Présentation au Drapeau de la promotion 1997
Suivant la tradition, cette cérémonie s’est tenue, le samedi 10 octobre, en présence d’une nombreuse assistance et sous un ciel peu clément. C’est l’occasion pour les familles de faire connaissance avec l’École.
Elle était présidée par M. Alain Richard, ministre de la Défense, en présence de M. Pierre Faurre, président du Conseil d’administration de l’École et de personnalités de l’Essonne et de Palaiseau.
Quatre compagnies de la promotion 96 et cinq compagnies de la promotion 97 participaient à cette cérémonie et ont été passées en revue.
Au cours de la cérémonie il a été procédé à une remise de décorations :
– les insignes de Chevalier de la Légion d’honneur au lieutenant-colonel (ER) Vélénovsky,
– les insignes de Chevalier de l’Ordre national du Mérite au lieutenant-colonel de Broissia et au capitaine Grangeon,
– la médaille de la Défense nationale à 37 élèves.
Pour souligner l’importance de cette présentation au Drapeau de la promotion 97, le général Novacq, directeur général de l’École, prononça l’allocution suivante.
Polytechniciens de la promotion 97
Cette cérémonie est organisée à votre intention et à celle de vos familles, que j’ai plaisir à accueillir ici ce matin.
Je remercie en votre nom Monsieur Alain Richard, ministre de la Défense, de nous faire l’honneur de présider cette cérémonie et je remercie les nombreuses personnalités qui nous font le plaisir et l’amitié de leur présence.
Polytechniciens de la promotion 1997, vous allez donc être présentés dans un instant au drapeau de l’École. Mais auparavant, je voudrais vous en rappeler la signification symbolique.
Notre drapeau, c’est d’abord l’emblème du pays et le symbole de la Nation tout entière. Symbole de la Nation dans les heures de gloire qu’elle a connues comme aux moments les plus tragiques de son histoire.
Mais au-delà de la Nation, notre drapeau symbolise aussi les traditions d’ouverture et d’accueil de la France. C’est pourquoi, et je m’adresse maintenant plus particulièrement aux élèves étrangers, nous avons tenu à associer les emblèmes de vos pays en faisant pavoiser l’École aux couleurs des vingt-six nations que vous représentez. À vous qui avez choisi d’être polytechniciens, je voudrais dire que notre drapeau est aussi le vôtre.
Le Drapeau n’est pas seulement le symbole de la Nation, c’est aussi celui de l’École. Il porte la devise que lui a donnée Napoléon en 1804 :
“ Pour la Patrie, les Sciences et la Gloire ”.
Cette devise n’est pas un ensemble de termes désuets transmis et conservés par routine : c’est une invitation, pour les jeunes gens et les jeunes filles que vous êtes, à vous tourner résolument vers l’avenir.
- “ Pour la Patrie ” : vous qui avez beaucoup reçu et qui êtes ici un peu des privilégiés, vous êtes invités à prendre votre part de l’effort visant à construire un monde meilleur, un monde à la fois plus juste, plus humain et plus fraternel.
- “ Pour les sciences ” vous indique comment utiliser vos capacités et vos dons dans cette marche vers le progrès.
- “ Pour la gloire ” signifie aussi que votre effort n’aura de sens que s’il est d’abord désintéressé. Soyez convaincus que vous avez plus d’obligations que quiconque envers les autres.
Notre drapeau porte aussi l’inscription : “ Défense de Paris 1814 ”.
Le Ministre passe en revue les élèves, accompagné du Directeur général de l’École. © J.-L. DENIEL-ÉCOLE POLYTECHNIQUE
C’est pour rappeler qu’à un moment difficile de notre histoire les deux promotions d’élèves présentes à l’École ont demandé à participer à la défense de la capitale. Peu importe que leur action n’ait changé ni le cours de la bataille, ni celui des événements. Ce qui importe, ce sont les qualités de dévouement à l’intérêt général qui ont été manifestées par ces promotions ; elles sont une des traditions de notre École et elles sont symbolisées par la statue du Conscrit dressée derrière vous.
Enfin les décorations de notre drapeau, la Légion d’honneur et les deux croix de guerre attestent le sacrifice de très nombreux Polytechniciens pour la défense de la liberté.
Voilà tout ce que signifie le drapeau de l’École.
Vous êtes fiers d’être ici et vous avez raison de l’être.
