Quelques réflexions sur l’avenir énergétique mondial au XXIè siècle
Contexte général, pertinence de la démarche
La croissance de la consommation mondiale d’énergie, essentiellement dans les Pays non OCDE (80% de la population mondiale), soulève de multiples préoccupations qui conduisent à des efforts de recherche tous azimuts.
Trois considérations majeures, bien qu’environnées d’incertitudes pour 2 d’entre elles, fondent ces préoccupations :
1) l’épuisement progressif, incertain quant à l’échéance, des ressources planétaires de pétrole et de gaz naturel à l’horizon de quelques décennies ;
2) l’impact des Gaz à Effet de Serre (G.E.S : principalement CO2, mais aussi méthane CH4) sur notre avenir climatique, bien connu dans son mécanisme mais incertain quant à l’échéance (c’est peut-être commencé) et quant à la nature et à la sévérité des conséquences : on peut les craindre catastrophiques voire cataclysmiques ;
3) la réticence, bien réelle celle-là, des sociétés mondiales vis-à-vis des changements de comportements et, notamment, vis à vis de l’énergie nucléaire. Cette réticence sociétale est confortée par le manque de courage des gouvernants.
Le panorama énergétique du futur lointain, mi xxie et orée du xxiie siècle, dépendra du comportement des hommes et de l’issue des recherches entreprises dans la majorité des pays de l’OCDE, en particulier aux USA, au Japon, en France et au Royaume Uni : aboutiront-elles ? Quand aboutiront-elles et quels résultats, techniques et économiques, donneront-elles ?
Les actuels domaines de la Recherche & Développement (R & D) en matière énergétique sont multiples.
Pétrole et gaz naturel : grâce à l’évolution des techniques (offshore et exploitation des pétroles non conventionnels) on en trouvera de nouvelles ressources ; combien ? À quel prix saura-t-on les exploiter, c’est-à-dire les transformer en réserves ? La question ne se pose pas pour le charbon, bien réparti géographiquement et abondant même si certaines des ressources charbonnières sont inexploitables pour des raisons de mauvaises qualités ou de difficultés minières.
Hydrates de gaz (CH4), ils sont formidablement abondants mais :
1) dangereux (libération de CH4 d’où effet de serre intense) ;
2) très dispersés d’où exploitation extrêmement problématique et coûteuse ; CH4 → CO2 = GES à moins que ne soient maîtrisées la captation et la séquestration du carbone.
Réacteurs nucléaires du futur (4e génération, G IV) : quand sera atteint, et à quel prix, l’objectif d’en faire des outils quasiment sans déchets (ou si peu : les seuls produits de fission (PF) à vie pas très longue), non proliférants, encore plus sûrs et plus propres que les réacteurs actuels (G III) ? Ils sauront fabriquer de l’hydrogène, c’est certain, par électrolyse ou par thermochimie ; ils feront de l’uranium et du thorium des ressources énergétiques abondantes pour des milliers, voire des dizaines de milliers d’années. Quand aboutira la fusion, grande ambition du XXIe siècle ? Elle pourrait intervenir dans une prochaine réflexion sur les scénarios énergétiques du XXIIe siècle !
Avenir climatique : les craintes mondiales, de plus en plus précises, seront-elles confirmées ? En corollaire parviendra-t-on de façon acceptable pour l’environnement à capturer et à séquestrer le carbone et cela de façon suffisamment économique, universelle et propre afin de participer à la résolution du problème de l’accroissement de l’effet de serre ?
Énergies renouvelables non hydrauliques : vent, solaire (thermique et photovoltaïque PV), biomasse. C’est cher mais c’est nouveau ; leur potentiel d’amélioration (coûts et techniques) est donc significatif. Saura-t-on, malgré les impératifs incontournables de la thermodynamique, s’affranchir de leur pénalité d’énergies douces, donc encombrantes et chères et, pour le vent et le soleil, de leur caractère aléatoire et intermittent ? On retrouve ici le problème du stockage de l’électricité (vent et solaire PV).
