Quinze ans qui bouleversèrent le monde
Thierry de Montbrial aurait pu intituler son livre : L’accélération de l’histoire, tant il est vrai que les analyses faites par lui pendant quinze ans consécutifs (1989 à 2003) mettent en évidence cette caractéristique majeure de la seconde moitié du XXe siècle.
Cette accélération est l’une des raisons du désarroi incontestable de l’opinion publique et de la classe politique, de la fébrilité avec laquelle certains principes sages sont abandonnés, de la hâte passive avec laquelle, trop souvent, des concepts nouveaux, mais d’un flou dangereux, se transforment en “ idées reçues ”.
Certes, ceux de nos lecteurs qui depuis 1989 ont lu Ramsès (la publication annuelle de “ l’Institut français des relations internationales ” qu’a créé et que dirige l’auteur) ont déjà lu l’essentiel du contenu du présent livre. Toutefois, même eux – et a fortiori ceux, plus nombreux, qui sont fidèles à Ramsès depuis peu d’années – auront entre les mains par ce recueil une perspective à la fois commode et passionnante.
Que l’auteur ait pu se tromper dans certaines de ses prévisions, que ses analyses et ses opinions aient pu évoluer – notamment sur l’Europe, dont une existence forte lui paraît plus clairement indispensable aujourd’hui que naguère –, il ne faut pas le lui reprocher, mais au contraire le féliciter de son réalisme et de son honnêteté intellectuelle.
Encore une fois, qu’on songe à la cascade torrentielle des événements mondiaux “ de Berlin à Bagdad ” (sous-titre du livre).
Chaque lecteur utilisera ce livre très riche selon ses besoins et ses préoccupations. Un index abondant lui permettra d’en extraire des “ fibres ” dont chacune s’attache à un thème, à un pays, à un homme. Ce n’est pas au hasard que j’ai utilisé ci-dessus l’adjectif commode.
Il me faut souligner enfin que le livre de Thierry de Montbrial est écrit dans une langue classique et claire, éloignée de la langue de bois et des tics de langage à la mode. Quelle satisfaction pour le lecteur ! même si, parci par-là, on trouve quelques anglicismes bien inutiles, par exemple think-tank pour institut de recherche (ou groupe de réflexion spécialisé), par exemple lobby pour groupe de pression, ce qui est un peu plus regrettable… car le mot anglais fait oublier le sens véritable !