L’École est un des fleurons de l’enseignement supérieur et de la recherche en France. Au cours de sa longue histoire, elle a donné à la science beaucoup de savants, à l’économie beaucoup de cadres et d’entrepreneurs, à l’État beaucoup de serviteurs, civils et militaires. Polytechniciens de la promotion 1997, vous avez désormais à assumer cet héritage et à le faire fructifier en participant pleinement à l’ouverture de l’École sur le reste du monde.
Sachez conserver les vraies traditions de l’École, son élitisme basé sur le seul mérite, son esprit d’ouverture, d’accueil et de tolérance et son sens de l’intérêt général.
Polytechniciens de la promotion 1997, voici votre drapeau.
∗
Ensuite M. Alain Richard, ministre de la Défense, prononça un discours écouté avec d’autant plus d’attention qu’il était attendu par tous :
C’est un moment marquant pour moi de venir pour la première fois présider à la présentation au Drapeau d’une promotion, la promotion 97. Pour cette première occasion, et puisque lors de cette rencontre je souhaite évoquer une question déterminante pour votre École – le futur schéma directeur de l’École polytechnique, c’est-àdire la charte qui doit guider ce grand établissement dans la suite de sa route biséculaire – je commencerai par me retourner sur le chemin parcouru, en évoquant l’histoire.
Monsieur Alain RICHARD, ministre de la Défense. © J.-L. DENIEL-ÉCOLE POLYTECHNIQUE
Il y a dans l’histoire de cette École assez de valeurs, d’accomplissements, et je dirai simplement de grandeur, pour qu’il vous soit naturel d’être d’abord fidèles à l’esprit des fondateurs de cette institution, Monge et Carnot, au moment de faire entrer Polytechnique dans un siècle nouveau.
Dans “ polytechnique ”, l’oreille veut entendre “ polyvalent ”, et ce n’est pas rapprochement fortuit : Carnot a été officier, représentant du peuple français, créateur puis gestionnaire de grands services de l’État, ingénieur, professeur, auteur de traités savants, et sa vie a été faite de tant d’autres activités !
Monge, fils de marchand ambulant, d’une origine sociale qui lui valut le refus d’une vraie place à l’école militaire de Mézières, s’est hissé par son talent et son travail aux premiers rangs de la communauté scientifique de son temps ; mais il a été aussi homme d’État, administrateur, enseignant et chercheur infatigable. Lancé hors de France, chargé de mission sur les routes de l’Italie, il rencontre Bonaparte dont il sait se faire un ami.
Il va plus loin encore : on célèbre cette année le bicentenaire de l’expédition d’Égypte de 1798. Monge, ne l’oubliez pas, fut l’animateur de tous les travaux scientifiques qu’on y fit, et cette extraordinaire épopée scientifique hors de nos frontières fut d’abord la sienne. L’expédition d’Égypte fut à la fois une formidable enquête, une curiosité scientifique et artistique insatiable, et une volonté – parfois maladroite – d’apporter à un grand pays en mutation les principes d’organisation administrative rationnelle et démocratique des Lumières.
Nous pouvons y retrouver l’esprit même de Polytechnique, à l’heure où la réflexion sur l’avenir de l’École nous engage sur les chemins du monde.
Comment, après deux siècles d’histoire, à l’aube des années 2000, adapter à votre tour l’esprit de Polytechnique aux temps nouveaux ? Après cette évocation trop brève de vos grands ancêtres révolutionnaires, je souhaite, au présent maintenant, évoquer avec vous l’avenir de l’École.
Le nouveau schéma directeur de l’École, résultat d’une réflexion collective lancée en 1993 sous l’impulsion du président du Conseil d’administration, M. Pierre Faurre, a déjà choisi des orientations stratégiques. Celles-ci me semblent propres à assurer l’avenir de Polytechnique, à garantir à la fois sa fidélité à la mission que lui confie la République et l’ambition de relever les nouveaux défis de notre enseignement scientifique.
Sur la base des nombreux travaux déjà réalisés à ce jour et des orientations définies par le gouvernement, le président du Conseil d’administration m’a fait part de propositions d’évolution de l’École, dont j’approuve les grandes lignes.
Je souhaite que ces propositions puissent faire l’objet d’un large consensus, en particulier au sein du corps enseignant qui constitue, avec les élèves, la richesse première de l’École polytechnique, et qui est à mes yeux sa matrice de cohérence.
Je voudrais en évoquer maintenant les principaux axes, les caps que l’École peut se donner pour naviguer dans son environnement des décennies prochaines.
Revenons tout d’abord sur l’objectif. Il s’agit de renforcer, dans le cadre d’une internationalisation croissante, la triple vocation actuelle de l’École polytechnique, à savoir former :
- des cadres à fort potentiel pour les entreprises,
- des chercheurs de haut niveau,
- et de futurs hauts fonctionnaires.
