Transport sous température dirigée © Chéreau

Quand la transition énergétique et écologique devient un vecteur d’innovation !

Dossier : Vie des entreprises - Souveraineté industrielleMagazine N°799 Novembre 2024
Par Christophe DANTON
Par Arthur MONTI

Réfé­rence incon­tour­nable dans le monde du trans­port sous tem­pé­ra­ture diri­gée, Ché­reau est mobi­li­sée depuis plu­sieurs années en faveur de la tran­si­tion éner­gé­tique et envi­ron­ne­men­tale. Arthur Mon­ti, res­pon­sable du pôle études méca­nique maté­riaux au sein du bureau d’études de Ché­reau, et Chris­tophe Dan­ton, direc­teur RSE et com­mu­ni­ca­tion de The Ree­fer Group et de Ché­reau, nous expliquent quelles sont les pistes explo­rées par leur entre­prise en ce sens et les pro­jets et enjeux qui les mobi­lisent dans cette démarche.

Quels sont les métiers et les expertises de votre entreprise ?

Créée en 1951, Ché­reau est un car­ros­sier construc­teur spé­cia­li­sé dans les véhi­cules des­ti­nés au trans­port sous tem­pé­ra­ture diri­gée, plus com­mu­né­ment par le grand public, véhi­cules fri­go­ri­fiques. Un pro­duit sur deux dans les réfri­gé­ra­teurs des Fran­çais est, sta­tis­ti­que­ment en effet, pas­sé par nos véhicules !

Ché­reau est une entre­prise de The Ree­fer Group, qui détient éga­le­ment deux autres car­ros­siers-construc­teurs, Aubi­neau en France et SOR en Espagne. Aujourd’hui, le groupe emploie près de 1 550 per­sonnes et réa­lise un chiffre d’affaires de 361 mil­lions d’euros, dont un peu plus de 256 mil­lions pour Chéreau. 

Sur ce seg­ment, Ché­reau est recon­nu par nos diverses par­ties pre­nantes comme un lea­der qui pro­pose des pro­duits pre­mium et haute per­for­mance. Chaque pro­duit est, d’ailleurs, spé­ci­fi­que­ment fabri­qué en fonc­tion de la demande et du besoin de chaque client. 

Votre activité est à la croisée des transitions majeures : écologique, énergétique et climatique. Qu’en est-il ? Comment appréhendez-vous ces dimensions ?

Nous opé­rons dans la filière du trans­port qui a d’énormes enjeux de réduc­tion des émis­sions de CO₂ des véhi­cules, quel que soit leur type. Dans le cadre de la fabri­ca­tion d’une semi-remorque fri­go­ri­fique, nous nous foca­li­sons sur deux dimen­sions pour garan­tir la per­for­mance du pro­duit : la qua­li­té de l’isolation et la capa­ci­té à pro­duire du froid de manière auto­nome. Aujourd’hui, pour assu­rer cette pro­duc­tion, les semi-remorques sont majo­ri­tai­re­ment équi­pées d’un moteur die­sel qui ali­mente une cen­trale de froid et qui émet bien évi­dem­ment du CO₂. 

Pour faire notre tran­si­tion éner­gé­tique, nous explo­rons essen­tiel­le­ment deux pistes. La pre­mière consiste à déve­lop­per la fru­ga­li­té éner­gé­tique de nos pro­duits pour réduire la consom­ma­tion. Dans cette démarche, il s’agit non seule­ment d’optimiser l’isolation des semi-remorques, mais aus­si d’optimiser la semi-remorque en termes de poids, de dimen­sion­ne­ment, de résis­tance et d’aérodynamisme pour réduire le besoin éner­gé­tique du véhi­cule qui tracte la semi-remorque. La seconde piste consiste à pas­ser à l’électrique pour rem­pla­cer le die­sel et, in fine, réduire l’empreinte car­bone et envi­ron­ne­men­tale de nos produits. 

Ce volet repré­sente 99 % de notre bilan d’émissions de CO₂ et de gaz à effet de serre et relève, plus par­ti­cu­liè­re­ment, du scope 3 aval qui est rela­tif à l’usage de nos pro­duits. En paral­lèle, nous tra­vaillons éga­le­ment nos scopes 1 et 2 et scope 3 amont.

Revenons plus particulièrement sur la motorisation. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Ché­reau ne fabrique pas de moto­ri­sa­tion pour les groupes froids. Nous inté­grons des groupes qui sont fabri­qués par les prin­ci­paux acteurs du mar­ché. Nous sommes donc en veille constante afin d’identifier les solu­tions les plus per­ti­nentes en fonc­tion de nos objec­tifs, de nos besoins et ceux de nos clients, au regard des enjeux de la tran­si­tion énergétique. 

Aujourd’hui, il existe, en effet, dif­fé­rentes solu­tions. Depuis quelques mois, on trouve des groupes 100 % élec­triques. Plu­sieurs solu­tions inno­vantes émergent éga­le­ment comme les eAxle ou essieux géné­ra­teurs, qui per­mettent de rechar­ger tout en roulant. 

