Réconcilier les Français avec l’industrie
Le récit d’une société postindustrielle fabless, dans laquelle les patriciens des pays développés s’adonneraient aux nobles tâches de conception et d’innovation, aux arts et aux loisirs, tandis que les besogneux des pays moins chanceux fabriqueraient les produits que nous consommons pour profiter de nos services à forte valeur ajoutée, a fait rêver quelques naïfs égoïstes au début des années 2000.
“ L’industrie reste le socle de notre cohésion sociale et de notre prospérité économique ”
Mais cette mystification n’a pas survécu à la crise.
La France importe chaque année 50 à 70 milliards de sources d’énergie, selon les cours mondiaux. Les exportations de services (tourisme inclus) lui rapportent 20 à 30 milliards les bonnes années.
À moyen terme, il faut donc exporter des biens industriels ou grelotter, car on ne peut pas s’endetter indéfiniment.
À long terme, les capacités de conception des produits et des procédés suivent toujours la production : comment améliorer un processus que l’on ne maîtrise plus ?
Cependant l’industrie est mal aimée en France : si 82 % des Chinois jugent attractif d’y travailler, ou 67 % des Américains des États-Unis, ce n’est le cas que de 36 % des Français1.
Pour prospérer demain et attirer les talents, l’industrie doit donc se réconcilier avec les Français en se montrant respectueuse de l’environnement, des personnes qui y travaillent, des riverains et des consommateurs.
Elle doit affronter avec succès la déstabilisation et l’opportunité que représentent l’invasion du numérique, dans la relation avec les clients comme dans les procédés, et le nécessaire découplage de la croissance et de la consommation des ressources limitées (dont la capacité de l’écosystème à absorber nos déchets et nos émissions).
L’industrie reste le socle de notre prospérité économique et de notre cohésion sociale, mais une industrie profondément transformée, indissociable des services qui lui sont associés ou dont elle permet l’existence.
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1. Voir Pierre Veltz et Thierry Weil, L’Industrie, notre avenir, Paris, Eyrolles, 2015.