Hydrogène : on sait le fabriquer, on saura le fabriquer encore mieux, proprement et de façon moins onéreuse qu’aujourd’hui, cela ne fait pas de doute, par les voies de la biomasse, du nucléaire ou autres énergies renouvelables. Mais parviendra-t-on à le stocker de façon sûre et à un coût supportable, sous pression, sous froid ou sous forme d’hydrures ? Y compris à bord d’automobiles ? L’objectif fixé par G. W. Bush au DoE en 2003 est-il accessible ? Cet objectif est que le nouveau-né américain de 2003 passera son permis de conduire (à 16 ans donc en 2019) à bord d’une voiture propre, fonctionnant avec de l’hydrogène fabriqué de façon propre et à un coût équivalent à celui de l’essence.
Piles à combustible : elles font partie du plan hydrogène américain avec pour objectif majeur l’automobile. Noter que les piles à combustibles carbonés ne résoudraient qu’en faible partie le problème de l’accroissement de l’effet de serre.
Stockage de l’électricité sous forme légère, peu encombrante et correspondant notamment aux besoins de la voiture particulière. Une solution efficace sera-t-elle enfin trouvée ?
Usages de l’énergie : ils dépendront des formes d’énergie, de leurs vecteurs et des technologies support. Par exemple l’hydrogène sera-t-il utilisé dans des moteurs thermiques ou dans des piles à combustible ? Si stockage et transport de l’hydrogène ne sont pas maîtrisés, ira-t-on vers un maximum de transports en commun et de transports de marchandises continentaux électrifiés et un développement, pour les marchandises, du ferroutage, du fluvial et du cabotage ?
Les aspects sociétaux présideront, eux aussi, à l’avenir énergétique : les hommes reconnaîtront-ils, accepteront- ils ou refuseront-ils les risques associés aux GES (le changement climatique), aux barrages hydroélectriques, aux réacteurs nucléaires, à ceux d’aujourd’hui qui fonctionneront encore quelques décennies et aux réacteurs du futur, ceux de G IV, qui fonctionneront encore durant la première moitié du XXIIe siècle ; accepteront- ils les risques associés aux transports routiers ; accepteront-ils, exigeront- ils, refuseront-ils que le développement devienne durable mais aussi universel ; voudront-ils qu’une gouvernance mondiale plus ou moins généreuse, plus ou moins directive se substitue à un libéralisme parfois extrême et que cette gouvernance mondiale conduise à un comblement plus rapide du fossé de richesses qui sépare les riches (≥ 1 Ghab en 2000) des moins riches et des pauvres (≈ 5 Ghab) ?
Quelles seront les capacités sociétales à ne plus gaspiller l’énergie (OCDE) ou à se développer sans la gaspiller (non-OCDE)? Par exemple, dans le tertiaire et l’habitat de l’OCDE saura-t-on mettre en oeuvre les formidables gisements d’économies potentielles d’énergie d’ores et déjà identifiés. Notons à ce propos, plus généralement, que, au-delà d’une consommation par habitant supérieure au tiers de celle des habitants de l’OCDE, on ne voit plus de relation entre l’espérance de vie à la naissance et la consommation d’énergie.
L’augmentation des prix de l’énergie sera-t-elle le principal outil de modération de la consommation au risque de favoriser les riches ? Quel sera l’impact énergétique de la dématérialisation du PIB des riches (~ OCDE)? Quand, à quel rythme et jusqu’à quel point interviendra une telle dématérialisation dans les pays non- OCDE ?
Les hommes privilégieront-ils le rationnel ou l’irrationnel ? Quelle sera l’attitude des gouvernants ? Les coûts énergétiques seront-ils le promoteur de la sagesse ?
