Quandela, quand le quantique rencontre le HPC…
Le quantique est désormais une réalité. Sur ce secteur en plein développement, on retrouve la pépite technologique française, Quandela, créée il y a cinq ans et qui propose des produits et une plateforme de calcul quantique uniques. Passionnés par leur métier et mariés dans la vie, Pascale Senellart (X93), cofondatrice de la start-up, et Jean Senellart (X92), Chief Product Officer, répondent à nos questions dans cet entretien croisé sur l’évolution du HPC et du quantique, le positionnement de la start-up, ses solutions et ses vecteurs de différenciation sur un marché en plein essor.
Quel regard portez-vous sur l’évolution du secteur du HPC et du quantique ?
Aujourd’hui, le quantique est une réalité qui dépasse l’étape de démonstration en laboratoire. Le récent Prix Nobel attribué notamment à Alain Aspect en est la plus récente illustration. Le monde du quantique se mobilise actuellement sur la fabrication d’ordinateurs quantiques, une étape stratégique qui nécessite la combinaison de l’expertise d’ingénieurs, de physiciens, d’informaticiens et de théoriciens.
Les premières applications commencent à émerger et le potentiel d’accélération du quantique est de plus en plus mesurable. D’autre part, l’approche classique du calcul atteint ses limites, notamment en termes de consommation énergétique. Il est évident qu’il n’est plus possible d’augmenter les puissances de calcul de manière classique. Forts de ces constats, le quantique offre une alternative intéressante avec un ordinateur quantique qui a vocation à résoudre efficacement certains problèmes réputés difficiles.
Nous sommes à une étape charnière et il est essentiel aujourd’hui de combiner le monde du HPC et celui du quantique en combinant la maturité du premier à la puissance du second.
Dans ce cadre, comment vous positionnez-vous ?
Quandela a vu le jour en 2017. C’est une start-up issue du CNRS et dont les travaux sont basés sur une technologie unique qui permet de produire des qubits quantiques photoniques de la manière la plus efficace existante aussi bien sur le plan académique qu’industriel. Au départ, Quandela s’est développée comme une société de production de hardware pour les qubits photoniques. Depuis deux ans, elle a fait évoluer son positionnement et mobilise ses moyens et ressources au service de la conception et de la fabrication de machines de calcul quantique. Les premiers processeurs quantiques manipulant jusqu’à 6 qubits sont déjà disponibles sur le cloud.
Actuellement, Quandela compte une soixantaine de collaborateurs. Elle est « full stack » et couvre ingénieurs et chercheurs en semi-conducteurs, optique, informatique, algorithmique, électronique, toutes les compétences essentielles pour rendre cette technologie accessibles sur le cloud.
Nous opérons, par ailleurs, sur un marché émergent où il faut, en plus, réaliser un travail de vulgarisation et de pédagogie auprès des acteurs du calcul haute performance classique afin de les amener vers ces nouvelles technologies.
Quelles sont les principales caractéristiques et fonctionnalités de votre plateforme de calcul quantique ?
Notre plateforme est basée sur une approche photonique, qui a, d’ailleurs, été mise en lumière par le dernier Prix Nobel en date. Le support de l’information quantique est porté par le photon et le calcul quantique s’opère au travers de l’intrication de ces photons. C’est le cœur même de notre technologie. Aujourd’hui, nos produits sont commercialisés dans le monde entier et utilisés par des clients pour faire leurs calculs quantiques. Pour ce faire, nous allions le meilleur de la technologie des semi-conducteurs, de la physique atomique et de l’optique quantique avec les protocoles de calcul que nous avons développés en interne.
Notre plateforme a aussi la particularité d’être modulaire ce qui va permettre des mises à jour continuelles des performances des calculateurs. En effet, au fil des évolutions et des avancées technologiques, nos clients pourront en bénéficier sans avoir à changer complètement de machines et ainsi pour des investissements complémentaires réduits.
Travailler avec des photons permet enfin de multiplier la puissance des ordinateurs en connectant plusieurs ordinateurs quantiques par fibre optique pour faire du calcul de manière distribuée.
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À quels problématiques et besoins permet-elle de répondre ?
Une première application qui repose sur deux qubits seulement est la génération de nombres aléatoires certifiée quantiquement. Il s’agit d’un usage généralement utilisé pour des questions de sécurité ou de cryptographie. Pour ces cas d’usages, Quandela propose Entropy, une solution qui permet de faire de la génération de nombres aléatoires certifiée par les lois du quantique. L’approche photonique diffère également de l’approche « gate-based » suivie par les autres technologies quantiques et est particulièrement adaptée au développement du machine learning quantique de par la taille de l’espace considéré (appelé l’espace de Fock).
Quels sont les enjeux auxquels vous êtes confrontés aujourd’hui ?
Le premier enjeu est technologique. Nous devons encore fournir un important travail d’optimisation au niveau des processus de fabrication et d’intégration de manière à réduire les imperfections et les pertes de photons qui sont le support de l’information quantique. Le second enjeu est humain. Le secteur doit attirer plus de talents avec des profils divers.
En parallèle, il est aussi important de développer les formations pour former ces compétences et attirer des profils variés qui ne se prédestinaient pas forcément au monde du quantique. Enfin, il y a actuellement une course aux investissements entre les différents pays pour développer l’ordinateur quantique. Pour la France, plus particulièrement, c’est aussi un enjeu de souveraineté technologique.
Comment voyez-vous votre entreprise évoluer au cours de la prochaine décennie ?
Dans la course à l’ordinateur quantique, Quandela a opté pour une démarche pragmatique qui s’appuie sur la mise en place de petits calculateurs avec des capacités qui ont vocation à augmenter progressivement et dans la durée. En parallèle, nous nous sommes positionnés sur une technologie unique basée sur les photons. Parce que notre ordinateur s’appuie sur une particule sans charge ni masse, par définition, il n’est pas exposé à la décohérence qui est la limitation à maintenir un état quantique des autres plateformes. Nous utilisons ainsi la particule physique la mieux adaptée ce qui offre à Quandela une avance, mais également de belles perspectives de développement pour la mise en réseau d’ordinateurs quantiques au sein de HPC.
En bref
Quandela est une entreprise experte dans la fabrication de composants pour la photonique quantique. La start-up a été fondée en 2017 par Pascale Senellart, directrice de recherche au centre de nanosciences et de nanotechnologies du CNRS et de l’Université Paris-Saclay, Valérian Giesz, ingénieur et docteur en optique quantique, et Niccolo Somaschi, docteur en nanotechnologies semi-conductrices. La pépite technologique française se concentre sur le développement d’un ordinateur quantique photonique. Allant dans ce sens, elle a dévoilé dans le courant de l’année 2020 Prometheus, le premier générateur de qubits photoniques commercial au monde et arrive sur le cloud et commercialisé en 2022 et MOSAIQ, le premier ordinateur photonique de la taille d’une baie informatique.