Quelle compliance pour un opérateur télécom ?
Le domaine des télécommunications a été impliqué ces dernières années dans des affaires de corruption qui ont défrayé la chronique à plusieurs reprises. À ce titre, des acteurs majeurs du domaine, opérateurs comme équipementiers, ont été lourdement sanctionnés par les autorités judiciaires, généralement américaines. Comment Orange, opérateur historique qui s’est déployé avec succès à l’international, y compris dans des pays où la corruption est, bien malheureusement, largement présente, se prémunit-il contre ce risque croissant ?
Ces risques sont nombreux pour une entreprise internationale cotée en Bourse : outre les éventuelles sanctions civiles et pénales pour l’entreprise et pour les employés ou dirigeants impliqués, la publication d’allégations de corruption à l’encontre d’une entreprise peut affaiblir son cours de Bourse, déstabiliser son management, fragiliser la stratégie et l’entreprise elle-même qui peut alors devenir une cible attractive pour ses concurrents. De plus, la réputation de l’entreprise peut être profondément impactée avec des conséquences majeures tant vis-à-vis de ses propres salariés (réduisant également sa capacité à recruter les talents de demain) que vis-à-vis de ses clients, notamment sur le marché grand public.
Orange s’appuie sur un programme d’éthique des affaires et de compliance, comme on dit en franglais pour conformité, pour relever le défi de la prévention de la corruption. Ce programme trouve son origine dans une charte de déontologie dont la première version date de 2003. Il s’est progressivement renforcé et est maintenant structuré en différentes étapes qui sont les ingrédients incontournables d’un programme de compliance robuste.
REPÈRES
France Télécom devenu plus tard Orange a commencé son expansion internationale à partir de la seconde moitié des années 90 : Orange a créé ou racheté des opérateurs en Europe et en Afrique puis, avec le rachat d’Equant réalisé afin d’accompagner le développement international de ses clients B2B, Orange s’est également développé en Amérique, du Nord au Sud, en Asie et en Océanie. Orange est aujourd’hui présent sur les cinq continents, actif dans plus de 150 pays et donc dans des endroits où la corruption est, ainsi que le montre « l’indice de perception de la corruption » publié annuellement par l’ONG Transparency International, un défi majeur.
Les cinq ingrédients d’une contribution positive à l’éthique des affaires
La lutte contre la corruption, c’est d’abord la volonté claire et l’engagement affirmé fortement et sans relâche par le management, du sommet de l’entreprise jusqu’au management de proximité, d’une tolérance zéro à la corruption : ce message doit être sincère et crédible. Il doit être conforté, dans la durée, par les actes et les pratiques quotidiennes de tous dans l’entreprise ; encore plus qu’ailleurs l’éthique et la lutte contre la corruption se construisent par l’exemple, et d’abord par celui qui vient d’en haut.
Second ingrédient, la connaissance et l’analyse des risques de corruption. Ceux-ci dépendent bien sûr des pays mais également des activités qu’on mène. Orange a ainsi fait le choix de ne pas opérer dans certains pays et même d’en quitter certains, lorsque nous estimions ne pas pouvoir y mener nos activités conformément à nos standards de compliance. Cette analyse commence par l’identification des domaines d’activité les plus à risque de corruption, par exemple le renouvellement de la licence et la cession des fréquences associées qui représentent la matière première des opérateurs télécoms, la vente de services télécoms aux entreprises et aux institutions publiques, ainsi que les activités opérationnelles où l’on est en relation avec les autorités (douanes, régulateur, administrations).
Elle se poursuit par l’identification des risques associés à ces différentes activités en fonction du contexte local, à la détermination de leur probabilité d’occurrence et de leur impact potentiel sur l’entreprise, et enfin à leur hiérarchisation. Des plans d’action visant à déployer des procédures opérationnelles et des contrôles adéquats permettant de réduire la probabilité d’occurrence et, si possible, de limiter les impacts de ces risques sont mis en œuvre afin de nous assurer que nous ne contribuons pas à cette corruption qui, parfois, gangrène certains pays où nous sommes présents.
“Le message de la tolérance zéro doit être sincère et crédible.”
