La start-up qui prévient le risque de défaillance d’organes grâce à l’IA
En capitalisant sur l’IA et les algorithmes, notamment de prédiction, Predict4Health ouvre de nouvelles perspectives afin de mieux suivre les patients transplantés tout au long de leur parcours de soin. Pierrick Arnal, CEO de cette jeune pousse innovante créée il y a juste un an, nous en dit plus dans cet entretien.
Comment est née Predict4Health ?
Predict4Health est basé sur des travaux du Paris Transplant Group, dirigé par le professeur Alexandre Loupy, qui, sur une période d’une dizaine d’années, a mis au point une base de données unique, extrêmement bien caractérisé et multidimensionnelle sur les patients greffés. À partir de cette base de données, nous avons créé des algorithmes prédictifs, diagnostiques, pronostics et de virtualisation d’examen médicaux et d’essais cliniques que nous avons intégrés dans une suite logicielle au service des médecins. Notre plateforme Predict® est certifié CE MDR 2A, est aujourd’hui déployée dans les hôpitaux, et permet d’optimiser le suivi des patients transplantés tout au long de leur parcours de soin, grâce à des outils de télésurveillance et d’aide à la décision clinique. Les données de vie réelles acquises sont ensuite anonymisées et utiliser en complément de notre dataset initial de référence pour aider les pharmas à développer de nouveau traitement immunosuppresseurs pour les patients greffés.
Votre ambition est d’améliorer la vie des patients et les systèmes de santé en capitalisant sur la puissance de l’IA pour éviter le risque de défaillance d’organes. Qu’est-ce que ce positionnement implique ?
Predict4Health a vu le jour il y a près d’un an en février 2023. Elle emploie aujourd’hui une vingtaine de personnes, essentiellement des ingénieurs, scientifiques et profesionnels de santé. Nous mettons à la disposition des professionnels de santé, dans les centres de transplantation hospitaliers, des outils à la pointe de l’innovation et de la technologie, notamment adossés à l’IA et aux algorithmes, pour optimiser le suivi de patients qui souffrent de pathologies chroniques terminales, complexes et multidimensionnelles, avec un impact durable sur leur qualité de vie.
Aujourd’hui, nous sommes présents dans près de 40 centres hospitaliers, 20 en Europe et 20 aux États-Unis. En France, nous suivons plus de 11 000 patients et nous bénéficions d’ores et déjà du remboursement pour certains des modules de notre plateforme. L’idée est maintenant d’accéder au remboursement pour de nouveaux modules, afin d’augmenter le nombre de fonctionnalité pour les médecins et les patients et d’en faire bénéficier le plus grand nombre. Aux États-Unis, nous suivons plus de 57 000 patients avec nos technologies au travers d’un partenariat stratégique. En parallèle, nous sommes également présents dans le monde de l’innovation thérapeutique en partenariat avec des acteurs pharmaceutiques qui développent des immunosuppresseurs pour les patients greffés.
Quelles sont les principales composantes de votre suite logicielle ?
Dans les centres de transplantation hospitaliers, le corps médical, composé de médecins néphrologues, de cardiologues, ou hépatologues suivent des patients à un stade très avancé de leur maladie chronique. Dans le cas du rein, très souvent, leur rein ne fonctionne plus et ils doivent être transplantés ou dialysés.
Pour le suivi de ces patients, notre plateforme logicielle intégrée permet un suivi tout au long du parcours de soin, depuis leur arrivée dans le système hospitalier jusqu’au suivi post-transplantation. Concrètement, nous avons un module de télésurveillance intelligent piloté par l’IA (Apilife) qui permet aux médecins de pouvoir suivre leurs patients à distance.
Nous proposons également le module Predigraft, un outil d’IA d’aide à la décision clinique. À partir de paramètres biologiques, Predigraft va pouvoir projeter la survie du greffon et, in fine, anticiper les éventuels risques de rejet. Nous croisons les données biologiques réalisées par le patient en ville avec nos algorithmes d’IA afin d’alerter le médecin d’un risque de rejet ou de la diminution de la survie.
En parallèle, nous travaillons sur de nouveaux modules autour du diagnostic de classification du rejet à partir d’une biopsie qui a été réalisée, codifiée et analysée par un pathologiste. Nous avons par ailleurs récemment développé une technologie qui permet de virtualiser les biopsies. Concrètement, à partir de données cliniques et sans avoir à réaliser la biopsie, il est désormais possible d’avoir des indicateurs sur l’état du greffon.
Toutes les briques de notre solution logicielle ont été pensées pour être interopérables avec les systèmes de soins en ville et à l’hôpital. Il est, en effet, essentiel que le médecin puisse accéder facilement à ces informations et données afin de suivre au mieux son patient.
À l’heure actuelle, en France, nous menons une étude randomisée contrôlée sur 507 patients répartis dans deux groupes. Le premier groupe est composé de patients transplantés du rein qui ont été randomisés dans un groupe « standard of care ». Le second groupe est suivi par un médecin augmenté par l’IA dans le cadre de sa prise de décision clinique sur des aspects comme la pertinence ou non de réaliser une biopsie au regard des paramètres biologiques à disposition. Les premiers résultats obtenus sont très positifs et ont fait l’objet d’une publication lors un congrès européen et américain.
Vous avez aussi développé un biomarqueur numérique pour les essais cliniques. Qu’en est-il ?
Nous avons développé un biomarqueur digital qui est en fait, notre algorithme de référence, IBOX. Ce biomarqueur a été qualifié par l’Agence Européenne du Médicament comme un biomarqueur de substitution. C’est une qualification extrêmement rare, toute spécialité médicale confondue, et encore plus dans le domaine de la transplantation !
Aujourd’hui, les industriels peuvent utiliser notre biomarqueur dans leurs études prospectives et rétrospectives. Dans le domaine de la transplantation, la durée des études varie entre sept et huit ans avec la mesure du décès du patient ou la perte du greffon. Grâce à notre biomarqueur, un an après la greffe, il est dorénavant possible de projeter la survie du greffon jusqu’à 10 ans et d’utiliser les données obtenues auprès des agences réglementaires pour obtenir une mise sur le marché précoce. La qualification du biomarqueur numérique est également en cours aux États-Unis auprès de la FDA.
Pour l’industrie pharmaceutique, la possibilité d’utiliser notre biomarqueur représente un gain financier et de temps considérable. Cela ouvre aussi de nouvelles perspectives de développement dans ce domaine thérapeutique, notamment la possibilité d’innover en matière d’immunosuppresseurs.
Pourquoi les algorithmes prédictifs ont-ils vocation à révolutionner le monde de la santé ? Dans ce cadre, comment vous projetez-vous ?
Chez Predict4Health, nous sommes convaincus que, dans les prochaines années, toutes les décisions d’ordre médical seront supportées et augmentées par des algorithmes d’intelligence artificielle et de prédiction, dans un univers médical, où les médecins ont, au quotidien, accès à toujours plus de données. Ces technologies vont permettre d’analyser et d’exploiter ces importants volumes afin d’affiner et d’améliorer la prise de décision, qui restera néanmoins du ressort du médecin.
Notre ambition est de faciliter l’accès à ces outils dont les principaux bénéficiaires sont les patients. Pour ce faire, aujourd’hui, nous accélérons notre déploiement à l’international. Nous préparons aussi une levée de fonds de type série A pour financer et mener de front l’ensemble de ces projets ambitieux et à fort impact pour la santé des patients transplantés.