RÉCITAL RENÉE FLEMING À BERLIN
Renée Fleming est une des plus grandes chanteuses actuelles. Américaine éclectique, qui n’hésite pas à chanter du jazz ou de la comédie musicale (elle chante en langage elfe dans Le Seigneur des anneaux), elle est avant tout spécialiste des répertoires straussien et mozartien. Elle rappelle, par sa voix, sa pureté, son timbre, et son répertoire, la grande Elisabeth Schwarzkopf. Pour ceux qui n’ont pas encore vu Le Chevalier à la rose de Strauss, commenté ici en 2010 (1 DVD DECCA), qu’elle irradiait de sa beauté, ce DVD récital, qui existe aussi en Blu-ray avec une image d’une inimaginable perfection, sera une excellente introduction.
Le programme tout d’abord est superbe. À côté de trois tubes de Puccini (Mimi, Liu, Lauretta), l’Air à la lune de Rusalka de Dvorak, où elle fait référence, puis du Korngold, du Leoncavallo. Et surtout, toute la scène finale de Capriccio de Strauss, un sommet de l’opéra. Malgré la période trouble de composition de cet opéra (1942), Capriccio est considéré comme une oeuvre emblématique de Richard Strauss : par son thème tout d’abord, l’éternel débat autour de l’opéra sur la préséance ou non de la musique sur la parole (prima la parola, e più la musica), débat qui hante toute l’approche opératique de Strauss, débat bien futile à une époque où l’Allemagne phare artistique et philosophique avait sombré dans l’horreur. Emblématique aussi par cette dernière scène, où la soprano reste en scène vingt minutes accompagnée d’une musique sublime, pour exprimer, comme à la fin du Chevalier à la rose, sa nostalgie d’une époque révolue.
L’interprétation de l’ensemble, on s’en doute, est superlative. La voix de la soprano est à la fois chaude et brillante, et elle est très émouvante et sensuelle. La prononciation est bien sûr plus naturelle en allemand qu’en italien, mais on retrouve chaque fois l’atmosphère différente de chacun des opéras, la tragédie de chacune des héroïnes. Enregistré en plein air, à la Waldbühne, ce concert est donc sonorisé. Cela permet à Renée Fleming de ne jamais forcer sa voix, de donner une impression de facilité et de souvent à peine ouvrir la bouche pour émettre les sons pourtant les plus émouvants.
Comme dans tout récital, les airs sont alternés avec des morceaux purement orchestraux qui permettent à la chanteuse de faire reposer sa voix. Ici les pièces orchestrales ne sont pas du tout des bouche-trous, jugez plutôt : Une nuit sur le Mont Chauve, l’ouverture de Rienzi de Wagner, Roméo et Juliette de Tchaïkovski. Et tout ça par le Philharmonique de Berlin ! Le chef Ion Marin est excellent et très efficace, tout à fait au niveau musical de la soliste.
Ajoutons un mot sur l’image, exceptionnelle, sans doute mon plus beau disque de ce point de vue. Au-delà de la réelle beauté de l’artiste, magnifiée par trois superbes robes de soirée de couleurs différentes au cours du récital, et de l’élégance du lieu, scène d’été en plein air du Philharmonique de Berlin, dont les lumières changent tout au long du spectacle qui débute avant la tombée de la nuit, la qualité de l’image haute définition est proprement impressionnante.
À tout point de vue, un Blu-ray de démonstration.