Remarque : Le souci d’économies d’énergie n’est que la conséquence de deux problèmes primordiaux :
1) épuisements probables et prochains (≤ 2100?) du pétrole et du gaz d’où renchérissement inévitable et conséquent de ces deux sources d’énergie, ainsi que du charbon par effet de concurrence ;
2) risque de changement climatique lié aux consommations de fossiles carbonés. Si les hommes parvenaient à maîtriser des sources d’énergie à la fois bon marché, propres et inépuisables ou quasi inépuisables, alors l’objectif d’économies d’énergie aurait-il encore un sens ? Momentanément (quelques décennies, peutêtre un demi ou un siècle), le poids énorme (> 80%) des fossiles carbonés dans le bilan énergétique mondial et l’inertie sociétale face au caractère prochain voire immédiat de ces deux menaces font qu’il est urgent d’économiser l’énergie.
Bref, beaucoup de questions, beaucoup d’espoirs, beaucoup d’enjeux mais aussi de formidables incertitudes. Trop d’incertitudes pour qu’on se lance dans l’exercice de prévisions. Et les solutions qui sortiront des actuels efforts de R & D demanderont, avant qu’on les trouve et que l’on puisse les mettre en oeuvre, des décennies d’efforts coûteux.
Une fois mises en oeuvre ces solutions vivront vraisemblablement longtemps, certainement au-delà de la fin du XXIe siècle.
La question du panorama énergétique à cet horizon est suffisamment grave et les constantes de temps (de quelques décennies à cinquante ou cent ans) suffisamment longues pour que l’élaboration de scénarios énergétiques 2050–2100 soit considérée comme une démarche pertinente.
Quatre scénarios
Les quatre scénarios étudiés excluent l’hypothèse d’un cataclysme planétaire car alors l’exercice deviendrait sans intérêt : ni guerre universelle, ni pandémie, ni météorite géante…
La fusion : l’hypothèse est ici que la fusion ne sera pas une source d’énergie avant, au mieux, 2100.
Pas d’hydrates de CH4 dans nos scénarios. Cette hypothèse signifie que d’autres ressources, moins chères, plus accessibles et moins pénalisantes pour l’environnement sont supposées disponibles jusqu’en 2100.
La population mondiale est supposée évoluer de la même façon dans les 4 scénarios : 6,1 Ghab en 2001 (1,1 OCDE + 5 non-OCDE) 9 en 2050 (1,1 + 7,9) et 10 (1,1 + 8,9) en 2100 ; la croissance est donc supposée se situer dans les seuls pays non-OCDE.
Le paramètre fondateur, commun aux 4 scénarios, est le caractère plus ou moins vertueux du comportement des hommes.
Les paramètres secondaires dont les « valeurs », variables d’un scénario à l’autre, caractérisent chacun de ces 4 scénarios sont :
• gouvernance énergétique mondiale : à partir de quand et avec quelle rigueur ?
• attitude vis-à-vis des générations futures : quel niveau de responsabilité et à partir de quand ? développement durable ;.
• attitude (générosité, efforts d’éducation, transmission de savoir faire) des pays riches (OCDE) vis-à-vis des PVD ;
• reconnaissance du risque climatique : à partir de quand et avec quelle rigueur ;
• reconnaissance des risques d’épuisement pétrole, gaz : tout de suite ou plus tard ou ignorance pure et simple ;
• efforts d’efficacité énergétique : tout de suite ou plus tard ; plus ou moins vigoureux ;
• course au PIB : dans l’OCDE freinage ou continuité ;
• acceptation du nucléaire : quand et quel niveau d’universalité ;
• >la séquestration du CO2 : beaucoup, un peu ou pas du tout ; bientôt ou plus tard.
Quatre scénarios du futur, dont 2 extrêmes encadrent l’évolution imaginable du panorama énergétique mondial. (Tableau 1)
a) Un scénario laxiste SSS (Scénario Sans Souci)
Point de repère extrême et insupportable : celui du conservatisme extrême.
Les générations actuelles assumant les problèmes posés par l’héritage reçu de leurs ancêtres, ce scénario SSS suppose que les générations futures assumeront de même l’héritage qu’elles recevront. Changement climatique et épuisement des ressources de pétrole et gaz sont ignorés.
