Population et naissances : trop ou pas assez ?
La population chinoise a été multipliée par trois depuis soixante-quinze ans et continue d’augmenter. Pourtant, les démographes locaux s’inquiètent d’un nombre de naissances trop faible et pressent le gouvernement de supprimer la politique de l’enfant unique. Son objectif était de lutter contre la surpopulation, une des principales craintes à l’époque et encore aujourd’hui.
Mais les projections annoncent que la population va bientôt cesser de croître et qu’elle pourrait diminuer d’un tiers d’ici à la fin du siècle. À quoi ressemblera demain la population chinoise ?
REPÈRES
1,3 milliard de Chinois aujourd’hui. 15 millions de naissances et 10 millions de décès par an. Il naît 121 garçons pour 100 filles. La Chine devrait être dépassée par l’Inde vers 2020, et repasser sous le milliard d’habitants à la fin du siècle.
La Chine bientôt dépassée par l’Inde
La comparaison des pyramides des âges de 1950 et de 2000 révèle l’ampleur des changements survenus en Chine.
En 1950, la pyramide a une base élargie et se rétrécit régulièrement vers le haut, caractérisant une population où natalité et mortalité sont élevées.
Des petites familles aussi en Thaïlande et en Inde
Des baisses rapides de fécondité sans politique coercitive ont souvent été observées ailleurs, comme en Thaïlande.
Les premières politiques indiennes de contrôle des naissances, dans les années 1950–1970, ont échoué en partie parce que les familles n’étaient pas prêtes au changement. Elles le sont devenues plus tard et se sont converties à la famille de petite taille.
En 2000, sa base a rétréci en raison de la diminution de la fécondité : alors que les femmes avaient encore près de 6 enfants en moyenne à la fin des années 1960, elles n’en avaient plus que 1,5 vers 2010.
La pyramide a par ailleurs crû en hauteur : l’espérance de vie est passée de près de 45 ans en 1950 à plus de 70 ans en 2000.
En 2050, la pyramide est assez proche de celle de l’Europe.
Aujourd’hui, la fécondité est aussi basse en Chine qu’en Europe, mais la population compte encore beaucoup d’adultes en âge d’avoir des enfants, nés lorsque la fécondité était encore forte, ce qui entraîne un nombre encore élevé de naissances.
Les personnes âgées sont en revanche peu nombreuses, et le nombre de décès est faible.
La population, 1,3 milliard en 2010, devrait donc croître encore pendant quelques années. Selon les projections des Nations unies, elle pourrait augmenter jusqu’à près de 1,4 milliard vers 2025, puis revenir à 1,3 milliard en 2050 et à moins d’un milliard en 2100.
1,5 enfant en moyenne par femme en 2010
La baisse très rapide de la fécondité en Chine dans les années 1970 est souvent attribuée à la politique de l’enfant unique. Les politiques de contrôle des naissances jouent certes un rôle important, mais ne sont efficaces que si elles rencontrent le souhait des couples d’avoir moins d’enfants.
Si la fécondité chinoise a baissé si vite dans les années 1970, c’est parce que la politique officielle a coïncidé avec une modification des désirs des familles.
Plus de garçons que de filles
ÉVOLUTION DES POPULATIONS CHINOISE ET INDIENNE DEPUIS 1950 ET PROJECTIONS JUSQU’EN 2100 |
L’une des incertitudes concernant les évolutions démographiques futures vient du déséquilibre des sexes à la naissance. Il naît normalement un peu plus de garçons que de filles, 105 garçons pour 100 filles. Pourtant, cette proportion a augmenté en Chine depuis les années 1980 jusqu’à dépasser 120 pour 100 en 2010 en raison des avortements sélectifs. On attribue cette hausse, là aussi, à la politique de l’enfant unique. Certes, les familles répugnaient à avoir une fille unique, mais la politique officielle correspondait aussi à leur souhait d’avoir peu d’enfants. L’augmentation de la masculinité des naissances depuis les années 1980 tient à la conjonction de trois phénomènes : réduction de la taille des familles, volonté d’avoir un garçon à tout prix et diffusion de l’échographie.
Le déséquilibre va-t-il s’aggraver ? D’après le recensement chinois de 2010, la masculinité des naissances a encore légèrement augmenté : 121 garçons pour 100 filles. Mais il n’est pas exclu qu’après avoir atteint un maximum, elle régresse comme en Corée du Sud.
Célibat et recul de l’âge du mariage
Même si le déséquilibre des sexes à la naissance est temporaire, des générations sont déjà nées avec une surreprésentation de garçons.
Faire des études et avoir un emploi avant de fonder une famille
Elles risquent d’en subir les effets : les filles trouveront facilement un conjoint, mais de nombreux garçons resteront sans partenaire. Le marché matrimonial pourrait s’adapter par un célibat plus important des hommes et un creusement de l’écart d’âge entre conjoints, les hommes se mariant plus tard, avec des femmes plus jeunes. La tendance actuelle, comme presque partout, est au recul de l’âge du mariage et de la première naissance, les jeunes souhaitant faire des études et avoir un emploi avant de fonder une famille. Cette évolution pourrait être contrecarrée chez les femmes.
Croissance ralentie et vieillissement accru
Les perspectives démographiques sont à revoir : les femmes, peu nombreuses, mettront trop peu d’enfants au monde pour remplacer leur génération — avec 105 garçons pour 100 filles, il faut déjà 2,1 enfants en moyenne par femme pour assurer le remplacement, avec 120, il en faut 2,25. La croissance démographique pourrait ralentir plus vite qu’annoncé et le vieillissement démographique être très rapide.
Conscients des évolutions en germe, les démographes chinois pressent leur gouvernement de supprimer la politique de l’enfant unique. S’il le fait, il n’est pas sûr que la fécondité remonte, elle pourrait même continuer de diminuer.
Certaines provinces ou grandes villes mettent déjà en place des politiques natalistes. Leurs effets risquent de tarder à se faire sentir, étant donné les aspirations des jeunes générations. La Chine n’échappera pas au vieillissement rapide de sa population ; tout au plus peut-elle s’y préparer dès maintenant.