Nous tes­tons aus­si d’autres solu­tions, comme l’installation de pan­neaux pho­to­vol­taïques sur le pavillon de la semi-remorque. L’idée est notam­ment de voir si une cou­ver­ture totale de la semi-remorque avec des pan­neaux solaires per­met­trait d’apporter l’énergie néces­saire à la pro­duc­tion de froid. En paral­lèle, Ché­reau a été la pre­mière entre­prise du sec­teur et du monde à tes­ter un groupe froid à hydro­gène, doté de réser­voirs à hydro­gène et d’une pile à com­bus­tible pour ali­men­ter un petit pack de bat­te­rie qui per­met d’alimenter en retour un groupe froid élec­trique. Suite à ce pro­jet col­la­bo­ra­tif qui nous a occu­pés entre 2016 et 2019, nous pour­sui­vons nos essais avec deux semi-remorques à hydro­gène en cours de déploie­ment chez des clients en Bre­tagne, afin de déve­lop­per un retour d’expérience per­ti­nent autour de cette solution. 

Chez Ché­reau, nous sommes convain­cus que le mix éner­gé­tique de demain sera varié et s’articulera autour de dif­fé­rents cas d’usage cor­res­pon­dant à la plu­ra­li­té de besoins des utilisateurs. 

En matière d’isolation, quelles pistes explorez-vous ? 

L’isolation est un vec­teur d’optimisation de la consom­ma­tion éner­gé­tique. Plus l’isolation est bonne, moins on a besoin de consom­mer de l’énergie pour refroi­dir et main­te­nir une tem­pé­ra­ture choi­sie ! His­to­ri­que­ment, Ché­reau est une réfé­rence recon­nue de tous en termes d’isolation. Nos équipes de R&D et nos ingé­nieurs innovent constam­ment pour amé­lio­rer l’isolation de nos semi-remorques. Grâce à leur tra­vail et effort, nous avons déve­lop­pé l’intégration de la tech­no­lo­gie VIP (Vacuum Insu­la­ted Panel) qui est, d’ailleurs bre­ve­tée. Cette tech­no­lo­gie d’isolation sous vide des pan­neaux per­met de gagner 20 pour cent de per­for­mances en termes d’isolation, par rap­port à la mousse poly­uré­thane clas­sique qui est lar­ge­ment uti­li­sée sur le marché. 

Enfin, dans cette démarche d’optimisation conti­nue, nous veillons à bien prendre en compte l’impact de ces évo­lu­tions en termes de bilan car­bone et de cycle de vie afin de ne pas géné­rer de nou­velles pol­lu­tions. Notre toute pre­mière ana­lyse de cycle de vie a d’ailleurs été faite sur ce produit.

Chéreau, référence en matière d’isolation pour le transport sous température dirigée, innove constamment pour optimiser la consommation énergétique de ses semi-remorques grâce à des technologies avancées comme le Vacuum Insulated Panel.
Ché­reau, réfé­rence en matière d’isolation pour le trans­port sous tem­pé­ra­ture diri­gée, innove constam­ment pour opti­mi­ser la consom­ma­tion éner­gé­tique de ses semi-remorques grâce à des tech­no­lo­gies avan­cées comme le Vacuum Insu­la­ted Panel.

Quels sont les enjeux auxquels vous êtes confrontés ? 

Comme de nom­breux acteurs indus­triels, nous avons un fort enjeu humain. Nous fai­sons face à des dif­fi­cul­tés pour recru­ter de la main‑d’œuvre et atti­rer les bonnes com­pé­tences, ce qui s’explique, entre autres, par les pro­fondes muta­tions que le monde du tra­vail connaît depuis plu­sieurs années avec des attentes des nou­velles géné­ra­tions très dif­fé­rentes de leurs aînés. 

En paral­lèle, nous conti­nuons à inno­ver et à inves­tir dans notre R&D pour pour­suivre notre déve­lop­pe­ment et contri­buer à rele­ver les défis que posent les tran­si­tions actuelles. Nous repen­sons ain­si nos busi­ness modèles, ren­for­çons la per­for­mance de nos véhi­cules, tra­vaillons avec nos clients pour faire évo­luer et allon­ger la durée de vie de nos véhi­cules et évi­ter ain­si un renou­vel­le­ment trop régu­lier ce qui impacte les res­sources en matières pre­mières et génère du car­bone et des gaz à effet de serre. 

Enfin, nous avons aus­si un enjeu de confor­mi­té régle­men­taire, car notre acti­vi­té est sou­mise à de nom­breuses régle­men­ta­tions qui régissent le mar­ché du trans­port fri­go­ri­fique. Dans le cadre de la norme VECTO, il s’agit entre autres de réduire le poids des véhi­cules afin de réduire la consom­ma­tion et, par exten­sion, les émis­sions de car­bone. C’est une obli­ga­tion qui concerne tous les seg­ments du monde auto­mo­bile et de la fabri­ca­tion de véhi­cules. Or l’installation des pan­neaux sous vide alour­dit les semi-remorques fri­go­ri­fiques. Les régle­men­ta­tions de ce type, qui viennent cou­vrir de manière trans­ver­sale plu­sieurs seg­ments et sec­teurs d’activité, et qui ne vont pas for­cé­ment prendre en compte les spé­ci­fi­ci­tés de cha­cun, peuvent conduire à un résul­tat inverse de l’objectif visé, comme cela est le cas ici. L’enjeu est donc de réus­sir à faire les bons arbi­trages pour ne pas se retrou­ver face à des situa­tions contre-productives. 

Le mot de la fin ?

Chez Ché­reau, nous appré­hen­dons toutes ces tran­si­tions ain­si que les enjeux qui en découlent comme autant d’opportunités pour ren­for­cer notre lea­der­ship, conti­nuer à inno­ver et pro­po­ser des solu­tions encore plus per­for­mantes et vertueuses. 

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