Les briques de base de la prévention de la corruption
Troisième ingrédient, les briques, parmi lesquelles les premières sont les politiques et les principes qu’Orange entend faire appliquer par tous, dirigeants, managers et salariés, ainsi que par ses partenaires et tous ceux qui agissent pour l’entreprise ou en son nom (politique anticorruption, politique relative aux cadeaux et invitations, au mécénat, au sponsoring…). Les suivantes, ce sont les procédures qui permettent de décliner localement ces politiques et ces principes (procédures d’évaluation des tiers, de prévention des conflits d’intérêts…) et les outils qui permettent de rendre opérationnelles localement ces politiques et procédures (dispositif d’alerte éthique, outil de déclaration des cadeaux et invitations, méthodologie et outil d’évaluation des tiers…). Enfin, les dernières briques sont les procédures de contrôle (contrôles internes, audits et investigations en cas d’alerte motivée et sérieuse) afin d’assurer que le dispositif est en place et en mesure de traiter efficacement les inévitables fraudes, manquements ou incidents.
La formation et la gouvernance
La sensibilisation de l’ensemble des salariés et la formation des personnes les plus exposées au risque de corruption sont le quatrième ingrédient. Transparency International nous apprend qu’il n’y a aucun pays qui soit exempt de corruption, c’est pourquoi tous dans l’entreprise doivent être sensibilisés à ce risque.
Celui-ci dépend bien évidemment des pays mais également de l’activité de chacun : les agents « exposés aux risques de corruption et de trafic d’influence » sont identifiés dans chaque organisation (par exemple ceux en relation avec certains acteurs publics, ceux qui détiennent des postes actifs, décisionnels ou de prescription dans les domaines des achats ou de la vente, mais aussi les manageurs…) afin de recevoir une formation spécifique à la prévention et à la lutte contre la corruption : c’est le cas chez Orange où plus de 40 000 salariés ont suivi durant les dix-huit derniers mois une formation en ligne dédiée à l’anticorruption.
Cinquième et dernier ingrédient, la gouvernance et le suivi du déploiement opérationnel effectif. Il est essentiel de s’assurer que le programme de compliance ne soit pas qu’un « dossier papier » au siège du groupe mais qu’il soit effectivement déployé et mis en œuvre sur le terrain, dans chaque pays, dans chaque entité : c’est la mission des chief compliance officers, nommés par chaque directeur exécutif, et de chacun de leur propre réseau de compliance officers, nommés au plus près de l’organisation. C’est à eux qu’il revient de superviser le déploiement des différents ingrédients de notre programme dans l’ensemble des entités de leur périmètre, sous la supervision des instances de gouvernance du groupe (comité de déontologie groupe, comité exécutif et comité du conseil d’administration).
“Il n’y a aucun pays qui soit exempt de corruption.”
L’impact du contexte réglementaire et notamment de la loi Sapin 2
Orange, entreprise cotée à Paris et New York, avec des activités au Royaume-Uni et sur tous les continents, est de ce fait soumise au Foreign Corrupt Practices Act américain, au UK Bribery Act, ainsi qu’aux nombreuses lois anticorruption de chaque pays dans lequel elle opère. Notre programme doit bien évidemment intégrer leurs éventuelles spécificités, en particulier celles de la loi française dite Sapin 2 dont la promulgation en décembre 2016 a eu un impact extrêmement positif à plusieurs titres.
Cette loi a rendu encore plus évidente l’importance de la lutte contre la corruption. Avant la loi Sapin 2, le risque pour les entreprises françaises provenait essentiellement de la portée extraterritoriale des lois américaines et britanniques. Cela a pu paraître, bien à tort comme l’ont montré les très lourdes sanctions ayant touché plusieurs groupes français, un risque lointain pour leurs salariés et leurs dirigeants. Pour ce qui concerne Orange, tous nos salariés, quels que soient les pays où ils travaillent, savent que nous sommes un groupe français, pleinement soumis à la loi française. Psychologiquement, cela a eu un impact puissant et positif.
L’article 17 de la loi française
De plus, l’article 17 de la loi Sapin 2 impose la mise en œuvre de huit mesures de prévention et de détection de la corruption et du trafic d’influence. Ces mesures ne nous ont pas surpris car elles trouvent leur origine dans l’esprit des lois américaines et britanniques à partir desquelles nous avions bâti notre programme. La loi Sapin nous a cependant donné l’occasion de revisiter l’ensemble de notre programme afin de nous assurer, le diable étant dans les détails, que nous étions bien conformes à l’ensemble de ses exigences dont certaines lui sont spécifiques.
