Regards sur cet inconnu, le papier

Dossier : Le boisMagazine N°578 Octobre 2002
Par Jacques STURM
Par Jérôme GRASSIN (65)

En sai­sis­sant cette page vous appré­ciez en pre­mier lieu son épais­seur et son gram­mage (poids au m2). Il s’a­git d’un papier fin (80 g/m2) d’im­pres­sion écri­ture, de peu de main (volume mas­sique inverse de la masse volu­mique), à indice de blan­cheur moyen. Ce papier est lisse au tou­cher, car il a été » cou­ché « . Lors de sa fabri­ca­tion on l’a revê­tu d’une couche, de faible épais­seur, d’a­mi­don et de pro­duits tels que le kao­lin ou le talc, afin de lui confé­rer une bonne impri­ma­bi­li­té et une cer­taine opa­ci­té, juste suf­fi­sante en l’oc­cur­rence. Il va de soi que le poids de la revue est un fac­teur influen­çant ses coûts directs et indi­rects (expé­di­tion).

Si vous accep­tez de déchi­rer légè­re­ment la page objet de notre atten­tion, vous note­rez sa résis­tance à la déchi­rure (sa mesure fait l’ob­jet d’une norme, mais vous vous conten­te­rez ici d’une appré­cia­tion qua­li­ta­tive) et, de pré­fé­rence en pre­nant votre loupe, vous pour­rez obser­ver sa struc­ture, fibreuse au cœur, lisse (couche) en sur­face. Cer­taines fibres, mino­ri­taires, sont longues (de 2 à 4 mm), car elles pro­viennent de rési­neux (coni­fères), mais la plu­part sont courtes (1 mm) et pro­viennent de feuillus. Un papier d’emballage, dont les pro­prié­tés de résis­tance à l’é­cla­te­ment et à la déchi­rure sont essen­tielles, serait consti­tué d’un tis­su de fibres longues. Les fibres sont en effet consti­tuées de macro­mo­lé­cules de cel­lu­lose, por­teuses de nom­breux grou­pe­ments hydroxyles (OH). En pré­sence d’eau, les fibres vont avoir ten­dance à s’ac­cro­cher entre elles grâce à la for­ma­tion de ponts hydrogènes.

Ce n’est donc pas un phé­no­mène d’ac­cro­chage méca­nique des fibres entre elles, mais la force de liai­son chi­mique inter­fibre qui pro­cure au papier cette éton­nante résistance.

Machines à papier… de Louis-Nico­las Robert…
… à aujourd’hui​
Machine à papier moderne


En reli­sant d’an­ciens exem­plaires de la revue, vous avez consta­té le léger jau­nis­se­ment du papier, en par­ti­cu­lier dans les zones expo­sées à la lumière. Ce jau­nis­se­ment est dû à l’al­té­ra­tion de la lignine sous l’ac­tion des ultra­vio­lets. Cette obser­va­tion est ici beau­coup plus ténue que s’il s’a­gis­sait de papier jour­nal. En effet, le papier que vous avez entre les mains, par­tiel­le­ment déchi­ré si vous avez sui­vi les consignes ci-des­sus, est fabri­qué à base de pâte chi­mique, consti­tuée des fibres cel­lu­lo­siques désha­billées de leur matrice de lignine.

Le papier jour­nal se contente d’un défi­brage ther­mo-méca­nique de bois blanc (sapin, épi­céa) débar­ras­sé de son écorce, sans dis­so­cia­tion de la lignine, ce qui génère un ren­de­ment bois/pâte double, mais aus­si une sen­si­bi­li­té au jau­nis­se­ment sous l’ef­fet de la lumière.

Inté­res­sons-nous l’es­pace d’un ins­tant à la cou­ver­ture de la revue. Le papier est de gram­mage plus éle­vé, cou­ché brillant deux faces, à base de pâte chi­mique de fibres courtes, ensemble de carac­té­ris­tiques favo­ri­sant une impres­sion cou­leur de qua­li­té. Il n’est pas pel­li­cu­lé pour des rai­sons de coût et de cohé­rence avec l’u­ti­li­sa­tion d’un tel mensuel.

