Pour un aménagement durable
L’action de l’Administration de l’Équipement, surtout connue à travers ses Directions départementales (DDE), se focalise autour de deux prestations » visibles » : l’entretien du réseau routier et la gestion des autorisations d’application du droit des sols autrement dit l’instruction des demandes de permis de construire et de certificats d’urbanisme.
Les effectifs dédiés à la gestion routière étaient de près de 50 000 agents, bien qu’ayant connu une très forte diminution depuis le début des années quatre-vingt, diminution normale compte tenu de l’amélioration de la productivité de ce type de tâches, mais difficile à gérer socialement.
Le transfert aux départements du réseau national d’intérêt local
Jusqu’à la mise en oeuvre de la loi du 13 août 2004 (loi LRL), c’est-à-dire jusqu’en 2007, les services de l’équipement géraient près de 400 000 kilomètres de voirie dont un peu moins de 30 000 pour le compte de leur employeur institutionnel l’État et le reste pour celui des départements. Les camionnettes orange de la DDE étaient le signe visible de ce service public » multi-employeurs « .
Les services départementaux de l’État sont maintenant déchargés de toute tâche de gestion routière
La loi LRL a fait éclater la fiction qui faisait des DDE (et par conséquent de l’État) le responsable général de la qualité de la gestion du réseau routier alors que la plus grande partie des décisions, notamment budgétaires, était prise par des assemblées locales. Pour ce faire elle a posé deux principes :
• le plus visible a été le transfert aux départements du réseau national d’intérêt local soit (après les inévitables négociations) un peu moins des deux tiers des 30 000 kilomètres de route nationale non concédée ;
• le plus important a été la fin du régime de » mise à disposition » des DDE auprès des départements avec le transfert à ces derniers d’un peu moins des 30 000 agents qui oeuvraient à la gestion du réseau départemental ancien ou nouveau.
Cette réforme des services routiers sera complète lorsque les » parcs départementaux de l’équipement » auront, comme il est prévu, été partagés entre les collectivités qui les emploient réellement et par conséquent plus des deux tiers de leurs effectifs transférés aux départements.
Les services départementaux de l’État, qui portent toujours dans la grande majorité des départements le nom de DDE, sont donc maintenant déchargés de toute tâche de gestion routière.
Que peut espérer le citoyen contribuable de ces modifications ? En ce qui concerne le réseau routier national conservé, certainement la poursuite de l’amélioration de la productivité des services. Toutefois, cette amélioration est limitée par le fait que les effectifs sont de plus en plus dimensionnés pour les interventions en cas d’urgence (service hivernal en particulier) et par les contraintes des règles sociales sur le temps de travail.
En ce qui concerne la gestion du réseau des collectivités locales on peut espérer (c’est la base de la démocratie locale) que les décisions d’arbitrage entre la qualité de service et les prélèvements financiers sur les contribuables seront plus éclairées qu’elles ne l’étaient dans les mécanismes un peu aveugles de répartition des crédits de l’État et surtout de ses moyens en personnel.
Des économies d’échelle pour la gestion de l’occupation des sols
L’autre sujet pour lequel les citoyens de base ont des contacts avec les DDE est celui de la gestion des autorisations d’urbanisme.
L’existence des DDE pallie en partie les inconvénients du trop grand nombre de collectivités locales
Là aussi le législateur de la première décentralisation a créé des situations quelque peu ambiguës. Il a confié la responsabilité des autorisations de construire aux maires tout en maintenant une forte intervention de l’État à travers le contrôle de légalité et diverses législations (plus protectrices d’ailleurs de l’environnement qu’incitatrices au développement). Il a surtout posé le principe du droit pour les maires de faire appel gratuitement aux services des DDE pour l’instruction des demandes d’autorisation. Beaucoup de maires ont vu dans cette possibilité non seulement une économie financière (c’était le but de la mesure) mais aussi une possibilité de faire reporter sur d’autres les décisions les plus délicates et notamment les refus. Divers textes législatifs successifs, le dernier étant la loi LRL elle-même, ont progressivement réduit la possibilité de faire appel aux DDE pour toutes les communes d’une certaine importance, mais l’émiettement communal français et les compétences qui restent à l’État font que ce sont actuellement près de la moitié des actes d’urbanisme qui sont instruits par les agents des DDE.
