REACH : contrainte ou avantage compétitif pour l’Europe ?
Dans un souci de protection de la santé et de l’environnement, l’Union européenne s’est dotée d’un règlement qui oblige l’industrie à procéder à l’enregistrement de toutes les substances produites ou importées, avec une évaluation de leurs effets sur la santé et l’environnement. Ressentie dans un premier temps comme une contrainte par les entreprises européennes, considérée parfois comme protectionniste hors d’Europe, ce règlement montre la voie mais il est essentiel de le prolonger au niveau mondial pour que l’industrie européenne reste compétitive.
REPÈRES
REACH est un règlement adopté par l’Union européenne en 2006 et entré en vigueur le 1er juin 2007, instituant une nouvelle politique européenne en matière de gestion des substances chimiques. Son objectif principal est d’améliorer le niveau de protection de la santé et de l’environnement tout en renforçant la compétitivité et l’innovation dans l’Union européenne. Il prévoit : un enregistrement obligatoire des substances (produites ou importées à plus de 1 t/an), avec la transmission d’un dossier à la nouvelle Agence européenne sur les produits chimiques (ECHA) basée à Helsinki ; une évaluation des dossiers par cette Agence avec la collaboration des Autorités compétentes des États membres ; une procédure d’autorisation pour les substances dites « extrêmement préoccupantes ». REACH contribue à harmoniser les systèmes existants et à créer un cadre cohérent autour des différentes démarches d’évaluation des dangers et des risques déjà engagés pour les substances existantes et les substances nouvelles.
Voir : www.uic.fr/en_quoi_consiste_REACH.asp
Environnement et santé sont bien en train de modifier en profondeur le commerce mondial. On en est même venu à vouloir modifier les règles de l’OMC pour les rendre compatibles avec la liberté d’échanger des mesures qui étaient auparavant perçues comme des barrières commerciales. Certains ne veulent plus attendre que l’OMC bouge pour lutter contre le dumping environnemental. Le président de la République française a ainsi indiqué » Lorsque nous serons parvenus, à Copenhague, à un accord ambitieux sur le climat, il faudra que soit créée une véritable organisation mondiale de l’environnement, en mesure de faire appliquer les engagements qui auront été pris. » Cette » Organisation mondiale de l’Environnement (OME) « , déjà imaginée dans le passé comme un instrument purement technique, est désormais évoquée comme une organisation ayant un poids politique aussi important que l’OMC, avec des passerelles nécessaires entre les deux entités internationales.
La particularité du règlement REACH est qu’il renverse la charge de la preuve
C’est peut-être au sein de l’OME que sera débattue l’instauration au niveau mondial d’une réglementation sur l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, équivalente à ce qui existe désormais au niveau européen : le règlement REACH (« Registration, Evaluation, Authorization of Chemicals »). L’objectif de cette mesure : renforcer les connaissances sur les substances chimiques et permettre une meilleure gestion des risques liés à leur production et leur utilisation.
Plus de 2 millions de substances préenregistrées
L’Europe de la chimie
L’industrie chimique européenne est une des plus puissantes du monde avec environ 31 000 entreprises et plus de 1,8 million d’emplois directs contre 900 000 aux États-Unis à titre de comparaison (y compris le secteur de la pharmacie). Mais, c’est aussi une industrie économiquement cyclique et fortement exposée à la concurrence mondiale, en particulier avec certains pays émergents, ceux-là mêmes pour lesquels les questions environnementales ou de santé sont au second plan.