Les pays riches sont supposés ne pas changer de comportement ; les pays non-OCDE sont supposés se mettre dans le sillage des riches
Les courses au PIB et à la consommation perdurent ; les pays Non-OCDE se mettent dans cette course. En 100 ans le PIB mondial est quasiment quintuplé, principalement au profit des pays Non-OCDE dont le PIB serait, lui, décuplé.
Aucun effort d’économies d’énergie : l’intensité énergétique (consommation d’énergie par unité de PIB) reste sensiblement stable, à son niveau de l’année 2000.
Quelques chiffres 2100 résument le scénario SSS : La Consommation mondiale d’Energie Primaire (CEP) est, en 2100, voisine de 50 Gtep, presque quintuple de celle de 2000 (10 Gtep) ; les pays non-OCDE consommeront 85% du total mondial au lieu de 45% en 2000 ; les énergies fossiles carbonées (pétrole + gaz naturel + charbon) pèseront, comme en 2001 près de 80% du bilan énergétique mondial ; le nucléaire 7% (comme en 2001); les ENR (vent, soleil, géothermie) disparaissent (0,5% en 2001); la teneur de l’atmosphère en CO2 (la part du CO2 issue des combustibles fossiles carbonés) est, en 2100, le triple de celle de 2000. (voir figures 1, 2 et 3)
b) Un scénario SVa vertueux à l’extrême et immédiatement.
Ce scénario SVa, inaccessible point de repère, est l’autre extrême des comportements imaginables.
Figure 1
Consommation d’énergie primaire (CEP)
Les hommes sont conscients des grands problèmes et jugent imminents les dangers : épuisements prochains (quelques décennies, au mieux fin de siècle) du pétrole et du gaz naturel ; risque climatique avéré et pris en compte. S’y ajoute la reconnaissance du caractère dangereux pour la paix du monde de l’inégale répartition des richesses. Les prix de l’énergie ajoutent leurs effets salutaires en faveur de comportements moins « énergie-voraces »
Le caractère planétaire de ces problèmes conduit les riches (OCDE) à donner immédiatement aux pays non-OCDE l’exemple ou plutôt les exemples de l’efficacité énergétique, de la propreté énergétique et de la modération du PIB ; les riches s’associent pour organiser immédiatement une gouvernance énergétique mondiale dont le premier but est d’accélérer l’enrichissement des plus pauvres, ceci dans un contexte de bonne efficacité énergétique c‑à-d d’intensité énergétique décroissante. Cette gouvernance vise à faire converger le développement des pays non-OCDE vers une structure de richesses du même type que celle de l’OCDE. L’aide OCDE aux pays non-OCDE est, dans ce scénario SVa, technologique et éducative, une sorte de Plan Marshall planétaire de fourniture de matériel et de savoir-faire. Les principaux axes de cette aide sont efficacité énergétique et culture de sûreté (indispensable au développement mondial du nucléaire).
L’élément moteur du changement est le concept de développement durable : d’abord la chasse aux combustibles fossiles carbonés, le développement des énergies propres et abondantes mais aussi la chasse au gaspillage énergétique .
Le PIB / habitant de l’OCDE 2100 vs 2001 n’augmente pas et diminue même légèrement, ces pays riches abandonnant la course à l’accroissement du PIB. Le PIB / hab non-OCDE (Asie, ex URSS et Europe Est / centrale) rejoint celui de l’OCDE en 2100 mais demeure en retard en Amérique latine et très en retard en Afrique. Aujourd’hui (début xxie siècle) le niveau de PIB dans l’OCDE interdit tout développement durable.
La dématérialisation du PIB des pays OCDE participe à la modération de leurs consommations d’énergies. Cette dématérialisation du PIB dans les pays non-OCDE n’interviendra que dans la deuxième moitié du xxie siècle, après qu’ils aient enfin acquis « la richesse matérielle ».
La chasse aux fossiles carbonées (causes G.E.S et / ou épuisement pétrole et gaz) entraînera un développement considérable de l’électricité (nucléaire et produite par les énergies nouvelles renouvelables (ENR)) que seuls le solaire thermique (surtout dans les latitudes moyennes) et la géothermie modéreront de façon significative.
