Projet X 2000

Dossier : ExpressionsMagazine N°558 Octobre 2000
Par Pierre FAURRE (60)

L’École poly­tech­nique a dû accé­lé­rer son évo­lu­tion au cours des der­nières années sans renier son âme. En effet, la glo­ba­li­sa­tion de l’économie et l’émergence des nou­velles tech­no­lo­gies, la construc­tion de l’Europe, la mon­dia­li­sa­tion géné­ra­li­sée de la recherche scien­ti­fique et tech­no­lo­gique n’ont fait que ren­for­cer les deux axes d’effort que nous avions rete­nus pour faire évo­luer l’École : inter­na­tio­na­li­sa­tion et professionnalisation.

La sup­pres­sion du ser­vice natio­nal et l’impulsion récente don­née par le gou­ver­ne­ment pour recher­cher des for­ma­tions supé­rieures homo­gènes au niveau euro­péen, per­met­tant la mobi­li­té des hommes, n’ont fait que ren­for­cer cette néces­si­té d’évolution.

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En octobre 1998, le ministre de la Défense, Mon­sieur Alain Richard, approu­vait au nom du Gou­ver­ne­ment le pro­jet X 2000 que je lui avais sou­mis après un long tra­vail de pré­pa­ra­tion et d’expérimentation.

Ce pro­jet résul­tait d’idées mûries au cours des années pré­cé­dentes et visait à conso­li­der des mesures déjà appli­quées avec suc­cès : recru­te­ment d’élèves étran­gers par le “ concours 2e voie ” depuis 1996, ces élèves sui­vant l’intégralité du cur­sus des autres poly­tech­ni­ciens recru­tés en classes pré­pa­ra­toires tra­di­tion­nelles par le “concours 1re voie ” ; formes civiles du ser­vice natio­nal expé­ri­men­tées depuis 1996 ; ampli­fi­ca­tion de la diver­si­fi­ca­tion du cur­sus, tout en gar­dant une solide for­ma­tion poly­scien­ti­fique de base.

Il résul­tait aus­si d’une large concer­ta­tion conduite par le Conseil d’administration avec le corps ensei­gnant, les élèves, l’A.X. (repré­sen­tée au conseil par son pré­sident), la Fon­da­tion de l’X.

Il ne “ res­tait plus ”, après appro­ba­tion du gou­ver­ne­ment, qu’à mettre en oeuvre cette réforme.

Aujourd’hui, c’est chose qua­si­ment faite : la pro­mo­tion X 1999 béné­fi­cie­ra d’un nou­veau sta­tut qui pré­serve le néces­saire contact Armée-Nation et pro­cure aux élèves une situa­tion maté­rielle conve­nable ; la pro­mo­tion X 2000 ver­ra l’intégralité du nou­veau dis­po­si­tif s’appliquer à elle.

Je tiens à remer­cier tout par­ti­cu­liè­re­ment le géné­ral Mares­caux, direc­teur géné­ral de 1993 à 1997, qui a mis en place et expé­ri­men­té les pre­miers élé­ments de la réforme, le géné­ral Novacq, direc­teur géné­ral de 1997 à 2000, qui a éla­bo­ré et négo­cié les nou­veaux textes régle­men­taires ain­si que les élé­ments pré­cis de la réforme. Et j’ajoute que je compte très for­te­ment sur le nou­veau direc­teur géné­ral, le géné­ral de Noma­zy, pour appli­quer le pro­jet X 2000, en diag­nos­ti­quer et cor­ri­ger les éven­tuelles imper­fec­tions, et main­te­nir au sein de l’École la dyna­mique et l’enthousiasme liés à cette évolution.

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Quels sont les grands prin­cipes du pro­jet X 2000 ?

