Plateau de Saclay : fin de partie, ou nouveau départ ?
C’est globalement en ces termes que les médias nationaux ont commenté les déclarations faites par le Président de la République lors de sa visite à Paris-XI, Polytechnique et CentraleSupélec le 25 octobre dernier. Décryptage.
La visite du Président Emmanuel Macron a donc confirmé la réorientation du projet Paris-Saclay en deux pôles complémentaires, le projet initial d’un gigantesque ensemble unique ayant buté un peu sur les questions de miscibilité entre le monde de l’université et celui des grandes écoles et beaucoup sur des divergences d’objectif.
Le président Emmanuel Macron a confirmé l’attachement de l’État au projet lancé en 2008 par Nicolas Sarkozy et poursuivi par François Hollande. Il veut, comme eux, pour le système d’enseignement supérieur et de recherche français sur le plateau de Saclay, une visibilité mondiale et un impact fort sur l’innovation et l’industrie, et plus largement l’économie française.
En même temps, il tire les conclusions de difficultés observées et a donc annoncé une réorientation pour créer, non pas un gigantesque ensemble, mais deux pôles complémentaires.
L’un des pôles rassemblera les trois universités, CentraleSupélec et l’ENS Paris- Saclay (ex-Cachan). Paris-XI apparaît comme le leader naturel de ce pôle.
L’autre pôle se présentera comme une université ou un institut de sciences et technologies, et comprendra Polytechnique, Télécom, l’ENSAE, l’ENSTA et peut-être HEC et Agro. Une telle organisation en deux pôles existe à Lausanne, à Munich, à Stockholm, et dans de nombreux autres endroits dont Boston, avec – modèle suprême – Harvard et le MIT.
L’IMPASSE DE PARIS-SACLAY
De fait, pratiquement dix ans après son lancement, le grand projet de Paris-Saclay n’avait toujours pas trouvé son équilibre.
Au-delà des inévitables questions de miscibilité entre le monde de l’université et celui des grandes écoles, c’est en fait une divergence sur l’objectif même poursuivi qui aura été la pierre d’achoppement.
Que cherchait-on à faire ? Le président Bruno Angles l’a précisément exprimé dans l’interview qu’il a donnée à BFMTV : « On s’est trop focalisé sur un seul objectif : performer au classement de Shanghai. Or ce classement, certes connu, est loin d’être le seul.
Il existe d’autres classements, tout aussi importants, chacun ayant sa spécificité : là où le classement de Shanghai privilégie la taille et l’extensivité des performances, on peut préférer des classements plus “intensifs” comme le classement QS, qui privilégie l’employabilité des diplômés (l’X y est classée 6e au classement mondial 2017), le classement “Times Higher Education”, qui regarde le nombre de PDG dans Fortune 500 (l’X est 4e à l’Alma Mater Index 2017), ou encore le classement CWTS Leiden Ranking qui place l’École polytechnique première en France en pourcentage de publications classées dans le top 1 % en facteur d’impact. »
VISER L’EXCELLENCE DANS SA CATÉGORIE
On l’aura compris, c’est bien la différence de perspective qui a fait la différence d’approche : là où l’Université Paris-Sud, noyau du futur grand établissement de Paris-Saclay, sera incontestablement la mieux placée pour se distinguer au classement de Shanghai, l’X entend continuer à exceller sur des critères plus spécifiques.
Pour Bruno Angles, « il est difficile d’exceller à la fois sur des critères extensifs et sur des critères intensifs ».
L’objectif d’excellence est donc clairement affirmé pour ce nouveau projet autour de l’X. Cette excellence doit être visible et permettre une reconnaissance internationale. Or, dans la compétition mondiale, il faut gagner en taille sans perdre en excellence. Le nouveau projet de pôle est très prometteur pour cela.
ET MAINTENANT, QUELS PARTENARIATS SUR LE PLATEAU ?