Cette variété des parcours des anciens élèves de l’École polytechnique est un apport indéniable pour le pays, en rapprochant des espaces souvent trop cloisonnés en France. Ce contact gardé entre vous après l’École, et qui fait votre force, sachez en faire un réseau créatif pour l’intérêt général, sans le laisser dériver vers le traditionalisme ni vers le corporatisme. Faites-le rayonner comme les diverses sciences que vous étudiez ici se renforcent mutuellement, par la pratique de l’échange et de l’interdisciplinarité, par l’ouverture et non la fermeture.
À ce sujet, je tiens à vous dire le prix que j’attache pour notre influence internationale à une plus grande convergence entre les préoccupations scientifiques, industrielles et stratégiques : c’est pour cette raison que je viens de nommer, au sein de mon ministère, un conseil scientifique de défense, qui regroupe des personnalités éminentes du monde de la recherche, de l’industrie et des experts en questions stratégiques, et à qui je demanderai de se prononcer sur les grands débats de notre politique industrielle, scientifique, et de notre stratégie européenne en la matière.
Mais revenons à l’avenir de Polytechnique. La traduction des objectifs que j’ai cités suppose des évolutions concrètes dans plusieurs domaines. Je voudrais revenir sur deux grandes évolutions qui me paraissent particulièrement importantes.
1. Il faut poursuivre et accentuer l’internationalisation de l’École polytechnique
Cela suppose en premier lieu d’augmenter encore à l’avenir le recrutement d’élèves étrangers, en provenance notamment des pays de l’Union européenne et des autres pays les plus avancés. L’École polytechnique, je le souligne régulièrement, a déjà engagé des efforts importants pour élargir le recrutement des élèves : pas moins de 61 élèves étrangers au sein de la promotion 97. L’École est en avance, dans ce domaine, sur bien des écoles d’ingénieurs. Mais il faut poursuivre cet effort.
L’objectif d’internationalisation suppose que les diplômes délivrés par l’École polytechnique jouissent de la plus grande reconnaissance possible au niveau international. J’y reviendrai.
Enfin, l’internationalisation de l’École polytechnique devrait conduire également à internationaliser, dans des proportions adaptées, le corps enseignant.
2. Il faut moderniser le cursus de formation des élèves
Cette modernisation doit s’appuyer sur les points forts qui ont toujours été ceux de la formation dispensée à l’École :
- La formation polyscientifique suivie par les élèves. Cette formation permet de développer les qualités de rigueur, d’intuition et d’innovation qu’on acquiert au contact des diverses disciplines scientifiques enseignées ici.
- L’importance accordée à la formation humaine. Cette spécificité trouve son origine dans le statut militaire de l’École hérité de l’histoire, mais c’est également un puissant atout pour l’avenir.
En effet, il est essentiel que les polytechniciens, appelés à d’importantes responsabilités d’impulsion et de direction, acquièrent les qualités humaines qui en sont le support, le goût du travail en équipe et aussi le sens des responsabilités civiques et sociales. C’est mon rôle de vous dire au nom de l’État que les fonctions dirigeantes dans notre pays doivent être exercées avec le sens de l’intérêt collectif et la reconnaissance des partenaires, et pas seulement avec l’autorité sèche et fragile d’un parchemin.
M. Alain Richard, ministre de la Défense, signe le Livre d’Or, aux côtés de M. Pierre Faurre, président du Conseil d’administration de l’École, et du général Novacq, directeur général de l’École. © J.-L. DENIEL-ÉCOLE POLYTECHNIQUE
Pour faire fructifier ces atouts, et s’adapter aux changements du contexte économique et social, il est nécessaire de faire évoluer le cursus des études, en le considérant dans sa globalité :
- le cursus actuel de trois ans, incluant la formation humaine selon des modalités diversifiées, doit être conforté et adapté, et permettre aux élèves d’obtenir des diplômes reconnus ;
- à l’issue de ces trois années, les élèves qui le souhaitent auraient le choix de s’engager dans une formation professionnalisante, dans le cadre d’une quatrième année sanctionnée par un diplôme spécifique, conçu en étroite concertation avec les écoles d’application, ou bien d’entrer dans les Corps de l’État, ou bien encore de suivre une formation par la recherche ;
- enfin, il importe de conforter le troisième cycle de l’École polytechnique, afin que les élèves qui le souhaitent puissent suivre une formation conduisant au doctorat. Dans ce sens, je tiens à saluer les efforts engagés par le corps enseignant et les laboratoires de Polytechnique depuis près de dix ans pour donner à ce troisième cycle une dimension internationale de très haut niveau
Ces efforts sont déterminants pour l’avenir, je compte sur vous pour les poursuivre.
