Réforme de l’ENA : les vrais termes du débat

Dossier : La réforme de l'ÉtatMagazine N°593 Mars 2004
Par Arnaud TEYSSIER

Les lignes que l’on va lire forment une réflexion, un point de vue sur la réforme de l’E­NA qui s’en­gage, plus qu’un expo­sé neutre et exhaus­tif des récentes déci­sions gou­ver­ne­men­tales. Leur pro­pos est de situer le dis­po­si­tif actuel et ses pers­pec­tives d’é­vo­lu­tion dans le champ de la conti­nui­té his­to­rique ; de ten­ter d’ex­pli­quer les dif­fi­cul­tés qui accablent depuis au moins dix ans cette ins­ti­tu­tion célèbre et jalou­sée ; et de mon­trer qu’il existe peut-être quelques rai­sons, modestes mais réelles, d’es­pé­rer une vraie rénovation.

Pourquoi l’ENA ?

En un cer­tain sens, le dis­cours sur la réforme de l’E­NA est aus­si ancien que l’É­cole elle-même. Lors­qu’en 1945, dans un bel élan de volon­ta­risme, le géné­ral de Gaulle et Michel Debré ont créé l’É­cole natio­nale d’ad­mi­nis­tra­tion, ils savaient qu’ils allaient bou­le­ver­ser des habi­tudes, sus­ci­ter des résis­tances, faire naître des res­sen­ti­ments durables.

Avant la guerre, les corps de la haute fonc­tion publique assu­raient eux-mêmes leur recru­te­ment. C’é­tait le sys­tème des concours sépa­rés, dont la créa­tion et le déve­lop­pe­ment avaient mar­qué un impor­tant pro­grès par rap­port aux méthodes anciennes de coop­ta­tion. Mais en gar­dant la haute main sur ces concours, les corps conser­vaient un pou­voir exor­bi­tant, qui les condui­sait, de manière consciente ou incons­ciente, à favo­ri­ser cer­tains pro­fils sociaux, et qui les expo­sait direc­te­ment aux jeux d’in­fluence du gou­ver­ne­ment et du milieu par­le­men­taire. Ce der­nier point est essen­tiel : lorsque plus tard il exal­te­ra » l’É­tat impar­tial « , de Gaulle ne vise­ra rien d’autre – lit­té­ra­le­ment – que la fin de la domi­na­tion des par­tis sur l’État.

Mais l’ob­jec­tif de 1945 n’é­tait pas seule­ment de réduire les effets de la repro­duc­tion sociale et du favo­ri­tisme poli­tique dans les recru­te­ments de la haute fonc­tion publique. Il était aus­si de pro­duire une élite admi­nis­tra­tive dis­po­sant de com­pé­tences géné­rales, capable de s’a­dap­ter aux trans­for­ma­tions rapides de la socié­té et de ses exi­gences, ain­si qu’aux évo­lu­tions, plus rapides encore, de l’en­vi­ron­ne­ment international.

On ne par­lait pas encore de » mon­dia­li­sa­tion « , mais l’i­dée était déjà là… Dans le même mou­ve­ment, le nou­veau corps des admi­nis­tra­teurs civils, à voca­tion inter­mi­nis­té­rielle, était créé dans une pers­pec­tive claire d’u­ni­fi­ca­tion, de mobi­li­sa­tion et d’ac­tion. La for­ma­tion à l’É­cole devait donc être orien­tée vers l’ap­pli­ca­tion, et non vers l’en­sei­gne­ment uni­ver­si­taire, elle devait mettre en valeur des qua­li­tés de méthode, de syn­thèse et de rapi­di­té. C’é­tait bien un » moule » qui était recher­ché, non un moule pour les consciences mais un moule pour les pra­tiques et les réflexes pro­fes­sion­nels. S’il fal­lait à tout prix cher­cher une com­pa­rai­son étran­gère, on pour­rait dire que le Géné­ral sou­hai­tait un genre de » West Point » pour l’ad­mi­nis­tra­tion : effi­ca­ci­té, rapi­di­té, mobi­li­té dans la manœuvre, au ser­vice d’un État dyna­mique et actif.

