Quand vient l’automne / L’Histoire de Souleymane / All we imagine as light / Tatami / Les graines du figuier sauvage
Huit candidats ce mois-ci. Écarter le Megalopolis de Francis F. Coppola, boursouflure affligeante, était un devoir. Si l’on aime Agnès Jaoui jusqu’à l’indigestion, on pourra s’accorder Ma vie, ma gueule de Sophie Fillières. Si le côté potache de Julie Delpy ne déplaît pas, Les Barbares pourront constituer un divertissement non dépourvu de quelques leçons utiles. Et puis on a sauvé ci-après (de justesse) François Ozon pour l’adjoindre à quatre bons films.
Quand vient l’automne
Réalisateur : François Ozon – 1 h 42
Pas emballant mais pas indigne. En fait, c’est l’intrigue policière sous-jacente qui retient progressivement l’intérêt. Les mises en place sont assez ennuyeuses, avant qu’on ne soit accroché par la question de la montée puis du dévoilement (ou pas) du fil policier. La dimension psychologique, présente, n’est pas très convaincante, les « vedettes » (Hélène Vincent et Josiane Balasko) font le job, sans attacher. Pierre Lottin dans son rôle habituel d’énervé (plus retenu, ici) est très bien. Très bien aussi, Sophie Guillemin en enquêtrice. La trame scénaristique capte l’attention mais l’ensemble, s’il fonctionne, est un peu juste.
L’Histoire de Souleymane
Réalisateur : Boris Lojkine – 1 h 33
Un docu-fiction formi-dable. Attachant et merveilleux Souleymane (émouvant Abou Sangare). Sans doute, l’accumulation « d’emmerdes » sur un type qui incarne tant de qualités humaines frôle le too much, mais ce parcours de migrant sans papiers éclaire bien, sous toutes leurs tristes facettes et sans doute avec d’autant plus de force que le trait, lucide et acéré, ne va pas jusqu’au caricatural, les difficultés additionnées d’une insertion pour laquelle, à la fin du film, on croise les doigts tant est grande la sympathie qu’a su nous inspirer le requérant. Avec le sentiment que le pays s’enrichirait de ce citoyen supplémentaire. Un plaidoyer, en somme, pour plus d’humanité. Avec des torts assez judicieusement partagés. Indiscutablement à voir.
All we imagine as light
Réalisatrice : Payal Kapadia – 1 h 58
Lent, attentif, d’un certain fatalisme apaisé qui n’a pas totalement renoncé à chercher des issues mais accepte sans démonstration les blocages. Faut-il dans l’« imagine » du titre lire un espoir ou une illusion ? L’ennui côtoie l’intérêt étonné devant ces femmes qui cheminent si difficilement, parfois si tristement, toutes dignement, le long de destins empêchés, jamais pleins, malgré tout acceptés dans leurs bonheurs seulement esquissés. Des vies qui se vivent mais qu’on n’envie pas. Tous les acteurs sont dans la retenue, et bons.
Tatami
Réalisateurs : Zar Amir Ebrahimi, Guy Nattiv – 1 h 43
Impressionnant. L’austérité du noir et blanc intensifie la tension constante. Une compétition de judo pervertie par les exigences du régime théocratique iranien. La résistance obstinée d’une championne. Un casting entièrement féminin et des actrices formidables. On suit avec fascination le développement inéluctable d’un conflit où l’ambition personnelle – et à sa façon patriotique – se heurte aux aberrations idéologiques d’un pouvoir oppresseur, absurde et monstrueux. C’est éclairant et magnifique d’humanité et de rigueur. Une leçon d’indocilité courageuse et impeccable. Avec les terribles limites de la révolte individuelle.
Les graines du figuier sauvage
Réalisateur : Mohammad Rasoulof – 2 h 46
Pendant deux heures, on regarde un film intensé-ment politique et formidablement réussi sur l’accablante situation faite au peuple iranien par sa théocratie. On en prend conscience à travers le portrait équilibré, subtil, de la détérioration progressive d’une famille. Le père est un fonctionnaire zélé du régime qui voit son aveuglement ébranlé tandis que les deux filles, respectu-euses mais traversées par le besoin de liberté de la jeunesse, peinent à rester sous le joug des pouvoirs (politique, familial) et ouvrent les yeux. Au milieu, déchirée, la mère tente l’équilibre. Oui, deux heures de réussite complète qui rendent indispensable ce film. Mais il y a un mais. Le choix de faire basculer le récit pour les dernières 30 ou 40 minutes dans le thriller intrafamilial exacerbé dénature soudain le propos initial, et la juste dénonciation d’un régime monstrueux s’efface derrière la paranoïa dans laquelle sombre le père de famille, pour ne plus nous livrer que le spectacle d’un homme à bout soumettant femme et enfants à sa folie, jusqu’à sa propre perte. Il y a là un dérapage qui n’enlève rien à la puissante démonstration des deux premières heures mais qui, en faisant sortir le film de ses rails, en égare malgré tout la fin. Acteurs formidables.