L’intensité énergétique OCDE est supposée, à l’horizon 2100, diminuer de moitié vs 1990⁄2000. Cette hypothèse correspond grossièrement aux résultats de l’étude d’efficacité énergétique présentée dans l’étude Energie 2010–2020 du Commissariat Général au Plan français. À l’image des efforts réalisés par la Chine, qui a divisé par 2 son intensité énergétique entre 1990 et 2000 (Ref AIE), les pays non OCDE sont supposés, dans ce scénario SVa, orienter précocement leur développement dans un contexte de bonne efficacité énergétique, ceci avec l’aide matérielle et éducative de l’OCDE.
L’énergie nucléaire est supposée universellement acceptée et reconnue comme durable dès le milieu du siècle : cette acceptation est favorisée par :
1) les réacteurs de 4ème génération (GIV) à sécurité intrinsèque,
2) la multiplication par 100 des ressources fissiles (uranium et thorium) grâce aux réacteurs surgénérateurs (RNR et Sels fondus),
3) la reconnaissance sociétale universelle de la bonne gestion des déchets,
4) le développement d’une bonne culture de sûreté dans les pays non OCDE.
Figure 2
CEP Monde-énergie (quatre scénarios)
Figure 3
C02 dans l’atmosphère
Cette énergie nucléaire du futur saura fabriquer de l’hydrogène, par électrolyse ou procédés thermochimiques. Elle sera de plus « co-génératrice » de chaleur et de dessalement d’eau : ses rendements énergétiques globaux seront donc clairement supérieurs (peut-être doubles) à ceux d’aujourd’hui.
Des techniques de séquestration du CO2 sont maîtrisées, reçoivent une acceptation sociétale et sont mises en œuvre. Elles sont toutefois supposées ne permettre de séquestrer que 30% du CO2 (grosses industries émettrices).(Figures 2 et 3) Quelques chiffres 2100 résument le scénario SVa : La consommation mondiale d’énergie primaire (CEP) avoisine en 2100 20 Gtep, presque double de celle de 2000 (10 Gtep) ; les pays non OCDE consommeront près des 3⁄4 du total mondial au lieu de 45% en 2000 ; les énergies fossiles carbonées (pétrole + gaz naturel + charbon) pèseront encore près du ¼ du bilan énergétique mondial (à comparer à 80% en 2000) ; le nucléaire 45% (à comparer à 30% seulement dans la France de 2000); les ENR (vent, soleil, géothermie) un bon 15% (0,5% en 2001); la teneur de l’atmosphère en CO2 commence à décroître dans la deuxième moitié du siècle mais est encore, en 2100, supérieure de 50% à celle de 2000. (voir figures 1, 2 et 3)
C’est donc l’écart SSS / SVa qui définit la plage dans laquelle se situera, en 2100, le panorama énergétique mondial imaginé par ces scénarios.
c) Un scénario SVb raisonnablement vertueux mais pas tout de suite
La vertu ne commence à s’installer que dans 2 ou 3 décennies et de façon moins intense. Les paramètres décrits en SVa évoluent plus tard et moins vite.
La course au PIB / tête de l’OCDE ne se calme qu’après 2050.
L’intensité énergétique OCDE et non OCDE sera maîtrisée plus tardivement et plus mollement
La séquestration du CO2 est plus modeste (20% du CO2 séquestré en 2100).
Quelques chiffres 2100 résument le scénario SVb :
La CEP1 est, en 2100, presque triple de celle de 2000 ; les pays non OCDE consommeront environ 85% du total mondial (45% en 2001) ; fossiles carbonés et nucléaire ont sensiblement la même importance et représentent, à elles 2, les ¾ du bilan énergétique mondial ; les ENR 12% ; la teneur de l’atmosphère en CO2 croît tout au long du siècle et atteint, en 2100, plus du double de la teneur 2000 mais la progression se ralentit après 2050. (voir figures 1, 2 et 3)
d) Un scénario SVc encore plus modestement vertueux et encore plus tard
La vertu ne s’installera que vers le milieu du siècle et modérément.