Un der­nier objec­tif était recher­ché, et il n’é­tait pas mineur dans le contexte de 1945 : la démo­cra­ti­sa­tion de l’ac­cès aux grands emplois, qui devait être encou­ra­gée par la créa­tion d’un concours réser­vé aux fonc­tion­naires, ini­tia­tive sans pré­cé­dent pour une grande école. La garan­tie finale était appor­tée par le sys­tème du clas­se­ment : en don­nant aux élèves, sui­vant leur mérite, le choix de leur affec­ta­tion ini­tiale dans l’ad­mi­nis­tra­tion, on limi­tait les dan­gers de la repro­duc­tion sociale, du favo­ri­tisme poli­tique… et aus­si du clo­nage en série – car le pro­pos très actuel sur le thème : » un patron doit pou­voir choi­sir ses col­la­bo­ra­teurs » révèle toute son absur­di­té lors­qu’on l’ap­plique à l’ad­mi­nis­tra­tion (où le » patron » est un corps), et au début de car­rière. C’est le moyen le plus sûr de pro­vo­quer la repro­duc­tion à l’in­fi­ni des pro­fils » conformes « .

Pourquoi tant de difficultés depuis dix ans ?

On aura com­pris que le » sys­tème » ENA, très visible et donc très facile à atta­quer, ne pou­vait que sus­ci­ter, tout au long de son exis­tence, de sourdes et immuables hos­ti­li­tés. Tous les cor­po­ra­tismes – de grande et petite taille – qui s’é­taient trou­vés moles­tés par la réforme de 1945 n’ont jamais renon­cé ni désar­mé. Mais c’est sur­tout depuis le début des années quatre-vingt-dix que s’est déve­lop­pé ce qu’il faut bien appe­ler le » grand psy­cho­drame « . Le décor a été plan­té par le gou­ver­ne­ment Cres­son : en 1991, il est déci­dé de trans­fé­rer bru­ta­le­ment l’É­cole à Stras­bourg, sans l’ombre d’une concer­ta­tion ni d’une réflexion préa­lables. Der­rière l’af­fi­chage de prin­cipe, pure­ment sym­bo­lique, on » délo­ca­lise » les admi­nis­tra­tions vers la pro­vince, l’in­ten­tion est clai­re­ment » puni­tive » et, à ce titre, quelque peu inju­rieuse pour l’Al­sace, ain­si pré­sen­tée comme une terre d’exil.

Cha­cun s’ac­corde alors à recon­naître l’ab­sur­di­té d’une déci­sion qui éloigne les élèves de leurs prin­ci­paux for­ma­teurs – qui sont pour l’es­sen­tiel les cadres de l’ad­mi­nis­tra­tion cen­trale. Le Conseil d’É­tat annule deux ans plus tard le trans­fert, mais le gou­ver­ne­ment Bal­la­dur, arri­vé entre-temps aux affaires et n’o­sant pas reve­nir sur le pro­ces­sus enta­mé, opte pour une cote mal taillée qui fait figure de moindre mal. Il est déci­dé que l’É­cole vivra sur deux sites, et que les pro­mo­tions, l’ad­mi­nis­tra­tion, le conte­nu même de la sco­la­ri­té devront s’a­dap­ter à cette contrainte lourde, coû­teuse et absurde.

Au cours de cette période, deux fac­teurs – qui ne sont certes pas de même nature, ni de même impor­tance – se conjuguent pour aggra­ver les han­di­caps dont souffre l’E­NA. Le pre­mier tient à l’aug­men­ta­tion déme­su­rée des écarts d’âge entre les élèves. Le dépla­fon­ne­ment de l’âge limite pour les élèves du concours interne, la créa­tion – sur le prin­cipe fort oppor­tune – d’un troi­sième concours pour les can­di­dats issus de la socié­té civile accroissent l’hé­té­ro­gé­néi­té des pro­mo­tions et rendent plus périlleux encore le grand pari ini­tial de l’É­cole : une seule for­ma­tion, un seul clas­se­ment pour une popu­la­tion socia­le­ment et pro­fes­sion­nel­le­ment très diver­si­fiée. Le second fac­teur tient au contexte poli­tique et ins­ti­tu­tion­nel : les coha­bi­ta­tions suc­ces­sives, la » crise du poli­tique » si jus­te­ment et si abon­dam­ment diag­nos­ti­quée éva­cuent de manière radi­cale tout dis­cours un peu construit sur l’a­ve­nir de l’É­tat et de ses métiers.

