Des hybrides de Paulownias ayant atteint la taille de 5 m en seulement 6 mois de croissance.

Quand les arbres deviennent un actif financier tangible au service de la lutte contre le changement climatique

Dossier : Vie des entreprises, FintechMagazine N°798 Octobre 2024
Par Daniel DOS SANTOS

Avec Tree­si­tion, Daniel Dos San­tos a déve­lop­pé un modèle qui donne la pos­si­bi­li­té aux par­ti­cu­liers et aux entre­prises de ren­ta­bi­li­ser éco­no­mi­que­ment leur enga­ge­ment éco­lo­gique. Dans cet entre­tien, le CEO de cette jeune pousse fran­çaise revient sur la genèse de son entre­prise, son modèle, son offre et ses pers­pec­tives de développement.

La genèse de Treesition s’inscrit dans un constat personnel et la volonté d’apporter des solutions concrètes pour accélérer les transitions actuelles et lutter contre le réchauffement climatique. Qu’en est-il ? 

Au cours des der­nières années, la lutte contre le chan­ge­ment cli­ma­tique a essen­tiel­le­ment été appré­hen­dée au tra­vers d’une approche puni­tive qui incite notam­ment à réduire ses dépla­ce­ments en voi­ture ou à ne plus prendre l’avion pour voya­ger… Entre­pre­neur et consul­tant dans le domaine phar­ma­ceu­tique, je me déplace beau­coup dans le cadre de ma vie pro­fes­sion­nelle. Je suis éga­le­ment très sen­sible à ces enjeux. Avec Tree­si­tion, j’ai ain­si sou­hai­té inver­ser cette ten­dance en trans­for­mant l’acte éco­lo­gique en une action ren­table et contri­buer à mon niveau à la construc­tion d’un monde plus durable !

Concrètement, qu’est-ce que Treesition ?

Au cœur de notre modèle, on retrouve les arbres. Tree­si­tion pro­meut en effet l’agroforesterie qui est lar­ge­ment plé­bis­ci­tée par le GIEC, car il est prou­vé que plan­ter des arbres sur des par­celles agri­coles per­met de sta­bi­li­ser les sols, d’améliorer les cycles de l’eau et de fixer le CO₂.

Néan­moins, dans ce domaine, Tree­si­tion fran­chit un cap sup­plé­men­taire en trans­for­mant ces arbres en pro­duit finan­cier. Concrè­te­ment, Tree­si­tion s’assure que les arbres arrivent à matu­ri­té et valo­rise leur bois en fin de cycle. À par­tir de là, une par­tie des reve­nus géné­rés par la vente du bois est dis­tri­buée au pro­prié­taire de l’arbre et l’agriculteur.

Tree­si­tion trans­forme donc les arbres en un pro­duit finan­cier tan­gible et donne la pos­si­bi­li­té aux épar­gnants et inves­tis­seurs de suivre l’évolution de leur arbre, son impact éco­lo­gique, son ren­de­ment… Cette trans­pa­rence démontre par ailleurs qu’il ne s’agit pas d’une opé­ra­tion qui pour­rait être assi­mi­lée à du greenwashing !

En paral­lèle, en contri­buant au déve­lop­pe­ment de l’agroforesterie en France, Tree­si­tion apporte aus­si une alter­na­tive ver­tueuse afin de réduire les impor­ta­tions natio­nales de bois. La France impor­tant actuel­le­ment plus de 50 % de ses besoins en bois de l’étranger.

Enfin, Tree­si­tion pro­pose des ren­de­ments pou­vant atteindre jusqu’à 10 % par an, ain­si qu’une réelle contri­bu­tion éco­lo­gique et sociale aux défis que repré­sente la tran­si­tion éco­lo­gique, envi­ron­ne­men­tale et climatique.

Vous accordez une attention toute particulière au choix des arbres que vous plantez. Pourquoi ? 