REACH est désormais une réalité européenne. La phase de préenregistrement des substances produites ou importées à plus d’une tonne par an est terminée depuis le 1er décembre 2008. Au niveau européen, plus de 2 millions de préenregistrements ont été effectués par environ 65 000 entreprises (en France : 247 000 préenregistrements par 4 400 entreprises). Fin novembre 2010, toutes les substances produites ou importées à 1 000 tonnes ou plus par an devront être enregistrées, auxquelles s’ajoutent des produits chimiques cancérogènes ou mutagènes ou toxiques pour la reproduction (CMR) d’une tonne et plus, ainsi que des substances jugées très toxiques pour les organismes aquatiques, supérieures à 100 tonnes/an. Fin mai 2013, ce sont toutes les substances dont le tonnage produit ou importé est compris entre 100 et 1 000 tonnes qui devront être enregistrées. Et enfin, le 31 mai 2018, toutes les substances en plus petites quantités (1 tonne/an) auront été enregistrées.
Il est vrai que REACH n’est pas une réglementation totalement neuve. Une multitude de règlements communautaires étaient déjà en vigueur, mais ils ne permettaient pas un contrôle suffisamment complet des substances chimiques. Par rapport aux accords déjà signés (cf. encadré), la particularité du règlement REACH est qu’il renverse la charge de la preuve : c’est désormais à l’industriel de procéder à l’évaluation des risques liés aux usages des substances. Et tout manquement aux obligations sera sanctionné. Ainsi, des sanctions administratives ou pénales pourront être infligées à toute entreprise continuant à produire ou importer des substances chimiques non enregistrées.
Des questions en suspens
Des précédents
Des programmes et accords internationaux existent déjà, par exemple sous l’égide de l’ONU. La Convention de Rotterdam a instauré une procédure de consentement préalable de l’importateur avant de procéder à une expédition ; la Convention de Stockholm vise à protéger la santé et l’environnement contre les polluants organiques persistants (POP) ; un accord sur le système général harmonisé pour la classification, l’étiquetage et l’emballage des substances chimiques (GHS) a été adopté (Règlement CLP dans l’Union européenne).
Les bénéfices attendus par l’Union européenne sont multiples : restauration de la confiance vis-à-vis des produits chimiques, réduction des dépenses de santé, encouragement à l’innovation pour trouver de nouvelles substances » vertes « , meilleure information tout au long de la chaîne d’approvisionnement.
Mais, les revers et les questions en suspens sont aussi nombreux : coûts directs et indirects élevés ; disparition potentielle de certaines substances pour des raisons non liées à la protection de la santé ou de l’environnement ; nécessité de mobiliser du personnel pour participer aux forums d’échanges de données sur les substances ; difficultés prévisibles pour les PME ; modalités de contrôle des substances contenues dans les articles importés.
Le règlement REACH réagit sur toute la structure des entreprises, depuis la comptabilité jusqu’à la protection des secrets commerciaux, et nécessite de sauvegarder les chaînes d’approvisionnement en impliquant ses fournisseurs.
Conforme aux principes de l’OMC
L’Argentine contre REACH
Très récemment, dans les négociations multilatérales OMC en cours portant sur les produits industriels, l’Argentine a fait des propositions concernant les obstacles non tarifaires (ONT) touchant le secteur de la chimie. Une de ces propositions vise particulièrement le règlement REACH. Elle stipule : Dès lors qu’il a été accepté dans le pays d’origine du producteur, un enregistrement devrait être valable au niveau international et un nouvel enregistrement ne devrait pas être exigé dans des pays tiers. Une telle proposition, si elle était acceptée, fournirait aux membres de l’OMC un argument universel pour ne pas se conformer au règlement REACH.
REACH est un dispositif dont la portée dépasse les limites de l’Union européenne. C’est pourquoi la question de sa conformité avec les règles de base de l’OMC a été posée dès le début par les pays tiers qui ont soulevé la question de conformité de REACH avec le principe de non-discrimination : aucun pays ne doit établir de discrimination ni entre ses partenaires commerciaux, ni entre ses propres produits, services et ressortissants, d’une part, et les produits, services et ressortissants étrangers, d’autre part. Autre question soulevée : la prévisibilité (les sociétés, investisseurs et gouvernements étrangers doivent avoir l’assurance que les obstacles au commerce ne sont pas appliqués de façon arbitraire). Autre règle à respecter : la transparence. Les règles commerciales des pays doivent être aussi claires et accessibles au public que possible. L’OMC surveille les politiques commerciales nationales par le biais du Mécanisme d’examen des politiques commerciales.
