Programme #Genius, le Pôle Diversité et Réussite change d’échelle
Depuis son lancement en 2005, le Pôle Diversité et Réussite travaille à rendre l’excellence scientifique accessible à tous sans distinction de genre ni d’origine sociale ou géographique.
Alice Carpentier, la responsable du PDR, tire le bilan très positif d’une première décennie d’actions et expose les ambitions régionales et nationales de la « start-up de la diversité » de l’X.
Quel constat peut-on dresser des activités du Pôle Diversité et Réussite (PDR) ?
Après la signature de la charte sur la diversité en 2006 avec l’École, le Pôle Diversité Réussite s’est lancé dans le programme GEPPM « Une Grande École pourquoi pas moi ? », un programme de tutorat basé sur l’orientation active avec l’idée de provoquer des rencontres entre des élèves polytechniciens et des lycéens sélectionnés pour leur motivation, leur appétence pour les sciences et leur potentiel scolaire.
Aujourd’hui, nous sommes en mesure de prendre du recul et nous avons fait une étude sur l’impact du programme sur les anciens membres. Les résultats sont excellents. 94 % des anciens – dont les parents n’ont pas fait d’études – ont atteint le niveau universitaire bac + 5 et certains sont doctorants. Parmi ceux qui sont actuellement en emploi, 84 % occupent un poste hautement qualifié. On dépasse un système d’ascenseur social : là où il fallait deux générations pour atteindre le niveau CSP+, le programme a permis aux élèves d’atteindre ce but en une génération. Et pourtant, ce ne sont pas les premiers de la classe que l’on choisit, parce qu’il ne faut pas de profils trop scolaires.
Le programme demande un engagement important (tous les mercredis soirs, les samedis, pendant les vacances). On va sélectionner quelqu’un qui a l’énergie et la souplesse pour vivre ce programme.
Programme #Genius
#Genius est une initiative portée par l’X, HEC, l’Ensae ParisTech, l’Ensta ParisTech, Télécom ParisTech et Centrale Lyon.
#Genius s’adresse aux lycéens et étudiants, de la seconde au bac +2.
Le dispositif est composé de deux actions phares :
- une série thématique de formations en ligne sous forme de MOOCs,
- un programme de tutorat en ligne à destination de lycéens de toute la France (de la seconde aux classes préparatoires), sous la responsabilité de professeurs.
Parlez-nous du programme #Genius
Nous voulons proposer des tutorats par internet, des MOOCs, des stages et séminaires dans l’esprit des Science Camps que nous organisons. Nous projetons pour la rentrée 2020 d’avoir des cordées de la réussite dans les régions en partenariat avec les grandes écoles locales. Nous avons l’expérience du modèle solide, historique de l’Essonne que nous avons élargi à l’Île-de-France en cette rentrée 2019, en attendant de passer à l’échelon national en 2020.
Nous avons reçu un financement pour le programme #Genius qui va permettre d’étendre ce tutorat sur des territoires plus éloignés, souvent ruraux, via internet : un élève polytechnicien sur le plateau sera en contact avec 5 tutorés. Pour déployer le programme, nous devons fournir un important travail d’information pour donner aux jeunes l’envie de s’inscrire. Grâce aux affectations civiles (stage FHM) des élèves polytechniciens répartis chaque année sur tout le territoire, l’X possède un atout de taille pour opérer des missions d’information dans les lycées.
Qui élabore les MOOCs ?
Ce sont des enseignants-chercheurs de l’École qui conçoivent nos MOOCs. Nous avons déjà expérimenté dans le cadre du programme action lycée des MOOCs en maths physique proposés sur la plateforme FUN-Mooc. Nous souhaitons déployer une série de MOOCs bac ‑3 jusqu’à bac +3. Il ne s’agit pas de suivre le manuel scolaire mais d’apporter des compléments de notions et une autre façon de les aborder.
Combien de jeunes sont concernés ?
Près de 300 dans l’Essonne. En région parisienne, nous projetons de toucher 420 tutorés par an. Le projet est de mettre en place une cordée de la réussite sud, une cordée nord, une cordée ouest, une cordée est, en nous appuyant sur les affectations civiles ainsi que les stages défense des élèves. Nous bénéficierons d’un maillage très important grâce auquel les activités du PDR seront proposées aux lycées.
Quel est l’impact de ces programmes sur la motivation des élèves ?
Un impact très positif est que nous n’avons pas à déplorer de décrochage scolaire. Lorsque les élèves sont confrontés à un échec ou une difficulté dans leur parcours, ils arrivent à rebondir même s’ils se sont trompés de voie. La philosophie du programme, à l’origine créé par l’Essec, est de développer ce concept d’orientation active qui est fait de hasards ; et le hasard, c’est aussi parfois échouer. L’orientation, ça n’est pas un choix binaire ou définitivement arrêté. Au contraire, il existe un grand choix de possibles. Le but est d’amener les jeunes à ne pas avoir l’impression d’être enfermés dans une seule voie. De plus, apprendre à gérer l’échec, c’est un soft skill précieux.
Qu’est-ce que le programme leur apporte et qu’ils ne pourraient pas trouver par eux-mêmes pour développer ce qu’ils sont ?
Tout d’abord, on leur donne une idée de ce qui existe et qui peut les faire rêver. Quand on ne connaît pas, on ne rêve pas. Notre première démarche, c’est d’aller ouvrir une porte et de susciter leur curiosité. Ensuite, la proximité d’âge entre les jeunes X fraîchement reçus et les lycéens est un excellent moyen d’éveiller le désir d’entreprendre des études scientifiques de haut niveau et d’ouvrir le spectre des métiers et carrières possibles dans les sciences. Pendant les repas partagés ensemble, nous ouvrons des débats et des discussions, où chacun peut plus simplement et directement discuter avec les jeunes X et ainsi apprendre à débattre sur des sujets sociétaux, politiques, etc., ce que tous les élèves n’ont pas forcément l’occasion de faire chez eux. Nous recréons en quelque sorte des « repas de famille », une manière plus informelle de développer les ambitions.
