Hubert Lévy-Lambert (53), président du groupe X‑Sursaut, « Pourfendre les mythes »
Tel le Phénix, le groupe X‑Sursaut renaît périodiquement de ses cendres. Venant après la crise européenne, les élections présidentielles du printemps prochain fournissent une occasion unique de prodiguer à nouveau diagnostics et propositions. Oui, les polytechniciens ont des choses à dire.
Hubert Lévy-Lambert est le créateur historique du groupe X‑Sursaut en 2005.
« Cette création, rappelle-t-il, faisait, suite au fameux “ rapport Camdessus“, précisément intitulé “ Le sursaut “. Claude Bébéar (55), Jean Peyrelevade (58) et Gérard Worms (55) ont porté le nouveau groupe sur les fonts baptismaux, au cours d’une séance mémorable du Conseil de l’AX où l’on se demandait ce que les polytechniciens venaient faire sur le terrain de la politique économique.
« L’idée est simple. Les polytechniciens ont une formation supérieure. Ils disposent de compétences très variées. Ils ont des choses à dire.
« Le groupe X‑Sursaut reprenait ainsi des idées du groupe X‑Crise, fondé avant la dernière guerre et disparu sans gloire sous l’Occupation. »
Indépendants et compétents
« Qui sommes-nous pour donner des conseils ? Nous sommes indépendants, nous avons des compétences et des orientations politiques variées, mais nous sommes tous d’accord pour dire que nous ne nous retrouvons pas dans les divers programmes des politiques qui ont tendance à considérer que les Français ne sont pas majeurs. La contrainte extérieure se resserre. Il faut… un sursaut. »
Le sursaut sans tabou
Une première phase d’activité du groupe s’est achevée en 2007 sur une journée d’études intitulée « Le sursaut sans tabou », dont il a été rendu compte à l’époque dans La Jaune et la Rouge (n° 619, novembre 2006). Succession de débats opposant un « utopiste » et un « réaliste », la journée avait évoqué divers sujets, des finances publiques à l’emploi et au logement.
« Après deux ans de présidence, j’ai alors passé le flambeau à un camarade. Je le reprends aujourd’hui pour une nouvelle présidence de deux ans.
« J’ai reconstitué une équipe en m’appuyant sur Laurent Daniel (96), économiste à l’OCDE et rapporteur général du Colloque qui s’est tenu le 13 décembre dernier.
« Nous comptons environ quatre cents membres, plus ou moins actifs, dont beaucoup de jeunes. De nombreux membres ne résident pas en France et voient avec tristesse évoluer la situation de notre pays. »
Antimythes
C’est sous le titre évocateur d’Antimythes que l’Assemblée générale tenue le 15 septembre dernier a présenté son manifeste : « Travailler plus pour produire plus ».
« Il reste dans la ligne du rapport Camdessus, s’appuyant sur la nécessité de trouver des idées nouvelles et intéressantes pour redresser les finances publiques et le commerce extérieur.«Les gouvernants, estime Hubert Lévy-Lambert, sont un peu dans la situation du pilote d’avion qui ne sait plus s‘il faut tirer sur le manche ou le pousser en avant. La maison brûle et on s’occupe des prochaines vacances. Nous importons beaucoup plus que nous exportons et donc nous empruntons année après année. Il faut stopper cette hémorragie si nous ne voulons pas subir le sort de la Grèce. »
Des atouts pour l’énergie
Parmi les multiples questions que le groupe X‑Sursaut a abordées, faut-il, par exemple, sortir du nucléaire ?
« Envisager sérieusement la sortie du nucléaire est un non-sens, estime Hubert Lévy-Lambert. Une telle décision résulte d’une application archi-simpliste du fameux principe de précaution (comme si l’on se disait : je n’ai pas regardé la météo, dois-je prendre mon parapluie ?).
« La France dispose d’atouts considérables en matière d’énergie. Nous avons une forte position dans l’électricité nucléaire et nous avons sans doute beaucoup de gaz de schiste. Avant de décider de ne pas l’exploiter, il faut au moins un débat où l’on pèse le pour et le contre : combien ça coûte ? combien ça rapporte ? quels sont les risques ? comment les réduire ? »
Attention aux effets pervers
Autre exemple de ce que le groupe essaie de mettre en lumière, les effets pervers des décisions prises souvent dans l’urgence et sans analyse de leur impact. L’enfer est pavé de bonnes intentions. Ainsi, « dans le but fort louable de dissuader l’entreprise de se débarrasser de ses “vieux“ salariés, une “contribution “, frappant les entreprises licenciant un salarié de plus de cinquante ans, a été instituée en 1987. Le résultat ne s’est pas fait attendre : anticipant les licenciements à venir, les entreprises ont réduit les embauches à partir de quarante-cinq ans. Il a fallu près de vingt ans pour mettre fin à cette mesure absurde. »
Services à la personne ou emplois productifs ?
Autre exemple de mesures inadaptées, « les services à la personne ou la restauration bénéficient d’avantages fiscaux importants alors que ces activités sont à l’abri de la concurrence étrangère. Ce sont au contraire les activités exportatrices qu’il faudrait favoriser. Là encore, on actionne le manche à balai dans le mauvais sens. »
Se retrousser les manches
« Il est donc indispensable, conclut Hubert Lévy-Lambert, de connaître les lois de l’économie si l’on veut gouverner efficacement. Établir un diagnostic rigoureux avant de définir des remèdes. Se retrousser les manches. Travailler plus pour produire plus. Opérer une véritable rupture. »