Les paramètres décrits en SVa évoluent donc encore plus tard et encore moins vite qu’en SVb.
Le PIB /habitant de l’OCDE ne cesse pas de croître d’ici la fin du siècle.
Les efforts d’intensité énergétique se réduisent encore comparés à SVb.
La séquestration du CO2 n’est plus que de 10% en 2100
Quelques chiffres 2100 résument le scénario SVc :
La CEP 2100 est proche du quadruple de celle de 2001 ; les pays non OCDE consommeront plus de 85% du total mondial (45% en 2001) ; les fossiles carbonés pèsent 60% du bilan énergétique mondial ; le nucléaire un bon 20% (7% en 2001) ; les ENR (vent, soleil et géothermie) 6% ; la teneur de l’atmosphère en CO2 croît tout au long du siècle et atteint, en 2100, près du triple de la teneur 2000 ; sa progression se ralentit à peine en 2100. (voir figures 1, 2 et 3)
Ces 4 scénarios sont-ils recevables ?
Les pics de production de pétrole et de gaz se produiront très vraisemblablement durant la première moitié du siècle.
Le scénario SVa (« hyper-vertueux immédiatement) s’en accommoderait vraisemblablement.
Au contraire, le scénario SVb (« raisonnablement vertueux un peu plus tard) n’est probablement pas compatible avec ces 2 pics de production même si la conversion du charbon (aux ressources planétaires abondantes et bien distribuées géographiquement) en combustibles liquides et en gaz est propre à retarder le problème.
Quant aux scénarios SVc (modérément vertueux à compter de 2050) et SSS, à coup sûr ils ne passent pas : leur seule vertu est de mettre en évidence le caractère incontournable d’une modification drastique et immédiate des comportements.
Les marges de manœuvre
Les usages énergétiques
Les principaux gisements d’économies se situent dans les transports (en 2001 : 26% de la Consommation Finale d’Energie (CFE : voir au § 2 ci-après ce qui distingue CFE de CEP) et dans l’ensemble dit « Autres secteurs » (en 2001 : 40% de la CFE) qui comprend en particulier l’habitat, le tertiaire et les services publics. (données AIE 2003).
Remarque : Les industriels (en 2001 : 31% de la CFE), motivés par le souci de compétitivité, ont fait des efforts considérables d’économies d’énergie depuis plusieurs décennies (75% de la CFE en 1973). Ils approchent de l’asymptote.
Certes cette asymptote s’abaissera à cause de l’augmentation des prix de l’énergie entraînée par les pénuries prévisibles de pétrole et gaz naturel. Mais les économies supplémentaires à espérer dans le domaine industriel sont modestes comparées au potentiel d’économies dans les transports, l’habitat et le tertiaire. Une baisse significative des consommations industrielles ne pourraient venir que d’un évènement sociétal majeur : fin de la société de consommation au sens de fin du gaspillage. L’agriculture ne pèse que 1 à 2% de la CFE mondiale et ne peut donc représenter un gisement significatif d’économies d’énergie.
Les vecteurs énergétiques
C’est la forme sous laquelle l’énergie finale est consommée.
Le pétrole en terre est une énergie ; l’essence un vecteur énergétique, comme l’électricité. La fabrication des vecteurs énergétiques est très « énergivorace » et ceci de plus en plus : en 2001 elle coûtait ⅓ de la consommation d’énergie primaire (CEP) à comparer à ¼ en 1973. Une explication à cette évolution : la part de l’électricité dans la CFE augmente et, plus généralement, l’énergie finale est de plus en plus sophistiquée (ex : il faut plus d’énergie pour fabriquer un litre d’essence en 2001 qu’en 1973).
Les vecteurs sont en concurrence permanente et le « résultat des courses » évolue avec les coûts énergétiques (mais également sociétaux, sanitaires et environnementaux) associés à chaque vecteur : thermies ↔ électricité ; Thermies solaires, bio, ou géothermiques ↔ thermies ex fossiles carbonés ; Électricité ↔ carburants ; Electricité nucléaire ↔ électricité renouvelable ; Hydrogène ↔ carburants pétroliers (?); Hydrogène solaire ou bio ↔ hydrogène nucléaire.