Nous avons donc mené un travail de revue et d’identification des éventuels écarts qui a donné lieu à différents plans d’action au niveau du groupe, tels que la mise à jour de notre politique anticorruption, mais aussi au niveau local avec par exemple la déclinaison de cette politique dans nos différents pays et son inclusion dans les règlements intérieurs des entités françaises. Étant présents dans de nombreux pays, notre programme doit être robuste partout, pour tous, y compris dans des géographies éloignées : c’est un travail permanent pour lequel il nous faut sans cesse remettre l’ouvrage sur le métier !
Bâtir un avantage compétitif
Je voudrais pour conclure rappeler un point dont je suis profondément convaincu, c’est qu’une entreprise qui met en place un programme robuste d’éthique des affaires se bâtit un avantage compétitif qui sera de plus en plus décisif et différenciant. Cela commence déjà à être le cas pour l’accès au financement avec des exigences éthiques et environnementales croissantes, mais aussi pour le business lui-même avec un nombre croissant d’appels d’offres demandant au fournisseur de démontrer l’existence et la qualité de son programme de conformité : ces exigences sont loin d’être une figure de style et ont déjà pu, à plusieurs reprises, faire la différence face à des concurrents dont les règles éthiques ne sont probablement pas appliquées avec la même exigence.
Références :
https://www.zdnet.fr/actualites/huawei-et-zte-condamnes-pour-corruption-en-algerie-39772672.htm
https://fcpablog.com/2010/12/28/alcatel-lucent-settles-bribery-case/
https://www.justice.gov/opa/pr/telia-company-ab-and-its-uzbek-subsidiary-enter-global-foreign-bribery-resolution-more-965
https://www.justice.gov/opa/pr/ericsson-agrees-pay-over-1-billion-resolve-fcpa-case
https://www.justice.gov/opa/pr/vimpelcom-limited-and-unitel-llc-enter-global-foreign-bribery-resolution-more-795-million
https://fcpablog.com/2019/03/06/russian-telecom-pays-850-million-to-resolve-fcpa-offenses/
https://www.transparency.org/fr/cpi/2019
Orange en Afrique
Le déploiement international d’Orange dans toutes les zones géographiques doit tendre au respect des meilleurs standards en matière d’éthique des affaires. L’engagement d’Orange pour le numérique en Afrique est ancien et durable : l’entreprise, opérateur multiservice, y est présente depuis plus de vingt ans et est aujourd’hui active dans 17 pays où plus de 18 000 collaborateurs y servent plus de 120 millions de clients.
Orange est un acteur clef de la transformation numérique du continent, bien au-delà des seuls services de téléphonie mobile et d’accès à Internet. Avec un milliard d’euros investi chaque année, la société développe la connectivité numérique de l’Afrique avec, par exemple, Orange Marine et sa flotte de navires câbliers qui assurent le déploiement et la maintenance de câbles sous-marins qui relient l’Afrique au réseau mondial, en construisant les infrastructures de réseau permettant de relever le défi de la couverture des zones rurales ou encore en assurant le déploiement de la fibre optique à destination du grand public, commencé dès 2018 à Dakar et à Abidjan.
Numérique et éducation
Orange soutient également l’innovation dans les services numériques : d’une part, en déployant ses propres services innovants tels qu’Orange Money qui permet à ses clients de déposer ou de retirer de l’argent liquide, d’effectuer des transferts d’argent, de payer leurs factures depuis leur téléphone ou encore d’obtenir un microcrédit pour développer leur activité ; d’autre part, en soutenant les écosystèmes entrepreneuriaux en Afrique avec ses propres centres d’innovation mais aussi par le biais d’incubateurs cofondés par Orange au Sénégal, au Mali et en Guinée et avec plus de 50 millions d’euros engagés par Orange Digital Ventures pour soutenir des projets innovants.
Enfin, la Fondation Orange agit au quotidien pour favoriser l’apprentissage et l’accès à l’éducation, via le numérique notamment, ainsi que l’accès aux soins dans des zones rurales d’Afrique. La Fondation Orange a en particulier apporté son aide matérielle ainsi que son expertise lors de la crise sanitaire Covid-19 dans les différents pays d’Afrique
où Orange est présent.