L’ouverture inter­na­tio­nale de l’École

L’École poly­tech­nique accroît depuis plu­sieurs années ses échanges avec l’étranger :

  • Dans le domaine de la recherche, les rela­tions sont déjà anciennes. Quand l’X a démé­na­gé à Palai­seau et que le centre de recherche a pu se déve­lop­per, les échanges ont pro­gres­sé et pro­gressent encore sous diverses formes : thé­sards ou post-doc­to­rants étran­gers venant dans un labo de l’École, cher­cheurs fran­çais séjour­nant dans un labo par­te­naire à l’étranger, cher­cheurs étran­gers venant à l’X pour des mis­sions et des durées diverses, avec des finan­ce­ments de l’École, du CNRS ou des fonds privés.
  • Le par­cours des ensei­gnants est lié à celui des cher­cheurs. L’École sou­haite faire venir dans chaque matière de plus en plus d’enseignants étran­gers et leur pro­po­ser des postes leur per­met­tant de séjour­ner dans les labo­ra­toires de l’X pour y faire pro­gres­ser la recherche.
  • En ce qui concerne les pro­mo­tions d’élèves en second cycle, l’objectif est tou­jours d’y inté­grer une cen­taine d’étudiants étran­gers. Dans l’autre sens les poly­tech­ni­ciens sont invi­tés, à l’issue de leur deux années pas­sées à Palai­seau, à suivre à l’étranger leur for­ma­tion com­plé­men­taire. Une liste d’établissements agréés a été éta­blie. Le mou­ve­ment, d’abord timide, a pris aujourd’hui de l’ampleur, notam­ment pour les for­ma­tions aux États-Unis.
  • Notons enfin à pro­pos des échanges étu­diants que des étran­gers peuvent venir à l’X pour d’autres for­ma­tions que le cur­sus poly­tech­ni­cien clas­sique : il existe des for­ma­tions de quelques mois, non diplô­mantes, mais qui peuvent don­ner lieu à une équi­va­lence dans le pays d’origine.
  • D’abord la triple voca­tion de l’École est bien réaffirmée.
    Il s’agit de for­mer de brillants élèves choi­sis pour leurs capa­ci­tés scien­ti­fiques et géné­rales pour deve­nir selon les cas :
    • des cher­cheurs (des “savants” disaient les textes fon­da­teurs de l’École) aptes à déve­lop­per les sciences, les tech­no­lo­gies et leurs applications,
    • des res­pon­sables de la fonc­tion publique natio­nale ou européenne,
    • des cadres supé­rieurs ou des créa­teurs d’entreprises.

    À titre d’illustration, la répar­ti­tion des élèves pour la der­nière sor­tie (X 97 : 398 élèves fran­çais et 63 élèves étran­gers) est la sui­vante : 80 vers la recherche, 100 vers la fonc­tion publique et 280 vers l’entreprise.

