« Réconcilier les Français avec le progrès scientifique et technologique »
Extraits du discours prononcé le 22 octobre dernier par le Premier ministre François Fillon à l’École polytechnique.
(les choix des passages du discours et les intertitres sont de la Rédaction).
Dans un monde de compétition accrue, la force de la France dépendra essentiellement de son potentiel scientifique et technique. En ces temps d’incertitude et de scepticisme, notre foi dans le progrès est essentielle parce que c’est elle qui nourrit notre volonté et notre capacité de bâtir l’avenir. Bien sûr, l’humanité peut, par inconscience et égoïsme, emprunter les chemins de sa destruction. Le lent processus de réchauffement de la planète et l’épuisement de ses ressources naturelles constituent un avertissement sans appel. Mais pour autant, la peur de l’avenir ne peut guider nos actes. Nous devons croire au progrès, nous devons croire dans la puissance de la science. Nous devons y croire avec passion mais aussi avec raison.
Une œuvre collective
» Nous devons croire au progrès, nous devons croire dans la puissance de la science. Nous devons y croire avec passion mais aussi avec raison »
Le progrès scientifique est une œuvre collective et c’est la raison pour laquelle nous avons réformé nos universités et modernisé nos organismes de recherche pour essayer de mieux les ancrer dans notre paysage économique et social. À Palaiseau, l’École polytechnique s’est engagée à participer activement à la constitution d’un consortium scientifique et technologique de l’envergure du MIT.
L’École polytechnique a déjà commencé à conclure des partenariats. Elle devra encore les multiplier avec les acteurs présents et à venir du plateau de Saclay. Son niveau d’excellence l’appelle à jouer un rôle moteur auprès de ses partenaires. Tous les acteurs du Plateau sont concernés par la construction de ce pôle scientifique que nous voulons de niveau mondial. La dynamique est enclenchée. Elle doit impérativement se poursuivre, et principalement dans deux directions : la recherche et la technologie et l’émergence d’un grand campus.
Recherche et technologie
Nathalie Kosciusko-Morizet (92), Marion Guillou (73) et le Premier ministre François Fillon lors de la Présentation au drapeau de la promotion X 2008 |
D’ici 2011, nous avons prévu de doubler le potentiel de recherche du Campus. Il représente déjà 1 600 personnes, réparties dans 21 laboratoires conjoints à l’École polytechnique et d’autres organismes. Depuis mai dernier, la collaboration de l’École polytechnique avec l’université Paris-Sud a débouché sur la création d’un double diplôme. C’est une avancée dans le décloisonnement des universités et des grandes écoles ; elle doit être poursuivie. Enfin, le regroupement des pôles de recherche partagé en quatre domaines va dans le bon sens.
Un grand campus
Deuxième direction, pour faire émerger un grand campus dédié à la technologie : l’École polytechnique doit développer des partenariats privilégiés avec les entreprises. C’est tout ce qu’attendent celles qui ont choisi d’établir sur le Plateau leurs centres de recherche et développement.
La généralisation des chaires d’enseignement et de recherche soutenues par les entreprises répond à la même logique.
Mais les vertus de cette logique de solidarité ne porteront tous leurs fruits que si on les marie à une solide intégration dans l’environnement local. Avec le projet du plateau de Saclay, nous voulons prendre de l’avance. Nous avons adopté la logique de clusters encouragée au niveau européen et international. C’est en concentrant tous les acteurs de la chaîne de l’innovation que l’on peut susciter découvertes, transferts de technologie et création de richesses et d’emplois.
Diversité
Dans le grand bouleversement de la mondialisation, la France a plus que jamais besoin que ses élites soient conscientes de leur responsabilité éthique et sociale au service de la Nation.
