mains. Il ne serait pas bon d’a­dop­ter sans exa­men les mots d’ordre issus du contexte aus­si dif­fé­rent que celui de l’outre-Rhin.

Notre pro­blème n’est pas d’ap­por­ter plus de natu­rel à une pra­tique trop finan­cière de l’a­mé­na­ge­ment des mas­sifs, mais d’as­su­rer, sur des sur­faces signi­fi­ca­tives, le contrôle d’es­paces, majo­ri­tai­re­ment pri­vés, dont le mor­cel­le­ment est, pour leur moi­tié, para­ly­sant. Déve­lop­per, grâce à la struc­tu­ra­tion de la pro­prié­té pri­vée et par l’at­ten­tion por­tée aux besoins de la filière, la pro­duc­tion d’é­co­ma­té­riaux et de bois-éner­gie est déjà un objec­tif ins­crit dans la loi, tout comme sont à l’é­tude les règles d’un sys­tème d’as­su­rance adap­té aux par­ti­cu­la­ri­tés de la forêt. Un volet d’une telle poli­tique pour­rait concer­ner la moti­va­tion des pro­prié­taires eux-mêmes puisque leur atti­tude est, en der­nier res­sort, déter­mi­nante. Il s’a­gi­rait de ne rien exi­ger d’eux sans s’as­su­rer de la com­pa­ti­bi­li­té des mesures à l’é­tude avec la sur­vie des acti­vi­tés qui condi­tionnent leur capa­ci­té de ges­tion, car il n’y a pas de forêt durable sans gestion.

La forêt fran­çaise sera demain un élé­ment for­te­ment pré­sent de l’es­pace rural fran­çais. Elle consti­tue­ra soit un tis­su inter­sti­tiel indif­fé­ren­cié et dan­ge­reux, soit un lieu de vie et d’an­crage au ter­roir pour la popu­la­tion locale et pour les visi­teurs. La pre­mière solu­tion est adop­tée dès à pré­sent aux USA. La seconde pour­rait don­ner un nou­vel attrait à toutes les par­ties de notre ter­ri­toire en conser­vant la vieille col­la­bo­ra­tion du milieu et des hommes qui a fait le Jar­din de France.

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1. Ano­nyme, Les Indi­ca­teurs de Ges­tion durable de la forêt fran­çaise, minis­tère de l’A­gri­cul­ture et de la Pêche, Paris, 2000, p. 4, 5, 40, 12, 37.
2. Jean-Paul LANLY et al. « Le Bois » numé­ro spé­cial n° 578, La Jaune et la Rouge, Paris, octobre 2002.
3. J. CAMPREDON, Indus­trie et com­merce du bois. Paris, PUF, 1950, p. 27–29.
4. Jean-Pierre LÉONARD, Contri­bu­tion à la Typo­lo­gie des prin­ci­paux sys­tèmes fores­tiers. Vil­le­neuve-d’Ascq, 2002, Presses Uni­ver­si­taires du Septentrion.
5. Ano­nyme, Fonds fores­tier natio­nal, 25 ans de tra­vaux. Paris, La Docu­men­ta­tion fran­çaise, 1972, p. 22.
6. J. MARSEILLE, « Démo­gra­phie – La for­mi­dable excep­tion fran­çaise », Le Point. Paris, 18.11.2004.
7. Angus MADDISON, L’É­co­no­mie mon­diale, Paris, OCDE, 2001, p. 294.
8. Ano­nyme, Tou­risme et Forêt. Centre natio­nal du tou­risme en espace rural, ENITA, 63370 Lempdes, 2002, p. 16.
9. Jean-Pierre LÉONARD, Forêt vivante ou Désert boi­sé – La Forêt fran­çaise à la croi­sée des che­mins. Paris, L’Har­mat­tan, 2003, p. 248.
10. Ano­nyme, « La Forêt fran­çaise mena­cée de bou­le­ver­se­ment », Paris, La Forêt pri­vée, Revue fores­tière euro­péenne, n° 279, sep. 2004, p. 22. (en 2100, le cli­mat pro­vo­que­ra la migra­tion des zones forestières).

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