Pour le transport aérien, tous les États européens ont pratiqué le « quoi qu’il en coûte »
Le secteur du transport aérien fait partie des secteurs qui ont été les plus affectés par la crise du Covid-19. Il n’avait jamais affronté auparavant une crise de cette ampleur ainsi que l’illustre le graphique ci-dessus.
Selon l’IATA, les pertes réalisées par les compagnies aériennes européennes ont atteint 35 Md$ en 2020 et devraient s’établir autour de 22 Md$ en 2021. Pour éviter une hécatombe dans le transport aérien, tous les États européens ont pris des mesures d’aide ciblées allant au-delà des mécanismes généraux mis en place pour l’ensemble de l’économie.
Compte tenu des contraintes posées par le droit européen en matière d’aides d’État, la Commission européenne a rapidement adopté des mesures visant à faciliter la tâche des États membres. En particulier, elle a adopté dès mars 2020 un « encadrement temporaire » afin de permettre aux États membres d’accroître leurs soutiens aux entreprises. En définitive, la Commission leur a permis d’aider les compagnies aériennes sur trois fondements : (i) au titre de l’encadrement temporaire sur les aides d’État ; (ii) en réparation des dommages causés directement par la lutte contre la pandémie1 ; et (iii) le cas échéant, dans le cadre des lignes directrices sur les aides aux entreprises en difficulté.
En juillet 2021, la Commission indiquait avoir ainsi autorisé plus de 55 mesures d’aide en faveur du secteur de l’aviation, représentant environ 31 Md€ d’aides d’État.
Pour les aides les plus importantes destinées à recapitaliser substantiellement les compagnies ayant un « pouvoir de marché significatif », la Commission a imposé des mesures correctives. C’est ainsi que Lufthansa Group, qui a reçu plus de 6 Md€ en capital ou quasi-capital, a dû abandonner 24 créneaux journaliers à Francfort et Munich, tandis qu’Air France, recapitalisée pour 4 Md€, a dû céder 18 créneaux par jour à Orly.
Ces mesures correctives n’ont pas empêché les compagnies low cost, qui ont pu traverser la crise avec un minimum d’aides grâce à leur trésorerie abondante et à leur agilité organisationnelle, de critiquer les plans généreux bénéficiant à leurs concurrents « historiques ». Conformément à sa pratique, Ryanair ne s’est pas bornée à critiquer ces mesures. Elle les a systématiquement attaquées devant le juge européen. À ce jour, le Tribunal de l’Union européenne a statué selon une procédure accélérée sur dix de ces recours. Dans sept cas, il a validé la décision de la Commission. Dans trois cas, il a prononcé une annulation pour insuffisance de motivation tout en suspendant les effets de son arrêt jusqu’à l’adoption d’une nouvelle décision par la Commission. Le soutien qui a été accordé par les États européens aux compagnies aériennes, avec l’appui de la Commission, a été à la hauteur de la crise traversée par ce secteur. Pour autant, la situation est loin d’être stabilisée, sur le plan économique comme sur le terrain juridique. Selon toutes les prévisions, la sous-activité persistera encore plusieurs années. Et beaucoup d’acteurs sortiront de la crise avec un endettement considérable, alors que les enjeux environnementaux vont exiger d’importants investissements.
1 L’article 107 § 2 (b) TFUE dispose en effet que sont compatibles avec le marché intérieur « les aides destinées à remédier aux dommages causés par les calamités naturelles ou par d’autres événements extraordinaires ».
En bref
Pamina Avocats est un cabinet de niche qui traite des questions complexes de régulation et de droit public économique, en conseil comme en contentieux, en France et en Afrique francophone. À ce titre, il conseille notamment des acteurs du transport aérien.