Aban­don­nons, non pas la lec­ture de l’ar­ticle, mais l’a­na­lyse de ses papiers, pour nous inté­res­ser un ins­tant à leur fabrication.

La fabrication des pâtes et papiers : que d’interfaces technologiques !

La recherche, fac­teur de syner­gie forêt-papier

L’AFOCEL a reçu, en octobre 2001 à Seat­tle, le prix William S. Ful­ler de la “ M​eilleure com­mu­ni­ca­tion scien­ti­fique de l’année 2000 ” par le Comi­té de TAPPI (Tech­ni­cal Asso­cia­tion of Pulp and Paper Indus­try) spé­cia­li­sé dans les pro­blé­ma­tiques d’approvisionnement indus­triel. Ce prix récom­pense les tra­vaux de recherche por­tant sur la pré­dic­tion des qua­li­tés pape­tières de don­nées forestières.

Diri­gée par Guillaume Chantre et son équipe du Labo­ra­toire Bois pro­cess de l’AFOCEL, l’étude per­met­tra ain­si aux indus­triels d’optimiser l’approvisionnement en bois de leurs sites de pro­duc­tion en fonc­tion des carac­té­ris­tiques recher­chées sur le pro­duit final. Les tra­vaux pri­més ont été réa­li­sés en par­te­na­riat avec les indus­triels aqui­tains (Smur­fit Cel­lu­lose du Pin, Pape­te­ries de Gas­cogne et Tem­bec Tar­tas) et le sou­tien des Régions Aqui­taine et Île-de-France.

L’in­dus­trie du papier, indus­trie plu­ri­mil­lé­naire, socle du déve­lop­pe­ment des socié­tés : oui ! Indus­trie tra­di­tion­nelle : non ! Jugeons-en. Nous avons cité les deux pro­cé­dés majeurs de fabri­ca­tion de pâtes à papier : pro­cé­dés méca­niques (jour­nal, maga­zine…), pro­cé­dés chi­miques (papiers » sans bois « , d’im­pres­sion écri­ture, d’emballage ou d’hy­giène). Ces der­niers consistent en une cuis­son de pla­quettes de bois (issus de ron­dins d’é­clair­cie ou de chutes de scie­rie) dans des » les­si­veurs » en pré­sence d’une liqueur de cuis­son (soude géné­ra­le­ment, sul­fite), à 170 ° envi­ron, en conti­nu ou par cuvées, afin de sépa­rer la lignine de la cellulose.

La lignine (sous forme de » liqueur noire ») est brû­lée, ren­dant auto­nome éner­gé­ti­que­ment le pro­cé­dé, qui plus est sans géné­rer d’ef­fet de serre (car­bone bio­gé­nique). Par ailleurs, les cendres de cuis­son sont régé­né­rées chi­mi­que­ment et réin­tro­duites dans le pro­ces­sus. La lignine rési­duelle incrus­tant les fibres de cel­lu­lose confère à la pâte, lavée en sor­tie de cuis­son, son aspect écru (papier » kraft »).

L’o­pé­ra­tion de blan­chi­ment consiste en une suc­ces­sion de stades d’oxy­da­tion avec des agents tels que le per­oxyde d’hy­dro­gène, l’oxy­gène, le bioxyde de chlore, en fonc­tion du degré de blan­cheur désiré.

Cette pâte sera séchée sur un » presse pâte » pour être ven­due (pâte mar­chande) et expé­diée vers l’u­ni­té de pro­duc­tion de papier ou, diluée à 99 %, elle ali­men­te­ra direc­te­ment la caisse de tête de la machine à papier si l’u­ni­té de pro­duc­tion est intégrée.

Entre l’in­ven­tion par le Fran­çais Louis-Nico­las Robert, en 1799, de la pre­mière machine à papier en conti­nu, pro­dui­sant des rubans de papier de 12 à 15 m de lon­gueur, et les machines modernes qui enroulent, 24 heures sur 24, 365 jours par an (si la conjonc­ture le per­met), à près de 100 km/heure pour cer­taines (2 400 km/jour), une feuille de papier de 10 m de laize (lar­geur) sur la bobine mère en sor­tie de machine, que d’é­vo­lu­tions tech­no­lo­giques et d’in­ter­faces tech­no­lo­giques à maîtriser !