Bal­lot­tés entre Paris et Stras­bourg, pri­vés de toute pers­pec­tive claire sur l’a­ve­nir, frus­trés dans leurs attentes – qui sont, on le devine, fort diverses, selon qu’on est élève de 22 ans ou de 45 -, les » énarques » sont livrés à un malaise de plus en plus pro­fond, et le font savoir à la presse qui les inter­roge. Et comme au même moment, les dif­fi­cul­tés gou­ver­ne­men­tales rendent ten­tantes les diver­sions les plus sym­bo­liques, la cri­tique per­ma­nente de l’E­NA devient un thème favo­ri pour une par­tie du milieu poli­tique, et sa » réforme » l’un des mar­ron­niers pré­fé­rés de la presse : le phé­no­mène nour­ris­sant ain­si, par un ter­rible effet de réfrac­tion, les angoisses para­ly­santes des cabinets.

Les direc­teurs suc­ces­sifs de l’É­cole ont tous ten­té, au cours de cette période, de faire évo­luer la sco­la­ri­té. Cha­cun l’a fait à sa manière, soit en ten­tant d’u­ti­li­ser les médias, soit en jouant la carte de la dis­cré­tion. Les matières, les épreuves n’ont d’ailleurs pas ces­sé de bou­ger, créant quel­que­fois chez les élèves des per­tur­ba­tions sup­plé­men­taires. Mais l’é­chec final était tou­jours au ren­dez-vous. Pou­vait-il en être autre­ment ? On ne réforme pas une grande école dans le tohu-bohu média­tique et le psy­cho­drame poli­tique. On ne la réforme pas, de sur­croît, en l’ab­sence d’une com­mande claire et pré­cise de » l’É­tat-employeur » sur ses besoins immé­diats et futurs.

Vieille his­toire : le dis­cours » sur » la réforme a para­ly­sé la réforme elle-même. Dis­cours très pari­sien au demeu­rant, puisque des son­dages com­man­dés par l’as­so­cia­tion des anciens élèves de l’E­NA à la Sofres au prin­temps 2002 ont mon­tré le déca­lage sai­sis­sant qui existe sur ce sujet entre, d’un côté, le monde poli­tique et média­tique, et de l’autre le pays réel : 2 % seule­ment des Fran­çais s’y décla­raient par­ti­sans de sup­pri­mer l’E­NA, près des deux tiers se disant fiers que la France dis­pose d’une telle école. Et les Fran­çais, dans leurs réponses, ne se trom­paient pas sur la réa­li­té des choses, puis­qu’ils attri­buaient la res­pon­sa­bi­li­té des dys­fonc­tion­ne­ments de l’É­tat au désen­ga­ge­ment des poli­tiques, et non au pou­voir enva­his­sant des fonctionnaires.

Il aura fal­lu une attaque vio­lente de quelques dépu­tés contre l’E­NA, à l’au­tomne 2002, et la volon­té réso­lue du nou­veau ministre de la Fonc­tion publique, Jean-Paul Dele­voye, de tran­cher ce débat sans logique et sans fin, pour que de nou­velles pers­pec­tives soient enfin ouvertes. À cet égard, le rap­port com­man­dé à la com­mis­sion pré­si­dée par Yves-Thi­bault de Sil­guy, et remis en avril 2003, a contri­bué à dénouer les choses : des constats sévères, sou­vent justes, sur les insuf­fi­sances de la for­ma­tion à l’É­cole – mais com­ment aurait-il pu en être autre­ment, dans le contexte des dix der­nières années ? – débou­chaient sur des pro­po­si­tions d’une por­tée fort inégale. Cer­taines pistes de réforme ouvertes par le rap­port étaient même très périlleuses ou contes­tables, puis­qu’elles abou­tis­saient à la sup­pres­sion du clas­se­ment et au retour à la sélec­tion par les corps, ain­si qu’à la dis­pa­ri­tion subrep­tice du concours interne et du troi­sième concours – gages d’une réelle diver­si­té des pro­fils. D’autres pro­po­si­tions – inté­res­santes – se signa­laient en revanche par une timi­di­té excessive…

Le débat autour du rap­port Sil­guy a per­mis, en quelque sorte, de » cre­ver l’ab­cès « , et de faire le par­tage entre les fausses bonnes ques­tions et les vrais grands sujets.