Par exemple, il arrive souvent que des jeunes choisissent par défaut la fac qui est proche de chez eux en région parisienne pour faciliter la question du logement, au risque d’effectuer de longues heures de trajet. En discutant avec les élèves, ils découvrent que la fac, c’est aussi un campus, des associations étudiantes, toute une vie estudiantine qui mérite qu’ils se délocalisent dans une ville moins chère, à Lille par exemple, pour en profiter. Cette proximité avec les élèves crée un attachement durable envers l’École chez les anciens du programme.
Un détail important, on ne parle pas de bénéficiaires de ce programme mais de membres, pour sortir de l’image un peu condescendante de l’assistanat.
Les actions du Pôle Diversité et Réussite
Les cordées de la réussite : GEPPM, Tremplin, le Tutorat polytechnique IDF.
Les rencontres à l’X : les Journées X‑Campus Découverte, les Entretiens de l’Excellence, les Journées Filles et Maths, les stages d’observation pour les collégiennes en troisième, les X‑Science Camps mixtes et les X‑Science Camps au féminin.
Plus d’informations sur le site du PDR : https://portail.-polytechnique.edu/diversite-inclusion/fr
Que peut faire la communauté des anciens pour ce programme ?
Nous avons besoin de figures inspirantes, de professionnels qui viennent parler de leur parcours, mais aussi d’ingénieurs qui nous aident à réfléchir à la manière de mesurer l’impact d’un X placé dans un territoire au cours de son affectation civile ou militaire. En effet, on parle d’impact positif sur l’autocensure des élèves et des professeurs. Comment l’évaluer ? Quel impact sur une zone géographique ? Parler de l’X à des professeurs exerçant dans des établissements de niveau moyen leur semble totalement incongru. En revanche, leur parler de « colo de maths » leur permet de passer volontiers l’information, sans penser que leurs élèves n’ont pas le niveau.
Les journées découverte « filles et mathématiques », les journées d’entretiens de l’excellence sont aussi des produits auxquels les professeurs adhèrent facilement. Ces petites actions ciblées du PDR permettent de faire connaître l’X dans des lycées qui n’auraient pas eu l’idée d’en parler. Sur 40 élèves participants aux Science Camps, on touche presque 40 lycées différents car les élèves parleront de leur expérience à leur retour, autant à leurs professeurs qu’à leurs camarades de classe, ce qui crée une émulation très positive.
“C’est un gain pour l’École
de trouver des talents
qui viennent d’ailleurs”
Quelle est votre satisfaction intime dans la réussite de ce programme ?
En travaillant sur ces programmes, on a vraiment l’impression d’aider à changer le monde. On a pu travailler à relancer l’ascenseur social. J’ai déjà une expérience professionnelle dans l’associatif mais ici, nous travaillons avec la marque de l’X. Nous avons les idées, les leviers d’action et la souplesse liés à cette marque de Polytechnique de pouvoir trouver de nouveaux partenaires, d’avancer, de tester des idées, soutenus par la communauté polytechnicienne. Nous avons l’agilité pour monter très vite des projets et également pour apprendre en les réalisant. Nous sommes une start-up de la diversité : nous savons chiffrer, évaluer les besoins et nous arrêter quand il faut. Travailler ici est très enrichissant et formateur ; d’ailleurs, on recrute !
Humainement, c’est aussi très fort. Quand je vois ces résultats, je sais pourquoi je travaille. Je vois des destins qui ont changé, et quand c’est un destin dans une famille, c’est toute la famille qui change. Un jeune qui suit un programme comme les nôtres n’est pas le même quand il rentre chez lui. Le taux de fréquentation des théâtres entre les classes de seconde, de première et de terminale est significatif. On passe d’un quart en seconde, à un tiers en première et plus de la moitié en terminale. Ça a été un choix du programme de leur montrer les programmations culturelles non pas à Paris mais dans leur environnement, à Palaiseau, en Essonne.
Cela change tellement de la petite musique lancinante qu’on entend dans les médias sur les élites déconnectées, sur le schéma de reproduction sociale des élites. Je trouve que c’est parfois un faux procès, d’autant plus injuste au vu de l’engagement de l’École sur ces questions. Quelle autre école peut, au moyen des affectations civiles et militaires, être en lien avec des territoires et des publics si différents ? Et quel message envoie-t-on quand on répète à longueur de temps que l’X n’est accessible qu’à un certain type de public privilégié ? On décourage encore plus notre public, les jeunes pour qui ces programmes sont faits et leur famille.
Historiquement, l’X allait chercher les talents ailleurs que dans les circuits habituels. C’est la culture de l’École. Ce n’est pas une bonne action, c’est un gain pour l’École de trouver des talents qui viennent d’ailleurs, qui pensent différemment. Ces jeunes membres de ces programmes n’ont plus la même vision des grandes écoles. Ils ont appris à les connaître et ne se sentent plus exclus d’un système inaccessible pour eux. Du côté des élèves polytechniciens, nous ne rencontrons aucun souci d’adhésion : la question de la diversité sociale et de la diversité de territoire est très prégnante.
Et après le programme, que se passe-t-il ?
Pour les anciens du programme, nous réfléchissons à mettre sur pied un club pour qu’ils puissent se réunir entre anciens et se constituer un réseau professionnel. Ils ne sont pas les bénéficiaires d’un programme mais membres d’un programme où leurs talents peuvent s’épanouir.