L’évolution de l’École polytechnique doit se mettre en phase avec un monde qui évolue de plus en plus vite : la réflexion sur la réforme doit déboucher rapidement sur l’action. Je crois donc souhaitable de mettre en œuvre cette réforme dans les prochains mois, ce qui implique que la concertation soit complète et intense à partir du projet de base et permette d’arrêter des décisions et de mobiliser ensuite les énergies pour réussir ce projet collectif.
Au cours des deux siècles écoulés, l’École polytechnique a su, dans l’ensemble, tenir la balance égale entre le respect des formes passées et l’évolution au présent – n’a‑t-elle pas su déménager, n’a‑t-elle pas su agrandir ses promotions, sans parler bien sûr de son ouverture aux femmes aujourd’hui évidente mais qui parut naguère une grande audace.
À votre tour sachez évoluer, prenez-en l’initiative, pour prolonger l’élan de vos anciens. L’évolution n’est-elle pas une vertu scientifique ? Moi qui le suis peu, laissez-moi évoquer ce qui fait un des repères de votre univers, la méthode expérimentale. Il faut y montrer, je crois, de l’opiniâtreté et en même temps de l’aptitude à changer. Savoir renoncer à ses hypothèses, en inventer d’autres, les disqualifier à leur tour pour trouver enfin les bonnes solutions : bref, toujours conserver la méthode, mais savoir faire son deuil des postulats dépassés.
Le projet 2000 me semble en cela conforme à l’esprit qui doit rester celui de Polytechnique.
Et puisque cette cérémonie du drapeau est le baptême d’un nouvelle promotion, c’est plus particulièrement à cette nouvelle promotion que je m’adresse, pour lui rappeler les engagements qui sont devant elle. Éduqués comme une élite de la connaissance et du savoir, vous avez plus de devoirs que d’autres. Notre Nation doit pouvoir compter sur vous, sur votre exigence et votre ambition de servir une communauté consciente de ses responsabilités en Europe et dans le monde.
Il faut que vous repensiez à Monge, à l’esprit de l’expédition d’Égypte : curiosité d’esprit, rigueur, méthode, talent, universalisme affirmé des principes démocratiques. En avançant et en réalisant vos projets, il vous faut garder le lien entre votre professionnalisme et le message des Lumières, que nous devons réaffirmer et développer devant la poussée des peurs antiscientifiques et des sectarismes contemporains. Rappelez-vous que votre École est née d’un pacte avec la République, qu’elle a vu le jour en même temps qu’elle.
Grâce à votre travail et à l’investissement de la collectivité, vous avez maintenant, chacune et chacun de vous, votre part dans la construction de notre avenir commun. En vous souhaitant bonne chance dans vos engagements pour demain, je garde à l’esprit notre tâche exigeante de maintenir à votre École, pour ceux qui y viendraient après vous, la mission modernisée de pôle de compétence et de formation qui continuera d’assurer son prestige et sa contribution à nos succès collectifs dans le monde.
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Après le défilé la matinée s’acheva par l’inauguration de l’exposition “Des polytechniciens en Égypte ”, organisée par la Bibliothèque de l’École, puis un vin d’honneur des familles suivi du déjeuner au restaurant.
Parallèlement avait lieu dans le Salon d’honneur une remise de décorations au personnel civil de l’École :
– les insignes de Chevalier de la Légion d’honneur à Madame Bussac,
– les insignes de Chevalier de l’Ordre national du Mérite à Monsieur Antonetti et à Monsieur Paturle,
– les insignes d’Officier et de Chevalier des Palmes académiques à des membres du Corps enseignant.
L’après-midi les familles purent bénéficier d’une opération “ Portes ouvertes des laboratoires ”, puis écouter la conférence de Pierre Laszlo “La chimie des parfums” ou “Les parfums d’Hérodote à Internet ”.
Enfin le concert organisé par Musicalix avec le Quintette de saxophones de la Garde républicaine termina cette journée en réjouissant les amateurs avec :
- Concerto en do majeur de Vivaldi,
- Bachianas brasileiras n° 5 de Villa- Lobos,
- Improvisations de Boutry,
- Meddley Michel Legrand de Nicolas,
- West Side Story de Bernstein.
Tous les participants méritent d’être félicités pour l’organisation de cette journée exceptionnelle.