Schéma de procédé d’une machine à papier à table plate

Méca­nique, chi­mie (liai­sons entre les adju­vants et les fibres…), bio­lo­gie (varia­bi­li­té des fibres selon les espèces fores­tières…), hydrau­lique, éner­gé­tique (chau­dières à » liqueur noire « , à écorce, cogé­né­ra­tions…), rhéo­lo­gie de la couche de fibre, élec­tro­nique, cap­teurs, régu­la­tions, génie des pro­cé­dés, maî­trise des tech­niques d’é­pu­ra­tion de l’eau (entrée, rejet), de l’air, et de trai­te­ment des déchets (boues d’é­pu­ra­tion et de désencrage).

Schéma de procédé d’une machine à papier à table plate

S’a­gis­sant de pro­ces­sus conti­nus, la com­plexi­té est ren­for­cée par la ges­tion en cir­cuits semi-fer­més des effluents et des adju­vants condui­sant à des phé­no­mènes d’ac­cu­mu­la­tion, source de cor­ro­sion poten­tielle des cir­cuits et de dys­fonc­tion­ne­ments (casse sur machine en pré­sence d’im­pu­re­tés sur le papier…) impo­sant la prise en compte des échelles de temps dans la ges­tion opti­mi­sée de la pro­duc­tion. Les pro­ces­sus pape­tiers sont par­mi les plus évo­lués qui soient et aus­si les plus sus­cep­tibles d’é­vo­lu­tion compte tenu des dif­fi­cul­tés à construire des modèles experts reflé­tant la réa­li­té des pro­ces­sus en jeu.

L’in­dus­trie pape­tière s’ap­puie sur deux centres de recherche col­lec­tive, l’As­so­cia­tion Forêt-Cel­lu­lose (AFOCEL), dont les com­pé­tences couvrent l’in­ter­face forêt-indus­trie et le Centre tech­nique du papier (Gre­noble) cen­tré sur les processus.

La France papetière : près de 100 000 emplois

Avec ses 110 entre­prises de fabri­ca­tion pape­tière (com­por­tant 17 sites de fabri­ca­tion de pâtes à papier), hors trans­for­ma­tion, ses 220 machines à papier, une fabri­ca­tion annuelle de plus de 10 mil­lions de tonnes (Mt) de papiers et car­tons et 2,5 Mt de pâte à papier, un niveau moyen d’in­ves­tis­se­ment de 300 mil­lions d’eu­ros par an, la France fait figure hono­rable dans le domaine pape­tier au plan international.

Évo­lu­tion de la pro­duc­tion et de la consom­ma­tion de papiers et carto​ns en France – 1980–2000
Évolution de la production et de la consommation de papiers et cartons en France – 1980-2000
SOURCE : COPACEL
Taux de concen­tra­tion de quelques indus­tries mon­diales – 2000 (part en %​des cinq pre­mières entre­prises dans le mar­ché mondial)
Taux de concentration de quelques industries mondiales – 2000
DONNÉES 1999 – SOURCE : JAAKKO POYRY SOURCE : COPACEL

Troi­sième four­nis­seur de papier et de car­ton en Europe, hui­tième pro­duc­teur mon­dial, plus de 50 % de la pro­duc­tion expor­tée (deux tiers en Europe), envi­ron 7 mil­liards d’eu­ros de chiffre d’af­faires, 24 000 sala­riés direc­te­ment employés. Avec la trans­for­ma­tion et la dis­tri­bu­tion, c’est envi­ron 1 000 entre­prises et près de 100 000 sala­riés qui sont concernés.