Le jour venu, soyez des dirigeants éclairés et ouverts. Ne cherchez pas à vous entourer uniquement des gens qui vous ressemblent. La diversité des points de vue, des cultures, des tempéraments, des formations est une richesse pour toutes les organisations dans lesquelles vous serez amenés à exercer vos talents. La solidarité historique qui anime le réseau des polytechniciens est fondamentale ; mais sachez aussi aller plus loin et osez recruter des collaborateurs d’origines diverses, cette diversité est un investissement que vous ne regretterez pas.
Féminisation
Je crois nécessaire d’encourager les femmes à s’engager dans les sciences. Ce n’est pas parce que c’en est une qui dirige votre Conseil d’administration que l’on peut ignorer qu’elles sont seulement autour de 18 % à l’École polytechnique. Ce n’est naturellement pas un problème d’aptitude, c’est un problème culturel.
En tolérant que les filles soient détournées de branches professionnelles porteuses d’emploi, nous privons notre société de ressources indispensables à son développement. Pour que les comportements changent, nous avons ensemble une action de sensibilisation décisive à mener auprès de nos concitoyens.
Innovation
À l’issue de votre formation, une grande part d’entre vous choisira la recherche et l’expertise technique. Je ne peux que vous encourager à le faire, et durablement.
Près des deux tiers d’entre vous s’orienteront vers les grandes entreprises. Je veux rappeler que la France manque d’entreprises de taille moyenne innovantes et que ce sont elles qui seront nos grandes entreprises de demain. Le gouvernement s’est engagé en faveur de l’innovation, en proposant le Crédit d’impôt recherche et en développant les pôles de compétitivité. N’ayez pas peur de profiter de cette dynamique et de devenir des créateurs d’entreprises. Avec un incubateur d’entreprises sur le Campus, vous avez les moyens de le faire dès maintenant.
Au service de l’État
» La diversité des points de vue, des cultures, des tempéraments, des formations est une richesse pour toutes les organisations dans lesquelles vous serez amenés à exercer vos talents »
À la sortie de l’École, bien des carrières vous seront offertes. C’est le résultat d’une spécialité française : tandis que, dans d’autres pays, les diplômes juridiques tiennent le haut du pavé, chez nous, le diplôme d’ingénieur reste l’un des modes d’accès reconnus à des postes de responsabilité.
Chaque année à la sortie de l’École, une petite centaine d’entre vous rejoint les » corps techniques » de l’État. Comme jadis certains s’étaient demandés si » la République avait besoin de savants « , certains se demandent aujourd’hui si l’État a encore besoin d’ingénieurs.
Oui, nous avons besoin d’ingénieurs au service de l’État. Parce qu’il existe des missions régaliennes, comme la défense ou le financement des grandes infrastructures. Parce que l’État doit pouvoir se reposer sur les capacités d’analyse et de programmation de ses ingénieurs.
Au final, quoi que vous choisissiez au sortir de l’École, vous participerez au rayonnement de la France par vos qualités individuelles. Il y en a une que vous avez tous en partage : la connaissance personnelle des sciences et la conscience que leur exercice est exigeant.
Vos qualités font de vous des femmes et des hommes capables de relever ce qui est à mon sens l’un des grands défis actuels : réconcilier les Français avec le progrès scientifique et technologique. Nous devons réussir à faire la synthèse des nouveaux enjeux environnementaux et économiques.
Être audacieux
Nous devons convaincre nos concitoyens que le progrès scientifique est source d’avancées pour l’ensemble de la société, que la qualité de vie, la médecine et même le développement durable s’en nourrissent. Je vous souhaite d’aller chacun planter votre drapeau sur les territoires que vous choisirez de conquérir. Je vous souhaite d’être audacieux, parce qu’après tout il n’est pas de gloire sans courage ni prise de risques. Et, quoi que vous fassiez par la suite, souvenez-vous des mois passés au sein des services des armées ou des services de l’État, et » demandez-vous ce que vous pouvez faire pour votre pays « , car sa grandeur dépend de l’engagement de chacun d’entre nous.