Le règlement REACH réagit sur toute la structure des entreprises
Selon l’OMC, les questions touchant l’environnement et le développement durable entrent bien dans ce cadre si l’on prouve que les mesures prises ne sont pas appliquées arbitrairement et qu’elles ne constituent pas une forme déguisée de protectionnisme.
Même si la discussion ne porte plus désormais sur l’instauration de REACH, cette réglementation est régulièrement la cible de pays tiers qui veulent démontrer qu’il s’agit d’une nouvelle barrière non tarifaire au commerce. L’Union européenne n’est pas à l’abri d’une plainte qui serait déposée par un membre de l’OMC auprès de l’Organe de règlement des différends (ORD) contre le règlement REACH au prétexte qu’il constituerait un obstacle non tarifaire au commerce international, c’est-à-dire une mesure autre qu’un droit de douane, qui protège une branche de production nationale. L’OMC autorise les mesures non tarifaires fondées sur un objectif légitime, comme la protection de la santé des personnes, qui peuvent être introduites d’une manière compatible avec les règles de l’OMC ou dans les négociations bilatérales, à condition de ne pas les utiliser comme moyen protectionniste déguisé.
Le règlement REACH répond aux critères fixés par l’OMC, ainsi qu’au principe de subsidiarité : il est plus facile de contrôler les substances qui circulent dans toute l’Union au niveau communautaire qu’au niveau national.
Faire de REACH une référence mondiale
Désormais, le combat est ailleurs. Il s’agit de faire des principes du règlement REACH européen la référence absolue en cas de réglementation au niveau mondial.
Certes, des réglementations touchant les substances chimiques sont en vigueur par exemple au Japon ou aux États-Unis. Mais, elles présentent des différences majeures avec REACH : la charge de la preuve appartient toujours aux autorités publiques aux USA et au Japon ;
Les mesures prises ne constituent pas une forme déguisée de protectionnisme
les substances existantes et les substances nouvelles ne sont pas soumises aux mêmes obligations. REACH soulève de nombreuses questions. L’Europe, en montrant la voie, prend-elle le risque de se trouver isolée, ce qui déstabiliserait son industrie et lui ferait perdre des parts de marché à l’international ? Doit-elle passer par un principe de reconnaissance mutuelle avec d’autres parties du monde ? L’ICCA (International Council of Chemical Associations) a lancé une initiative » Global Product Strategy » (GPS) renforçant ainsi l’engagement de la chimie au niveau mondial dans l’amélioration de la protection de la santé et de l’environnement. Le règlement REACH est bien entendu dans le prisme de ces discussions. L’environnement et la santé sont des facteurs d’innovation et de développement. Les entreprises européennes de la chimie doivent désormais faire de REACH un atout commercial.
L’Accord OTC
Cet accord stipule que les procédures d’évaluation de la conformité des produits avec les normes pertinentes doivent être justes et équitables. Il décourage le recours à des méthodes qui donneraient un avantage inéquitable aux produits fabriqués dans le pays. Il encourage aussi les pays à reconnaître mutuellement les procédures d’essai utilisées pour évaluer la conformité d’un produit. Néanmoins, il est prévu que les membres aient le droit d’élaborer des réglementations techniques s’écartant des normes internationales existantes, si elles servent des » objectifs légitimes « . Toutefois, une évaluation du risque est nécessaire et il convient de respecter le principe de proportionnalité : les mesures prises ne doivent pas être plus restrictives pour le commerce qu’il est nécessaire, compte tenu des risques que la non-réalisation entraînerait.
Commentaire
Ajouter un commentaire
Un petit Bonjour… à un
Un petit Bonjour… à un homonyme d’un parent, il y a 30 ans !