Pour une production française et européenne des principes actifs pharmaceutiques
Dans cet interview, Pierre Charrier, CEO de Diverchim, nous présente son entreprise et son positionnement. Il revient notamment sur la question stratégique de la réindustrialisation de la production pharmaceutique en France qui doit s’accompagner d’un cadre règlementaire favorable aux industriels qui s’engagent dans cette démarche.
Quel est le cœur de métier de Diverchim ?
Diverchim est une entreprise française qui fabrique des principes actifs en petite quantité, de quelques grammes à quelques centaines de kilos, pour l’ensemble des acteurs de l’industrie pharmaceutique, des grands laboratoires pharmaceutiques aux start-up en passant par les biotech.
Plus particulièrement, notre activité couvre toute la chaîne de la fabrication de ces principes actifs : développement chimique et analytique, synthèses de principes actifs selon les bonnes pratiques de fabrication, études de stabilité, préparation des modalités d’enregistrement des dossiers d’autorisation de mise sur le marché…
Sur ce marché de niche très règlementé, nous nous positionnons donc comme un sous-traitant spécialiste de la fabrication de principes actifs pour des médicaments déjà commercialisés ou dans le cadre du développement de futurs médicaments en cours d’études cliniques.
Diverchim est aussi une société en très forte croissance que vous avez repris à la barre du tribunal de commerce. Qu’en est-il ?
Il y a cinq ans, lors que j’ai repris Diverchim, la société avait une activité en recherche et développement. Nous avons fait évoluer son positionnement afin de nous concentrer sur la production et la fabrication de principes actifs. Au cours des dernières années, nous sommes ainsi passés de 24 à 60 personnes. Le chiffre d’affaires a été multiplié par 4. Nous avons réalisé plus de 4 millions d’euros d’investissements sur notre site pour développer notre outil de production en créant 7 nouvelles zones de fabrication. Et nous envisageons de créer 3 ateliers complémentaires. Aujourd’hui, cela nous permet de nous positionner comme un des leaders mondiaux de la fabrication de principes actifs.
Au cœur de votre activité, on retrouve aussi la question stratégique de l’approvisionnement et de la sécurisation des matières premières. Qu’en est-il et comment y contribuez-vous à votre niveau ?
C’est un sujet stratégique qui a fortement gagné en visibilité dans la continuité de la crise sanitaire de la Covid-19. Alors que les principales usines de fabrication de principes actifs sont localisées en Asie, essentiellement en Inde et en Chine, nous avons fait le choix fort de privilégier une production et une fabrication française et européenne. Dans ce cadre, nous essayons de sourcer et de nous approvisionner auprès de fournisseurs de matières premières occidentaux. C’est toutefois une démarche complexe. Au cours des dernières décennies des pans entiers de l’industrie chimique et des matières premières de chimie ont été délocalisés en Asie.
Dans ce contexte, aujourd’hui, Diverchim ambitionne de passer un cap stratégique en développant une seconde activité. En complément de notre activité de fabrication et de production pour des laboratoires et autres acteurs de l’industrie pharmaceutique, nous développons la fabrication de principes actifs, hors brevets, de manière propriétaire.
Ce positionnement découle aussi d’un constat important. En effet, depuis une quinzaine d’années, l’industrie pharmaceutique fait face de manière récurrente à des ruptures de médicaments. Si on recensait 60 à 80 médicaments en rupture dans les hôpitaux il y a 15 ans, 2500 ruptures étaient signalées en octobre 2020, et la situation s’est depuis dégradée puisqu’on estime aujourd’hui ce nombre à plus de 3 000 ruptures.
Ces ruptures peuvent être dues à l’indisponibilité d’un principe actif ou encore à des problématiques de logistique ou de supply chain… En moyenne, 10 % de ces ruptures sont liées à l’arrêt de la production de principes actifs vieillissants, produits en petite quantité et dont la production n’intéresse plus les fabricants européens et asiatiques. Nous nous sommes donc intéressés à ces principes actifs et avons sélectionné six produits, trois curares et trois anesthésiques, sur lesquels nous allons concentrer notre production en propre. Dans le cadre de cette sélection, nous nous sommes appuyés sur différents critères : des principes actifs produits en petits volumes que nous sommes scientifiquement en capacité de fabriquer avec notre outil de production et dont la production peut être réindustrialisée sur le territoire national.
Quels sont, selon vous, les efforts que la France et l’Europe doivent encore fournir pour renforcer notre souveraineté en la matière ?
La réindustrialisation d’un principe actif représente un investissement significatif compris entre 500 000 et un million d’euros. Depuis, la pandémie, de nombreuses actions et initiatives, comme le Plan France Relance, ont été lancées pour impulser cette dynamique de réindustrialisation. Toutefois, cela ne suffit pas. Pour des considérations capitalistiques évidentes, encore aujourd’hui, les acteurs et entreprises publics et privés privilégient des fournisseurs étrangers et asiatiques qui vont leur proposer des coûts plus compétitifs.
Aujourd’hui, si je suis confiant quant à la capacité de mon entreprise à relocaliser une production de principes actifs en France, j’ai beaucoup plus d’incertitudes quant à l’existence d’un marché français et européen pour cette production. Dans une logique de souveraineté et en soutien à la réindustrialisation de la France et de l’Europe, il nous semble aujourd’hui évident qu’un soutien politique et règlementaire est nécessaire afin de valoriser cette production locale qui, in fine, est également vertueuse sur le plan économique (création d’emplois et développement de l’investissement) mais aussi environnemental notamment en termes de baisse de l’empreinte carbone !
En parallèle, quels sont les autres enjeux et sujets qui mobilisent Diverchim ?
Nous suivons, bien évidemment, de près toutes les avancées scientifiques et thérapeutiques qui impactent notre métier. Nous regardons avec grand intérêt tout ce qui tourne autour de la synthèse de molécules organiques complexes utilisées par exemple dans le développement des thérapies géniques, de la médecine nucléaire au service de l’oncologie et plus généralement dans le développement de nouveaux traitements de thérapies ciblées pour une médecine de précision.
On reste donc en veille permanente pour nous adapter sur le plan technologique et industriel afin de pouvoir répondre aux besoins et aux attentes de nos clients.
Et pour conclure, quelles sont vos perspectives de développement ?
Nous avons enregistré au cours des dernières années, une croissance annuelle de 30 % et cette tendance se poursuit.
En parallèle, nous continuons nos investissements sur la dimension technologique de notre métier pour nous adapter à l’évolution de la demande. Enfin, nous travaillons sur la structuration de notre offre de principes actifs et de produits propriétaires afin de répondre aux besoins de nos clients français, européens et internationaux.