Quand l’automobile cultive son héritage
Comme quoi on peut occuper sa retraite en présidant l’histoire d’un constructeur. L’analyse des succès et des erreurs passés, la connaissance des savoir-faire, en un mot la culture de l’entreprise est un actif fécond.
Pourquoi est-il tant question d’innovation dans l’automobile ? Parce que, dans un secteur est en forte évolution, l’innovation est un levier de différentiation étant destinée à devenir un motif d’achat dont une source importante est l’histoire stylistique et technologique de la marque.
REPÈRES
On confond souvent innovation et recherche, qui ont une différence profonde de nature : la recherche consiste à « dépenser de l’argent pour trouver des idées » ; l’innovation, c’est « utiliser des idées pour créer de la valeur ou du sens ».
L’innovation bouscule les habitudes, les outils, les modèles et les organisations. Certains outils, comme la segmentation des marchés, lui sont défavorables. Ce n’est pas un hasard si les plus grands succès automobiles – DS, R5, Golf, Espace, Twingo, Scénic, Logan – ont été créés « hors segments ».
Le plus grand frein à l’innovation est mental : « Quand on n’a comme outil qu’un marteau, on voit tous ses problèmes comme des clous. »
LE SUCCÈS DU RÉTRO-STYLING
Si la multiplication des véhicules modernes reprenant les identifiants d’un ancien modèle à succès (rétro-styling) semble rendre hommage au patrimoine historique des constructeurs, plusieurs exemples démontrent le contraire.
Première citadine monocorps, la Twingo première génération s’est vendue à 2,4 millions d’exemplaires.
Entre la Mini d’origine, bijou de compacité et d’architecture, et le modèle actuel, boursouflé et empâté, seuls des éléments graphiques font le lien, et son succès doit plus au renom de la marque BMW.
Si la nouvelle Beetle a eu bien plus de succès aux États-Unis qu’en Europe, c’est que le modèle d’origine était en Europe une voiture familiale et aux États-Unis une voiture d’étudiant : de l’importance de l’appropriation individuelle qui laisse une trace affective plus forte que l’appropriation collective.
Enfin, la nouvelle Fiat 500 est une réussite de style remarquable : tout a été fait pour gommer la perception de taille, et l’on retrouve l’aspect « pot de yaourt » sans percevoir le fort changement d’échelle.
Ces replicas, quand elles ne sont que des copies de la forme des originaux, peuvent être en totale contradiction avec les savoirs et la culture de l’entreprise qui a créé l’original. Elles ne sont alors qu’un « coup marketing » sans lendemain.
LE PATRIMOINE DES MARQUES
Si l’on observe la résurgence de marques anciennes (DS, Maybach, Bugatti, Alpine, Borgward, etc.), il ne s’agit parfois que d’un artefact pour tirer parti de la réputation d’une ancienne gloire afin d’améliorer une image de marque médiocre.
Quatre générations de Renault Espace : le précurseur et leader pendant trois décennies.
Mais le nom ne fait pas tout, et la réalité des produits doit retrouver les qualités et les performances des anciens. Pour réussir sur un marché, un constructeur doit y bénéficier d’une image crédible, fruit de sa culture et donc de son histoire.
Ainsi, Renault a une image d’innovateur, en particulier dans certains domaines : l’easy-entry (condamnation enfant, serrures électromagnétiques, carte « mains-libres »), l’ergonomie aussi bien dans la simplicité des interfaces que les équipements facilitant l’usage (cruise-control, navigation, pare-brise athermique, frein de parking automatique), le confort statique et dynamique (la R16 était prescrite par des médecins pour des clients lombalgiques), la sécurité, les véhicules bon marché et frugaux, et enfin les architectures performantes.
Renault Scénic est le premier monospace compact et a créé un nouveau segment de marché. © DINGO
Destinée à l’origine aux marchés émergents, Logan s’est imposée sur tous les continents et reste aujourd’hui sans réelle concurrence. © TRAMINO