Quelques raisons d’espérer…

Les condi­tions d’une bonne réforme de l’E­NA sont somme toute assez simples, dans leur énon­cé du moins : il faut, au som­met de l’É­tat, une vision claire du rôle des grandes admi­nis­tra­tions publiques dans les années qui viennent ; des objec­tifs clairs, une » com­mande » en somme, pour l’É­cole, qui lui per­mettent de s’in­té­grer dans ces grandes pers­pec­tives d’é­vo­lu­tion ; et, enfin, une marge réelle d’au­to­no­mie pour l’é­quipe de direc­tion, qui lui donne les cou­dées franches pour bâtir son pro­jet péda­go­gique, sous le contrôle du Conseil d’administration.

Les orien­ta­tions qui ont été défi­nies par le gou­ver­ne­ment vont dans ce sens. La com­mu­ni­ca­tion du 22 octobre 2003, pré­sen­tée par Jean-Paul Dele­voye en Conseil des ministres, par­tait de la réforme de l’É­tat et d’un sché­ma géné­ral de réforme de la ges­tion de l’en­ca­dre­ment supé­rieur pour en venir à l’E­NA elle-même. En par­ti­cu­lier : réor­ga­ni­sa­tion de l’É­cole et de son Conseil d’ad­mi­nis­tra­tion ; rap­pro­che­ment avec la fonc­tion publique ter­ri­to­riale ; ouver­ture réso­lue sur l’Eu­rope, avec accès direct des citoyens de l’U­nion euro­péenne aux concours d’en­trée de l’E­NA. Un cer­tain nombre de mesures plus ponc­tuelles – mais qui seront d’ef­fet déci­sif, tel l’a­bais­se­ment de l’âge limite du concours interne – ont éga­le­ment été annon­cées. L’es­prit géné­ral des orien­ta­tions don­nées est posi­tif, puis­qu’il s’a­git bien, pour l’E­NA, d’une ambi­tion renouvelée.

Contrai­re­ment à l’i­dée som­maire que cer­tains esprits cha­grins auraient vou­lu accré­di­ter, les don­nées nou­velles de la décen­tra­li­sa­tion ne condamnent pas le modèle fran­çais de haute fonc­tion publique. Bien au contraire : alors que l’or­ga­ni­sa­tion poli­tique et admi­nis­tra­tive de la France est en pleine muta­tion, le besoin de cadres supé­rieurs publics de qua­li­té, recru­tés selon les cri­tères répu­bli­cains, est plus fort que jamais, et recon­nu comme tel. En revanche, les méthodes, les for­ma­tions doivent évo­luer en pro­fon­deur, en syner­gie avec les dis­po­si­tifs de la fonc­tion publique ter­ri­to­riale. Il est éga­le­ment impor­tant qu’à l’oc­ca­sion de la com­mu­ni­ca­tion du 22 octobre la voca­tion euro­péenne et inter­na­tio­nale ait été réaf­fir­mée, bien au-delà des incan­ta­tions habi­tuelles. Mais la poli­tique ne perd jamais ses droits : cette grande ambi­tion fixée à l’E­NA devra s’ac­com­plir en presque tota­li­té à Stras­bourg, donc dans des condi­tions maté­rielles qui – les choses étant ce qu’elles sont – res­tent très difficiles.

C’est une nou­velle aven­ture, déli­cate et périlleuse, qui s’ouvre pour l’E­NA. Seules les grandes orien­ta­tions ont été don­nées. La réno­va­tion pra­tique de la sco­la­ri­té reste à défi­nir. Bien des ambi­guï­tés demeurent, qui devront être levées. Alors qu’elle s’ap­proche de ses soixante ans d’exis­tence (octobre 2005), cette jeune école va devoir accom­plir une véri­table révo­lu­tion dans le cadre de contraintes très lourdes. Les plus pes­si­mistes estiment qu’elle ne sur­vi­vra pas à sa délo­ca­li­sa­tion stras­bour­geoise, quelle que soit la bonne volon­té des dif­fé­rents acteurs – notam­ment celle, mani­feste et sin­cère, des élus alsa­ciens. Ces pes­si­mistes sont rejoints par tous ceux qui ne déses­pèrent pas de voir dis­pa­raître une école qui a été conçue pour aider les diri­geants à gou­ver­ner, et non pour mettre vague­ment en forme de la ges­tion à la petite semaine.

