Pourquoi et comment un regroupement de grandes écoles autour de l’X
Jean-Lou Chameau a remis le 20 juin dernier son rapport sur la mission que lui avait confiée le gouvernement sur le regroupement des grandes écoles autour de l’X sur le plateau de Saclay.
Il nous a confié quelques clés pour comprendre son approche.
Développement du pôle Paris-Saclay, avec le nouveau centre
de recherche-formation d’EDF.
Après l’École des arts et métiers en 1976, je suis parti faire un master à Stanford, ce qui était moins fréquent alors que maintenant. Je ne me doutais pas que j’allais y rester et faire carrière aux États-Unis ! D’ailleurs, mes activités m’ont ensuite conduit vers de nombreux autres pays : Arabie saoudite, Chine, Singapour, et d’autres pays en Asie. Mais cela ne m’a pas empêché de rester très branché sur ce qui se passait dans le monde universitaire français, notamment en raison des nombreuses coopérations qu’avait Caltech, que j’ai présidé pendant sept ans, avec les universités françaises. J’ai participé pendant dix ans au conseil d’administration de l’X. J’ai présidé le comité de visite du Hcéres qui a procédé il y a trois ans à l’évaluation de l’École polytechnique et de l’ENSTA. J’avais aussi fait partie du jury pour la sélection des projets de l’opération Campus de Valérie Pécresse, parmi lesquels figurait le projet de Saclay. C’est dire que je connais assez bien le sujet. C’est sans doute pourquoi le gouvernement m’a confié cette mission de coordination pour « NewUni » (le nom changera sans doute…). L’objectif qui m’était assigné était clair : une fois actée la décision du Président de la République de structurer le projet Saclay en deux pôles complémentaires, il s’agissait de proposer un cadre pour ce regroupement du pôle des écoles, en vue de lui assurer une visibilité internationale.
Rechercher un impact global
Mon approche a été de structurer NewUni pour en faire un organisme d’excellence dans le domaine sciences et techniques, avec tout de suite la prise en compte de sa contribution à l’économie, à la prospérité, la compétitivité. La question est : comment faire pour que, indépendamment de sa taille, qui peut rester modeste, NewUni ait un impact global, à l’exemple d’organismes comme le MIT ou l’EPFL ? Cela veut dire entre autres que NewUni devra avoir un mode d’opération flexible et proactif, de manière à pouvoir répondre à des opportunités nouvelles.
Ce projet a des atouts : il se construit avec un groupe d’écoles d’ingénieurs, et vraisemblablement HEC dont le ralliement a été annoncé, qui partagent une tradition d’excellence et des histoires riches de relation avec le monde extérieur, et en particulier l’industrie.
Le système universitaire français est compliqué, sans doute plus que partout ailleurs, et encore plus si on y englobe un organisme comme le CNRS. Sa culture est très différente de celle que j’ai pu voir par exemple à Caltech, où les questions d’impact sur la société et l’économie sont premières, et où l’évaluation de l’impact de leurs travaux sur le reste du monde est essentielle dans la carrière des enseignants-chercheurs. On est aussi dans des échelles de temps très différentes entre la France et les États-Unis.
L’X a des atouts exceptionnels
À l’X, je trouve de nombreux traits communs avec ce que j’ai connu aux États-Unis : des étudiants avec des capacités exceptionnelles, une formation initiale excellente, des professeurs de tout premier ordre (ce que permet entre autres l’association de nombreuses unités de recherche du CNRS), des étudiants et professeurs très internationalisés, et une forte relation au monde économique et industriel. Si vous allez au MIT, c’est pareil… L’École a beaucoup développé l’esprit d’entreprenariat, et les soft skills associées ; de même, l’importance prise par l’enseignement par la recherche, sans le limiter à ceux qui font des doctorats.
Il y a encore beaucoup à faire pour que NewUni, et plus globalement le plateau de Saclay, devienne un vrai campus. Il faut que cela devienne un lieu de destination internationalement connu et recherché, et pour cela développer tout un environnement propice (transports, lieux de vie, de culture, etc.) : comparez à ce qu’on trouve à Stanford ou à l’EPFL ! On n’y est pas encore… 40 ans après l’installation de l’X sur le plateau, on n’y trouve toujours pas un centre de conférences de niveau international (avec des capacités hôtelières, des transports, etc.).
La taille n’est pas un paramètre essentiel
Avec les projets en cours, on sent qu’il y a une masse critique qui se forme. La taille n’est d’ailleurs pas le problème : Caltech est un acteur avec un impact mondial, avec seulement 2 500 étudiants ; l’EPFL n’en a qu’environ 10 000 !
On peut obtenir un impact global sans commune mesure avec sa taille. Et ce n’est pas qu’une question de moyens matériels : ainsi, le MIT ou Caltech ont un impact important dans le domaine de la santé, alors qu’ils ne possèdent pas d’hôpitaux ni d’établissements de santé. Mais il faut savoir créer des partenariats utiles et agiles. Il est vrai que, aux États-Unis, c’est beaucoup plus simple : un simple Memorandum of Understanding suffit, alors qu’en France les choses deviennent tout de suite beaucoup plus compliquées. Par exemple, dans le rapprochement entre HEC et NewUni, je préconise de commencer par définir ce qu’on veut faire ensemble, avant de définir les modalités d’une nouvelle structure ; il faut être pragmatique. La tendance naturelle en France est malheureusement trop souvent de faire juste le contraire !
Pour me résumer, ce projet me paraît sous de bons auspices : il y a une très bonne carte à jouer pour les Écoles, qui sont très impliquées, ainsi que leurs dirigeants ; on peut arriver à un organisme doté d’un impact fort sur le reste du monde ; et faire enfin du plateau de Saclay une destination mondiale.