Projet Pico-Wind : maîtriser l’interaction vent-éoliennes
Pico-Wind est un projet de grande envergure. Quel en est l’objectif ?
La rentabilité d’un projet éolien dépend du vent qu’il fait sur le site choisi, ou plutôt du vent qu’il va faire sur les 20 ans de vie du futur parc. Pour cela, une campagne de mesures de la vitesse et de la direction du vent est réalisée sur une période d’au moins une année, à partir de laquelle une statistique long terme est déduite par corrélation avec une station météo.
“ Si l’énergie éolienne est belle et propre, elle demande en contrepartie qu’on lui injecte beaucoup d’intelligence, un vrai régal pour les ingénieurs du métier.”
Mais ce n’est pas tout : le vent varie aussi spatialement selon la hauteur, et n’est pas le même en tout point du site, ce qui signifie que chaque éolienne verra un vent différent. Ces variations spatiales sont prises en charge par des outils de simulation numérique de mécanique des fluides qui tiennent compte du relief et de l’occupation du sol (forêt, champs, zones d’urbanisme).
Vient ensuite la dernière étape consistant à convertir ces données de vent en productible électrique grâce à la courbe de puissance de l’éolienne. Réaliser une telle étude dite de « potentiel éolien » correspond à un vrai métier de la filière éolienne, stratégiquement très important pour consolider le projet et son financement.
Améliorer nos méthodes de prédiction doit donc être un souci permanent.
Quel constat a encouragé cette initiative scientifique ?
Après la mise en service du parc, les « experts du vent » sont amenés à comparer leur prédiction à la réalité de la production.
Sodar
Résultat des courses : des écarts très disparates selon les sites sont constatés, correspondant assez souvent à des productibles surestimés. Ces écarts n’étonnent plus les spécialistes qui savent que de multiples phénomènes complexes ne sont pas assez bien connus et modélisés.
L’éolienne tout d’abord ne saurait se réduire à une simple courbe mathématique (la fameuse courbe de puissance) censée résumer tout ce qu’elle doit gérer : vent trop faible, rafales ou tempêtes, cisaillement excessif, turbulence débridée !
Le vent ensuite, qui, outre sa complexité intrinsèque et capricieuse, réagit à la présence des éoliennes. Si l’énergie éolienne est belle et propre, elle demande en contrepartie qu’on lui injecte beaucoup d’intelligence (un vrai régal pour les ingénieurs du métier !), et c’est bien tout l’enjeu du projet Pico-Wind.
Est-ce à dire qu’au fond, on ne connaît pas si bien le vent qu’on exploite sur les parcs éoliens ?
Si la production d’un parc éolien se constate, le vent qui lui a donné naissance, lui, se discute.
Installation Lidar-nacelle :
réglage horizontalité Sodar. par théodolite.
Quel vent est réellement exploité par les machines ? Est-ce le vent qui arrive sur le rotor et qui a déjà probablement subi une modification ? Est-ce le vent plus en amont, vierge de toute influence de la barrière d’éoliennes ? Et si oui, à quelle distance ?
Ou bien, le « vrai » vent ne serait-il pas plutôt celui mesuré sur le site « nu » ? Mais dans ce cas, comment faire le lien entre ces deux types de vent site « nu » et site « construit » ? Et lequel de ces deux-là est le plus en accord avec la réalité de la production du parc, etc ?
En fait, le vent interagit avec tout, n’importe quel obstacle (dont les éoliennes elles-mêmes), loin en amont comme en aval. De là naît une complexité particulière qu’il faut apprendre à maîtriser car elle a un impact direct sur notre capacité à prédire et sur le niveau d’incertitude associé.
Les réponses à ces questions et bien d’autres encore sont importantes, si l’on veut parvenir à mieux identifier les causes des écarts de production (en plus ou en moins par rapport à une prédiction donnée) et du même coup améliorer aussi bien les méthodes d’évaluation du potentiel éolien en phase Projet, que les analyses de performance des parcs en fonctionnement.
Concrètement, quels équipements avez-vous choisi de mettre en place ?
La meilleure chose à faire est certainement de mesurer le vent en différents endroits du parc. Même si la référence par excellence en matière de mesure du vent reste le mât de mesure bardé d’anémomètres et de girouettes, de nouvelles technologies émergent peu à peu et viennent enrichir les solutions métrologiques à disposition de l’ingénieur du vent.
Deux appareils permettent aujourd’hui de mesurer le vent de manière non invasive, à distance depuis le sol : le SODAR et le LIDAR. Le principe est le suivant : Une onde, sonore pour le premier, lumineuse pour le second, est envoyée à la verticale, rebondit sur les aérosols de la couche atmosphérique (à différentes hauteurs).
Comme ces aérosols se déplacent à la vitesse du vent, l’onde réfléchie qui revient sur l’appareil n’a pas la même longueur d’onde que l’onde incidente qui en est partie (effet Doppler). C’est cet écart qui permet d’en déduire la vitesse du vent.
Ces appareils présentent clairement des avantages sur le mât de mesures. Ils permettent de mesurer plus haut, s’installent plus facilement et aucune autorisation administrative n’est nécessaire. Ces points forts sont d’autant plus déterminants pour un projet dont la valeur ajoutée est d’effectuer une mesure en différents endroits.
Au mât de mesures autoportant de 40 m de hauteur, déjà existant sur le site, il a été ajouté deux SODARs positionnés à 400 m de part et d’autre de l’alignement des machines, ainsi qu’un LIDAR-Nacelle sur le toit de la nacelle de l’une des éoliennes, destiné à mesurer le vent qui arrive sur l’éolienne. Enfin, un nouveau LIDAR a été installé un peu à l’écart du parc afin d’estimer le facteur global d’influence des éoliennes sur le vent.
Le projet est lancé depuis plus d’un an.
Quelles en sont les avancées et les étapes à venir ?
Un important travail d’acquisition puis de traitement des données a été effectué, qui a déjà permis d’évaluer la fiabilité, et la précision des systèmes de mesures, puis de mettre en lumière les caractéristiques du champ de vent sur le parc, en particulier les pertes d’énergie dues à la présence des éoliennes.
Lidar-nacelle.
La deuxième phase du projet vient de débuter et s’étalera sur toute l’anneé 2015. Elle consistera à confronter la modélisation du vent avec les résultats de la campagne de mesures.
La simulation numérique du vent est composée d’une succession de modèles de fiabilité variable : extrapolation du profil vertical des vitesses, extrapolation « horizontale » (variation de la vitesse le long du site grâce à la CFD ou « Computational Fluid Dynamics »), modélisation de la turbulence et effets de sillage, corrélation long terme… Tous ces modèles seront susceptibles de subir quelques correctifs, toujours dans le même objectif d’améliorer la prédiction de production et réduire l’écart à la réalité du terrain.
Enfin, une troisième étape consistera à faire le lien entre deux périodes, avant et après construction, jusqu’ici traitées séparément du point de vue de l’évaluation de la ressource. Avant construction, en phase Projet, le vent est mesuré sur site « nu ». Après construction, le suivi de performance est déduit de la mesure en présence des éoliennes.
Il est tout à fait plausible que l’énergie globale du vent soit différente dans les deux cas, et la question est de savoir de combien.