Les plus opti­mistes espèrent qu’elle par­vien­dra à sur­mon­ter les obs­tacles et à reprendre, en Europe, la posi­tion conqué­rante d’une grande ins­ti­tu­tion de for­ma­tion au ser­vice des citoyens. Tout dépen­dra de la réelle auto­no­mie qui lui sera don­née, du sou­tien ferme et confiant que pour­ra lui appor­ter la tutelle, et aus­si du bon sens et de la mobi­li­sa­tion intel­li­gente des élèves. L’in­no­va­tion péda­go­gique, pour une école d’ap­pli­ca­tion, avec le clas­se­ment au terme du pro­ces­sus, est tou­jours une tâche dif­fi­cile. L’é­qui­libre entre l’é­qui­té maxi­male que garan­tit le strict aca­dé­misme et l’in­cer­ti­tude inhé­rente aux ensei­gne­ments les plus nova­teurs est tou­jours d’un manie­ment délicat.

Enfin, le suc­cès d’en­semble repo­se­ra sur la capa­ci­té des pou­voirs publics à pro­mou­voir une ges­tion moderne de l’en­ca­dre­ment supé­rieur public. Ce n’est pas un sujet média­ti­que­ment très por­teur, mais il est essen­tiel pour l’a­ve­nir du pays. La plu­part des autres États euro­péens, du plus grand au plus modeste, se sont enga­gés sur cette voie et ont pris de l’a­vance sur la France. L’As­so­cia­tion des anciens élèves de l’E­NA milite en ce sens, par ses propres ini­tia­tives et aux côtés des asso­cia­tions d’in­gé­nieurs. Nous avons dans ce domaine une expé­rience recon­nue à valo­ri­ser, nous avons aus­si un modèle à réno­ver et à dif­fu­ser. Les anciens élèves fran­çais de l’E­NA le savent bien : les deux mille cama­rades étran­gers qui ont par­ta­gé leur sco­la­ri­té passent leur temps à le leur dire et à le leur répéter.

L’ENA, somme toute, n’est qu’un outil au ser­vice de la col­lec­ti­vi­té. Un outil qui doit être adap­té aux besoins nou­veaux. Mais un outil qui doit être uti­li­sé, et uti­li­sé pour ce qu’il est : au ser­vice de l’an­ti­ci­pa­tion, de la déci­sion, de l’ac­tion. Riche­lieu disait : » Ceux qui vivent au jour la jour­née vivent heu­reu­se­ment pour eux-mêmes – mais on vit mal­heu­reu­se­ment sous leur conduite. » L’ENA est une école qui a été conçue non – comme on le croit trop sou­vent, trom­pé par d’illustres exemples ! – pour four­nir des gou­ver­nants, mais pour ser­vir ceux qui gou­vernent, pour les aider à pré­voir, à déci­der et à agir. À eux de mon­trer qu’ils ont com­pris l’ou­til, et qu’ils sont capables de s’en servir.

Pour mémoire, la sen­tence de Riche­lieu était pla­cée en exergue du livre de Pierre Men­dès-France, Gou­ver­ner c’est choi­sir, paru en 1953, mais on trouve le même rai­son­ne­ment – presque la para­phrase – dans le tout der­nier livre de Mar­ga­ret That­cher, Sta­te­craft... ce qui nous éloigne des vaines consi­dé­ra­tions sur libé­ra­lisme et étatisme…

L’a­ve­nir proche nous dira si nous en avons bel et bien fini avec le psy­cho­drame un peu pué­ril de ces der­nières années, et si nous sommes enga­gés, pour de bon, dans un mou­ve­ment durable de réforme de l’É­tat et de l’ac­tion publique au sein d’une démo­cra­tie adulte.

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