Au fil des mil­lé­naires, notre pla­nète a tra­ver­sé des périodes gla­ciaires, durant les­quelles il a fait plus froid, et inter­gla­ciaires, durant les­quelles la pla­nète s’est plu­tôt réchauf­fée. Aujourd’hui, nous vivons une période inter­gla­ciaire avec un chan­ge­ment cli­ma­tique irré­mé­diable. Pour faire face à cet enjeu, nous devons capi­ta­li­ser sur les capa­ci­tés de rési­lience de la pla­nète, et plus par­ti­cu­liè­re­ment sur les arbres, qui sont à l’origine de la pho­to­syn­thèse qui per­met de trans­for­mer l’énergie du soleil en plantes, en fruits, en feuilles… En Europe, nous avons des arbres qui font une pho­to­syn­thèse dite de type C3 et qui sont com­pa­tibles avec un envi­ron­ne­ment, où la tem­pé­ra­ture ne dépasse pas 25°. La hausse des tem­pé­ra­tures due au chan­ge­ment cli­ma­tique impacte donc for­te­ment leur fonc­tion­ne­ment. Cette réa­li­té se tra­duit notam­ment par une perte moyenne de 10 % des sur­faces de nos forêts chaque année.

Fort de ces constats, notre choix, chez Tree­si­tion, s’est arrê­té sur le Pau­low­nia, un arbre qui fait de la pho­to­syn­thèse de type C4 et qui peut se déve­lop­per dans un envi­ron­ne­ment où la tem­pé­ra­ture est com­prise entre 25 et 35°. Le Pau­low­nia pro­duit, par ailleurs, du bois de qua­li­té en une décen­nie, alors que les cycles de l’économie du bois varient de 20 à 25 ans pour des arbres comme les peu­pliers, de 40 à 45 ans pour des arbres rési­neux du type Dou­glas, et s’étendent même sur 100 ans pour les chênes !

Quelles sont les autres caractéristiques du modèle de Treesition ? 

Chaque per­sonne qui acquiert un de nos arbres se voit remettre un cer­ti­fi­cat de pro­prié­té. Sur une durée maxi­male de 10 ans, Tree­si­tion prend en charge l’arbre pen­dant sa crois­sance. Depuis une pla­te­forme dédiée, les pro­prié­taires vont pou­voir suivre les per­for­mances de leur arbre : volume d’oxygène géné­ré et de CO₂ absor­bé, volume de bois, valeur sur le mar­ché.… L’objectif est ain­si de rendre leur inves­tis­se­ment le plus concret pos­sible. Au-delà, cette approche vient aus­si répondre à une demande socié­tale forte alors que 76 % des Fran­çais veulent inves­tir dans des pro­jets por­teurs de sens.

Le bois pro­ve­nant des arbres est ensuite dis­tri­bué sur le mar­ché de la construc­tion (planches, poutres…), de l’ameublement, et du bois éner­gie. Comme pré­cé­dem­ment men­tion­né, les reve­nus sont répar­tis entre l’ensemble des par­ties pre­nantes. Dans ce sché­ma, Tree­si­tion est rému­né­ré sur une moyenne de 50 % de la valo­ri­sa­tion du bois.

Avec ce sys­tème de redis­tri­bu­tion de la valeur, Tree­si­tion crée une véri­table boucle cir­cu­laire qui implique les agri­cul­teurs qui vont géné­rer des reve­nus com­plé­men­taires, mais éga­le­ment béné­fi­cier des effets béné­fiques de l’agroforesterie notam­ment en termes de ren­for­ce­ment de la rési­lience de leurs terres ; les ges­tion­naires de patri­moine qui dis­tri­buent notre offre et qui vont com­bi­ner la dimen­sion finan­cière et RSE ; et, enfin, les entre­prises et les Fran­çais qui veulent appor­ter leur pierre à l’édifice en matière de lutte contre le réchauf­fe­ment cli­ma­tique et de tran­si­tion environnementale.

Justement, quels sont les investissements que vous proposez aux épargnants ? 

Aujourd’hui, nous pro­po­sons trois offres autour du Paulownia :

  • Sere­ni­tree, est un inves­tis­se­ment basé sur la pro­duc­tion du bois sur une durée de 10 ans. C’est aus­si un inves­tis­se­ment plus inté­res­sant que le livret A avec un ren­de­ment à 3,4 % et un impact social et envi­ron­ne­men­tal avé­ré. Cette option offre un juste équi­libre entre le risque et le rendement ;
  • Liber­tree est un inves­tis­se­ment éga­le­ment basé sur la pro­duc­tion de bois sur une durée de 10 ans, mais avec des pers­pec­tives de ren­de­ment et des risques plus élevés ;
  • Tree­ner­gy est un inves­tis­se­ment basé sur la pro­duc­tion du bois éner­gie avec un ren­de­ment d’une durée de 5 ans.