Les gaspillages de la société de consommation
La société de consommation fabrique de l’obsolescence anticipée et emplit les poubelles d’objets non pas usés mais démodés. Est-ce durable ? Vraisemblablement NON. Une question sociétale surgit : l’avenir sera-t-il à « Avoir moins et Être plus » ou à « Avoir et Être autrement » étant entendu que « Être » consomme moins d’énergie que « Avoir ».
La dématérialisation du PIB
Elle est vraisemblablement déjà engagée dans certaines couches sociales des pays de l’OCDE ; reste à savoir si elle s’étendra et à quel rythme. Quant aux pays non OCDE, on ne peut imaginer une dématérialisation du PIB qu’après l’accès de leurs populations au nécessaire : nombre de PVD en sont encore loin.
Il est raisonnable de penser que les coûts énergétiques seront l’un des principaux moteurs de cette dématérialisation, concept qui, lui aussi, pose la question « Être ou Avoir »
Les coûts
Bien que cette démarche « scénarios » ne soit pas une démarche « prévision », on peut considérer comme quasi certain que le monde connaîtra, au cours de ce siècle, des conversions énergétiques majeures et coûteuses : nucléaire et ENR principalement, mais aussi explorations minières (pétrole, gaz…) plus difficiles, séquestration du carbone…
Pour causes d’horizons trop lointains et de nouveautés technologiques qui n’en sont encore qu’au stade R&D, il n’est pas sérieux de prétendre répondre à la question du coût.
Le cas du nucléaire mérite cependant attention car, dans les 3 scénarios « vertueux », SVa, SVb et SVc, son développement est significatif. D’autre part, alors qu’il produit le kWh le moins cher, l’investissement qu’il demande est lourd. Une approche grossière est possible : à l’horizon 2100, le nucléaire pèserait de l’ordre de 10 Gtep/an et exigerait ainsi la construction, sur 100 ans, de 5000 GW de puissance installée soit, au coût de 3$/W (cycle complet : exploration, production de minerai, traitement, enrichissement, fabrication du combustible, construction des réacteurs, retraitement des combustibles usés et gestion des déchets), 15000 G$ ou, en moyenne chaque année et pendant 100 ans, 1 à 2‰ du produit brut mondial. Noter ici que le programme nucléaire français a coûté chaque année et durant 25 ans, 4‰ du PIB de notre pays.
Aux conditions actuelles, le développement des ENR coûterait encore plus cher : mais elles sont jeunes et susceptibles de diminutions significatives de leurs coûts d’investissement.
Espoirs et problèmes
Ils sont multiples mais 2 sujets retiennent particulièrement l’attention :
a). Les transports :
si, à l’image des USA, l’automobile (aujourd’hui en jouissent dans le monde 1 habitant sur 4, bientôt 1 sur 3) envahit les pays non OCDE (c’est en cours en Chine et en Inde soit 40% de la population mondiale pour l’ensemble de ces 2 seuls pays) et ceci de façon pérenne, la route va poser le double problème de l’épuisement du pétrole/gaz (même si le charbon peut être un substitut temporaire) et du risque climatique. Avec deux voies d’espoir : l’hydrogène et l’électricité.
L’hydrogène : il en faudrait, à l’horizon 2100 et pour 2 milliards de véhicules (700 millions aujourd’hui), au moins 1 Gt/an dans le meilleur des cas (piles à hydrogène), au pire 2 fois plus (moteurs thermiques alimentés à l’hydrogène). On sait le fabriquer, c’est très cher et sa fabrication et sa mise en œuvre exigent, avec les procédés maîtrisés aujourd’hui, au moins 2 fois plus d’énergie qu’il n’en restituera ; on peut croire que l’on saura faire mieux et moins cher. Mais il faudra le stocker, le transporter, le mettre à bord des véhicules : ou bien sous 700 bars, ou à ‑253°c ou sous forme d’hydrures. Ces problèmes sont à l’étude : ils nécessiteront des ruptures scientifiques et technologiques. Seront-elles réussies ? Il faut beaucoup d’imagination et de confiance dans les chercheurs pour y croire, comme le Président Bush.