Ce nouveau départ, sur des objectifs clarifiés, ne signifie pas pour autant que l’X tourne le dos à l’Université Paris-Saclay. Les liens sont d’ores et déjà nombreux et solides, et ils perdureront.
TAILLE ET PERFORMANCE DES UNIVERSITÉS
La France compte aujourd’hui 70 universités métropolitaines recevant 1 593 000 étudiants, soit une moyenne de 22 800 étudiants par université.
Contrairement à l’idée répandue, la taille de ces universités n’est donc pas la cause déterminante de leur médiocre classement (le MIT et l’EPFL comptent autour de 10 000 étudiants, Caltech moins de 3 000, Oxford ou Harvard 22 000 toutes formations confondues).
La constitution de monstres ingérables de 50 000 à 80 000 étudiants par agglomération des établissements existants ne résoudra rien.
Alain Bovis (74), « L’avenir des grands corps techniques en débat », La Jaune et la Rouge n° 722, février 2017.
Ainsi, le Président de la République, pour sa visite à l’X ce 25 octobre, avait choisi d’être accueilli dans les laboratoires de physique et de mécanique, où le président Jacques Biot lui a présenté les investissements réalisés sur le campus, et en particulier NanoMax, un microscope électronique en transmission (TEM) à ultra-haute résolution permettant d’observer la croissance de nanocristaux au cours de leur formation.
Ce microscope, emblématique de l’esprit de coopération qui règne sur le plateau, réunit plusieurs équipes de recherche du campus de l’École polytechnique, ainsi que d’autres acteurs du plateau de Saclay comme le CNRS, le CEA et justement l’Université Paris- Sud.
De telles coopérations sont la règle aujourd’hui sur le campus, et le resteront. Un partenariat, respectueux des identités, mais néanmoins beaucoup plus fortement uni, est à construire autour de l’École polytechnique avec ses partenaires. Il reste beaucoup à faire, à construire, pour que le pôle prenne une réalité plus unifiée, forme des étudiantes et étudiants du meilleur niveau, bien adaptés aux besoins des entreprises, de l’économie, sans oublier le secteur public, et délivre les diplômes y compris de doctorat.
Recherche, innovation, entrepreneuriat doivent y être forts et au meilleur niveau de dynamisme.
Notre association a milité activement pour rappeler l’attachement de l’AX à la feuille de route adressée par le ministre de la Défense le 15 décembre 2015 à l’École polytechnique. Avant la visite présidentielle, des contacts ciblés avec des responsables au plus haut niveau ont eu lieu pour souligner qu’après le temps de la réflexion et de la décision en 2015, devait venir le temps de l’action et d’une action rapide pour la mise en œuvre de l’Alliance, annoncée dès 2015 par Emmanuel Macron, alors ministre de l’Économie et des Finances.
On peut se réjouir qu’un consensus ait pu se former, aboutissant aux décisions annoncées, le deuxième pôle de 2017 correspondant peu ou prou à l’Alliance de 2015.
Il est important dans la période qui s’ouvre pour la construction du projet, provisoirement dénommé « NewUni », que la parole portée par l’AX soit bien assise sur la légitimité d’une communauté impliquée et des adhérents nombreux.
Bruno Angles, président de l’AX, répondant aux questions de Stéphane Soumier, sur BFM Business, le 26 octobre.
Commentaire
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Pourquoi se concentrer sur les classements mondiaux ?
Bonjour,
Il y a deux questions qui me préoccupent depuis longtemps sur ce sujet :
1) Pourquoi tient-on tant à bien figurer dans les classements mondiaux ?
2) Et pourquoi souhaite t’on attirer les meilleurs élèves étrangers ?
Le rôle d’une école n’est-il pas surtout de permettre à ses élèves d’exploiter tout leur potentiel ?
ps : j’imagine que la réponse à la question 2 n’est pas uniquement pour promouvoir les échanges culturels car j’imagine mal qu’on dépense tant d’argent pour cela.