Ce dispositif intellectuellement bizarre puisqu’il combine une responsabilité politique du maire et un travail fait par des fonctionnaires de l’État peut s’expliquer parce que l’instruction d’une autorisation d’urbanisme n’est que la mise en oeuvre de décisions antérieurement prises lors de l’élaboration de documents généraux que sont les actuels PLU (Plan local d’urbanisme) ou les anciens POS (Plan d’occupation des sols). En tout cas, il permet des économies d’échelle et la productivité des services de l’État (en actes par agent) est nettement supérieure à ce qu’on peut constater en moyenne dans les collectivités.
En matière d’application du droit des sols, comme dans d’autres domaines, l’existence des DDE sur le terrain pallie donc en partie les inconvénients du trop grand nombre de collectivités locales françaises. Est-ce un bien ou un mal ?
Les prestations de services aux communes
Si les citoyens ordinaires voient les DDE à travers la gestion de réseaux routiers, l’instruction des permis de construire et la mise en oeuvre des politiques nationales d’urbanisme et de logement, il est par contre une part de leur activité que connaissent seuls les élus, surtout ruraux, c’est la fourniture aux communes de prestations techniques.
Ces activités de maîtrise d’œuvre, de conduite d’opération ou de simple conseil ponctuel présentent un très grand intérêt pour des collectivités de petite taille, ne pouvant avoir de services techniques propres et répugnant à la » tutelle » d’une intercommunalité. Cette formule est d’autant plus attrayante que les prestations sont fournies par un réseau de proximité et, globalement peu chères, ce qui veut d’ailleurs dire qu’il y a bien souvent une aide cachée du contribuable national au fonctionnement de ces petites communes.
Le maintien à moyen terme de ce type d’interventions pose néanmoins question dans un contexte économique général où l’État recentre son action sur les enjeux de niveau national. De plus l’abandon par les DDE de la gestion des réseaux routiers supprime la synergie entre cette gestion et les prestations aux communes, l’une et l’autre nécessitant un réseau dense (et par conséquent coûteux) d’implantation sur le terrain.
Le retrait de l’État des prestations aux communes apparaît inévitable mais doit se faire de façon progressive aussi bien vis-à-vis des élus que des personnels qui les fournissent.
La gestion des politiques de l’habitat
Même si elle est moins visible pour les usagers individuels la gestion pour le compte de l’État, en dialogue avec les collectivités locales, des politiques d’aide à la création de logements, notamment sociaux, est un des rôles essentiels des DDE d’aujourd’hui.
Les freins de toute nature à la création d’une offre suffisante de logements pouvant accueillir les plus faibles mais aussi de logements tout court sont en effet tels que l’État est bien souvent le seul à pouvoir prendre en charge les arbitrages nécessaires. La gestion conjointe de la participation de l’État aux politiques de développement urbain et des interventions financières pour la création de logements sociaux est donc au coeur du métier du service technique de l’État en charge de l’aménagement durable des territoires. On peut prévoir et espérer que des intercommunalités larges et fortes viennent dans ce domaine prendre leur part de la gestion du » bien commun » mais ce sera certainement long et partiel.
Concevoir de nouveaux services
» L’aménagement durable « , tel qu’il figure dans l’intitulé du MEDAD, correspond globalement à ce que le citoyen peut attendre d’un service technique de l’État pour le moyen et le long terme même si des politiques plus spécifiques doivent être gérées (agriculture, énergie, transports, etc.). L’efficience de la dépense publique amènera à concevoir de nouveaux services autour de cette notion d’aménagement durable et consacrés aux compétences de l’État. Les effectifs de ces futurs services seront nettement inférieurs à ceux des anciennes DDE mais la part des cadres sera plus importante et surtout les cultures plus diverses. Ils pourront selon le niveau géographique et les éventuelles évolutions de la composition gouvernementale travailler pour un ou plusieurs ministères.
Il est en tout cas souhaitable pour l’efficacité de la dépense publique que ces ministères employeurs mettent en place une structure unique de gestion de ces services et d’abord de choix des femmes et des hommes appelés à les animer. Il faudra faire une richesse de la diversité des corps d’origine en bannissant toute politique de quotas.
Il est surtout nécessaire de leur garder une identité propre de services de culture technique dont l’action soit centrée sur les intérêts à moyen et long terme de notre pays.