Les transports électriques : dans quelques décennies le chemin de fer à grande vitesse aura peut-être détrôné l’avion sur les distances de 2 à 3000 kms comme il l’a détrôné sur Paris-Marseille. Quant au match fer-voiture son issue dépendra du coût du pétrole, du risque climatique, de la maîtrise de la solution hydrogène, de l’issue (très douteuse) des recherches sur le stockage d’électricité massif, léger et peu encombrant, …et de la capacité des sociétés de chemin de fer à faciliter les transports d’extrémité.
Les transports de marchandises, confrontés aux mêmes problèmes, se détourneront peut-être de la route au profit du ferroutage, du fluvial, du cabotage et du transport de camions par bateau.
b. La captation et la séquestration du carbone
Aujourd’hui les hommes déposent chaque année et pour l’éternité, dans leur biosphère, 7 Gt de C provenant des combustibles fossiles. Tout transite par l’atmosphère sous forme de 25 Gt/an de CO2 : la moitié est rapidement reprise par le sol, la végétation et les océans ; l’autre moitié séjourne une centaine d’années dans l’atmosphère, créant le risque climatique. Il semble que cette menace soit plus proche de nous que l’épuisement des fossiles carbonés. D’où l’idée de séquestrer le gaz carbonique. Plusieurs voies sont explorées : séquestration géologique (puits de pétrole ou de gaz avec productions additionnelles de pétrole et de gaz ; veines charbonnières avec production de méthane ; dômes de sel) ; séquestration océanique en eaux profondes (avec risque de restitution ultérieure à l’atmosphère); séquestration terrestre. Un effort international de R & D est conduit par le Carbon Sequestration Leadership Forum (CSLF). 17 pays, dont la France, y participent. Il est clair que toutes les voies explorées soulèvent des problèmes environnementaux. Quelques sites de séquestration géologique de CO2 sont d’ores et déjà exploités aux USA et au Canada.
CONCLUSIONS
Une vague de ruptures scientifiques et techniques viendra à l’appui des conversions énergétiques.
Le bon sens sociétal et le courage politique permettront-ils la mise en œuvre de ces conversions ?
Bientôt un nuage planétaire de gaz carbonique ? Aujourd’hui : un océan d’incertitudes.….dont on pressent les frontières.
Le panorama énergétique des 21ème et 22ème siècles dépendra de la capacité sociétale à accepter ou à refuser les risques associés à l’accroissement de l’effet de serre, ceux liés à l’énergie nucléaire, aux transports individuels et à l’épuisement des énergies fossiles. Il dépendra aussi des efforts d’efficacité énergétique et de la volonté de se préoccuper des prochaines générations. In fine, ce panorama dépendra du choix que feront les hommes entre le rationnel et l’irrationnel. Un haut fonctionnaire de la Commission Européenne disait en novembre 2001 « Ceux qui veulent à la fois réduire les émissions de gaz à effet de serre, sortir du nucléaire, avoir une sécurité d’approvisionnement et sont contre les éoliennes car c’est mauvais pour les oiseaux vont devoir faire des choix. ».
Une remarque particulière à l’énergie nucléaire : elle est jeune, a l’âge qu’avait le chemin de fer en 1880. Vouloir « Sortir du Nucléaire » est un combat d’arrière-garde auquel il faut substituer une lutte en vue d’un nucléaire durable, encore plus sûr et encore plus propre.
Durant une grande partie de ce siècle les bientôt 10 milliards d’hommes auront besoin de toutes les énergies et, en toute hypothèse, plus que tout, d’EFFICACITÉ ÉNERGÉTIQUE. Il serait inéquitable que les prix de l’énergie en soient le seul moteur.
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Référence : toutes données historiques sont issues de l’AIE « Key World Energy Statistics 2003 »
1. Consommation d’énergie primaire.