  • Ensuite, le sta­tut des élèves est modi­fié et un cur­sus cohé­rent de quatre ans, inté­grant l’école d’application, est mis en place.
    Ce cur­sus est détaillé ci-après dans ce numé­ro de La Jaune et la Rouge.
    À noter qu’il est rac­cour­ci : l’ancien cur­sus était de cinq ans : un an de ser­vice natio­nal, deux ans à l’École et deux ans en École d’application.
    À noter qu’il inclut 4 stages de for­ma­tion exté­rieure dont un pre­mier stage impor­tant de for­ma­tion humaine (évo­lu­tion de l’ancien ser­vice mili­taire), les autres stages en par­tie à l’étranger et en entreprise.
    À noter enfin que la diver­si­té du cur­sus offert per­met­tra à chaque élève de bâtir un pro­jet pro­fes­sion­nel, de trou­ver une voca­tion plus tôt et de sor­tir de l’École avec une forte moti­va­tion et un double diplôme recon­nu sur le plan international.
    Tout est fait pour déve­lop­per le goût de la recherche et/ou l’esprit d’entreprise de nos élèves.
  • L’internationalisation et l’ouverture du recru­te­ment des élèves sont amplifiées.
    Grâce aux deux voies d’admission du concours, la voie tra­di­tion­nelle et la voie uni­ver­si­taire, non seule­ment nous recru­tons dans toutes les classes pré­pa­ra­toires (MP, PC, PSI, PT), mais aus­si dans les uni­ver­si­tés inter­na­tio­nales les plus pres­ti­gieuses, et aus­si dans les uni­ver­si­tés fran­çaises à par­tir de la pro­mo­tion X 2000.
    Nous avons réus­si tant qua­li­ta­ti­ve­ment : le major de sor­tie ex aequo de la pro­mo­tion X 97 a été recru­té par le concours 2e voie et est de natio­na­li­té viet­na­mienne, que quan­ti­ta­ti­ve­ment : l’objectif par pro­mo­tion, de 400 Fran­çais et 100 étran­gers, que nous nous étions fixé est proche d’être atteint. Le corps pro­fes­so­ral à ce jour com­porte aus­si de l’ordre de 15% d’enseignants étran­gers. Plus de la moi­tié des stages des élèves est déjà effec­tuée à l’étranger et près de 10% des élèves suivent une for­ma­tion com­plé­men­taire à l’étranger en sub­sti­tu­tion de la tra­di­tion­nelle école d’application.
    La pleine réa­li­sa­tion du pro­jet X 2000 consis­te­ra à inté­grer encore plus d’élèves étran­gers…, avec les pro­blèmes maté­riels que cela pose­ra à la direc­tion de l’École…
  • Enfin la dimen­sion recherche de l’École est amplifiée.
    Certes l’École a eu comme pro­fes­seurs au XIXe les plus grands savants du monde, certes l’École a vu se déve­lop­per en son sein, au cours des der­nières décen­nies, des labo­ra­toires pres­ti­gieux, mais la liai­son ensei­gnant- recherche doit être renforcée.
    Et aujourd’hui aucun ensei­gne­ment supé­rieur de qua­li­té n’est envi­sa­geable sans un lien fort avec la recherche.
    Aus­si, la loi régis­sant Poly­tech­nique a‑t-elle été modi­fiée le 12 juillet 1994 par un vote una­nime de nos élus (à l’initiative de l’École et suite à un pro­jet de loi dépo­sé par des dépu­tés, anciens poly­tech­ni­ciens), pour ajou­ter cette dimen­sion recherche à nos mis­sions explicites.
    L’École Doc­to­rale de Poly­tech­nique est en voie de consti­tu­tion, et nos labo­ra­toires décernent chaque année une cen­taine de doc­to­rats à des étu­diants ayant effec­tué leur 2e cycle à l’École poly­tech­nique ou ailleurs : l’initiative de l’A.X. d’assimiler ces doc­teurs à la grande famille poly­tech­ni­cienne et de faire figu­rer leurs noms dans l’annuaire est à saluer tout particulièrement.
    Sciences et tech­no­lo­gies de l’information, bio­tech­no­lo­gies et bio­chi­mie seront des moteurs impor­tants du déve­lop­pe­ment éco­no­mique et socié­tal de demain.
    L’École, qui dis­pose déjà de labo­ra­toires excel­lents en mathé­ma­tiques, mathé­ma­tiques appli­quées, méca­nique, phy­sique, chi­mie, se doit de déve­lop­per de nou­veaux axes de recherche. Un conseil de la recherche a été créé il y a trois ans pour l’aider à pilo­ter cette évolution.

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En l’an 2000, la nou­velle éco­no­mie et les nou­velles tech­no­lo­gies ren­forcent très for­te­ment la légi­ti­mi­té d’un grand éta­blis­se­ment d’enseignementrecherche comme l’École poly­tech­nique et lui donne une uti­li­té accrue au sein de la France, de l’Europe et du Monde.

La foi des savants de la Révo­lu­tion dans les effets posi­tifs de la science sur l’évolution de la socié­té avait don­né une impul­sion forte à l’École à sa créa­tion et avait contri­bué à son rayon­ne­ment national.

Puisse le pro­jet X 2000 per­mettre à l’École de tenir une place de tout pre­mier plan au niveau mon­dial, à l’aube de ce nou­veau siècle.

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