À par­tir du mois d’octobre, nous lan­çons le pied de vigne avec un gain annuel lié à la pro­duc­tion de rai­sins. Enfin, nous explo­rons de nou­velles pistes afin d’étoffer notre offre. Dans ce cadre, nous nous inté­res­sons notam­ment à des arbres à bois « clas­siques », comme le peu­plier, qui sont moins ren­tables éco­no­mi­que­ment, mais néces­saires au main­tien de l’équilibre de nos écosystèmes.

Qu’en est-il au niveau des agriculteurs ?

Nous pro­po­sons trois offres aux agri­cul­teurs. Ils peuvent mettre à dis­po­si­tion une par­celle agri­cole inex­ploi­tée en contre­par­tie d’un gain d’environ 20 000 euros par hec­tare et par décen­nie. Si en plus, ils assurent la sur­veillance de la par­celle, ils vont pou­voir géné­rer un reve­nu de près de 30 000 euros par hec­tare et par décen­nie. Enfin, s’ils ont un rôle actif et contri­buent au déve­lop­pe­ment de la par­celle, des arbres et de notre modèle, ils peuvent obte­nir jusqu’à 70 000 euros par hec­tare et par décennie.

Aujourd’hui, nous avons notam­ment un par­te­na­riat avec le vignoble Châ­teau Labas­tide Orliac, qui est for­te­ment expo­sé aux effets du chan­ge­ment cli­ma­tique et qui grâce à l’agroforesterie déve­loppe sa rési­lience… À date, nous avons une cen­taine de dos­siers de nou­veaux agri­cul­teurs en cours d’étude et nous sommes en recherche active de nou­veaux par­te­naires pour étendre les sur­faces exploi­tables. D’ici fin 2025, notre objec­tif est de plan­ter 150 000 arbres. À ce jour, nous en avons déjà plan­té 15 000.

Qu’en est-il de la distribution de vos offres ?

Nos solu­tions sont dis­tri­buées par des ges­tion­naires de patri­moine à qui nous rever­sons 10 % de l’acquisition. Nous tra­vaillons notam­ment avec Shan­sa, Swiss Finance, Maxi­mum Value… D’ici la fin de l’année, notre objec­tif est de nouer des par­te­na­riats avec des acteurs ban­caires afin de dis­tri­buer nos solu­tions en marque blanche, notamment. 

Aujourd’hui, comment vous projetez-vous sur le marché ? 

Il y a une réelle demande pour des solu­tions d’investissement éco­lo­gique comme les nôtres. Nous avons d’ores et déjà des par­te­na­riats avec de nom­breuses entre­prises qui sous­crivent à nos offres pour com­pen­ser leur empreinte car­bone, avoir un impact social et/ou déve­lop­per leur marque employeur. C’est notam­ment le cas d’Oxygen, qui nous accom­pagne, par ailleurs, sur le volet rela­tion de presse, ou encore de Pro­mo­tion Group, un acteur de l’horlogerie de luxe. On peut aus­si citer Iron­bo­dy­fit, qui pro­pose une solu­tion d’électrostimulation et qui, pour chaque séance d’essai réser­vée par un nou­veau client, s’est enga­gé à plan­ter 3 arbres ! 

En paral­lèle, le sec­teur ban­caire com­mence à s’intéresser à nos offres. Enfin, au lan­ce­ment de Tree­si­tion, en 2022, nous avions réa­li­sé 10 000 euros de reve­nus, puis 108 000 euros en 2023. En 2024, nous avons déjà géné­ré 800 000 euros. Notre déve­lop­pe­ment s’inscrit donc dans une courbe d’hyper-croissance. Notre ambi­tion est de main­te­nir cette dyna­mique sur ce mar­ché qui va for­te­ment croître sur les pro­chaines années. Notre prin­ci­pal défi est donc de pas­ser à l’échelle, mais aus­si de diver­si­fier notre offre pour gagner en cré­di­bi­li­té et visibilité.

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