PROKOFIEV : Cinquième Symphonie et STRAVINSKI : Symphonie des psaumes
Programme 100 % russe pour l’ouverture du Festival de Salzbourg 2012.
Ville natale de Mozart (rattachée à la Bavière et non pas à l’Autriche à cette époque), Salzbourg voit se réunir chaque été depuis près de cent ans un festival qui fait référence dans le monde musical. Lancé par Richard Strauss et Hugo von Hofmannsthal, dirigé pendant plus de trente ans par Herbert von Karajan, il est pour ainsi dire la résidence d’été du Philharmonique de Vienne.
La publication régulière désormais par EuroArts des meilleurs concerts et opéra est une excellente nouvelle.
Valery Gergiev dirige sans baguette ce concert d’ouverture dans le Grand Palais des Festivals, fin juillet 2012. On l’a déjà dit, ce chef est omniprésent sur la scène musicale européenne. En charge de plusieurs orchestres en Europe (Londres et bientôt Munich), et depuis vingt-cinq ans de l’ensemble des salles du théâtre Mariinsky de Saint-Pétersbourg (trois salles désormais), il enregistre CD et DVD pour de nombreux labels, dont le label Mariinsky qu’il a créé.
Le concert débute par la Symphonie des psaumes d’Igor Stravinski, une des trois symphonies du maître russe, datant de 1930 et écrite dans un langage très accessible.
On le sent au disque, mais le voit clairement au concert ou en DVD : l’orchestre a une disposition originale, aucun violon, uniquement des cordes graves, bois et cuivres très nombreux en proportion (autant que pour le Prokofiev qui va suivre, mais avec des cordes au grand complet).
Et plus de soixante choristes. Effectivement, ce qui frappe dans cette œuvre, c’est un son original, inouï par définition.
Viennent ensuite les célèbres Chants et Danses de la mort de Modest Moussorgski, où le thème médiéval du Dies Irae (repris entre autres par Berlioz dans la Symphonie fantastique) apparaît souvent. Dommage que les textes poignants nous soient inaccessibles par manque de sous-titres.
Ces mélodies pour voix solo (ici le ténor Sergei Semishkur, pilier du Mariinsky) et piano sont ici interprétées dans une orchestration récente pour orchestre réduit, ce qui fait ressortir la modernité de cette musique.
Composée en 1875, l’œuvre sonne ici comme la Quatorzième Symphonie de Chostakovitch, pourtant de cent ans plus récente. Passionnante recréation, captivante et hypnotique.
Après l’entracte, l’orchestre est enfin complet. Et avec une puissance phénoménale pour l’œuvre clé du programme, la Cinquième Symphonie de Prokofiev, la plus aboutie de ses sept symphonies.
Prokofiev est un compositeur qui mérite d’être plus joué et écouté. Ses neuf sonates pour piano, ses cinq concertos pour piano, ses deux concertos pour violon et ses sept symphonies sont magnifiques. Pour le découvrir commencez par la Symphonie classique, sa première, impayable pastiche de Mozart et Haydn, son Troisième Concerto pour piano, et cette Cinquième Symphonie, peut-être son chef‑d’œuvre.
De structure classique en quatre mouvements, cette symphonie fait souvent penser au style de Mahler. En particulier son scherzo, plein d’ironie et de ton sarcastique, est un incontestable hommage à Mahler.
La performance musicale du Philharmonique de Vienne et de Gergiev est exceptionnelle : finesse et virtuosité des cordes, toujours chantantes, une prise de risque continue. Le chef nous tient en haleine pendant trois quarts d’heure sans que la tension ne se relâche, avec son orchestre germanique qui n’a jamais sonné aussi « slave ».
Ce DVD a été la première parution par EuroArts des enregistrements faits à Salzbourg en 2012 (est paru depuis également un concert dirigé par Mariss Jansons, Brahms-Strauss, également superbe, EuroArts 2072624). Espérons que les plus grands moments de Salzbourg 2013 aient été également conservés.