Le capi­tal des socié­tés ins­tal­lées sur le ter­ri­toire fran­çais est déte­nu à hau­teur de 60 % par des capi­taux étran­gers (amé­ri­cains, cana­diens, fin­lan­dais, sué­dois, nor­vé­giens, irlan­dais notam­ment). La concen­tra­tion des groupes, encou­ra­gée par le carac­tère capi­ta­lis­tique des inves­tis­se­ments à consen­tir, reste cepen­dant toute rela­tive si on la com­pare à d’autres sec­teurs tels que l’a­cier ou l’au­to­mo­bile. Le plus grand pro­duc­teur ne détient que quelques pour cents du mar­ché mon­dial de la sorte considérée.

Les matières pre­mières de l’in­dus­trie pape­tière fran­çaise sont consti­tuées de bois tant feuillus (mélan­gés, à l’i­mage de la forêt fran­çaise) que rési­neux pro­ve­nant de coupes d’é­clair­cie, de bois de houp­piers et de pro­duits connexes de scie­ries (dosses, déli­gnures et pla­quettes) pour 9,5 Mt (d’o­ri­gine fran­çaise à plus de 90 %), mais aus­si de papiers et car­tons récu­pé­rés pour 5 Mt, et enfin de 1,5 Mt de pro­duits de » cou­chage » (ami­don, talc, kao­lin, azu­rants optiques…).

Les fibres » vierges » issues de pâtes de bois repré­sentent un peu moins de la moi­tié des fibres uti­li­sées par l’in­dus­trie pape­tière fran­çaise compte tenu de la mon­tée en puis­sance pro­gres­sive de la récu­pé­ra­tion des papiers, dans le cadre d’un pro­ces­sus sou­te­nu par les auto­ri­tés euro­péennes et françaises.

Le taux de récu­pé­ra­tion des papiers en France reste cepen­dant sen­si­ble­ment en retrait, à 46,1 %, des niveaux atteints dans d’autres pays tels que l’Al­le­magne (69,8 %) ou la Bel­gique (51,6 %).

Les papiers pou­vant être fabri­qués à par­tir de fibres recy­clées ont, au plan éco­no­mique, un avan­tage à leur uti­li­sa­tion, mais les prix des matières pre­mières recy­clées sont éga­le­ment sus­cep­tibles de varia­tions conjonc­tu­relles plus fortes que ceux des res­sources fores­tières, compte tenu de l’ef­fet stock consti­tué par les bois sur pied en forêt.

Une priorité : la compétitivité internationale

Pâtes, papiers et car­tons s’é­changent à tra­vers le monde : balles de pâte ou bobines de papier ne rechignent pas à voya­ger par fer, mer et route. La moi­tié de la pro­duc­tion fran­çaise de papiers et car­tons est expor­tée, et 56 % de la consom­ma­tion est importée.

Cette faci­li­té d’é­change conduit à mesu­rer à l’é­chelle mon­diale les équi­libres offre-demande des grandes sortes pape­tières : pâtes (sui­vi atten­tif du niveau des stocks Nors­can des pro­duc­teurs nor­diques et d’A­mé­rique du Nord), papier jour­nal, » kraftliner « …

Fibres de cellulose de hêtre.
Fibres de cel­lu­lose de hêtre. 
© FÉDÉRATION FRANÇAISE DES PRODUCTEURS DE PÂTES DE CELLULOSE

Qua­li­fiées d’in­dus­tries cycliques, les » pape­tières » réagissent en effet for­te­ment et simul­ta­né­ment aux varia­tions conjoncturelles.
Lorsque les ache­teurs de pâte ou de papier anti­cipent des hausses de prix, leur demande est forte, ce qui favo­rise la mon­tée des prix, et inver­se­ment. Ain­si, les mou­ve­ments de sto­ckage et de désto­ckage ampli­fient-ils les évo­lu­tions conjonc­tu­relles. Au cours d’une phase favo­rable pour les pro­duc­teurs, ceux-ci génèrent des résul­tats – variables évi­dem­ment selon les situa­tions -, et ces résul­tats financent la moder­ni­sa­tion de ces uni­tés très capi­ta­lis­tiques, ce qui se tra­duit presque sys­té­ma­ti­que­ment par des accrois­se­ments de capacité.

Cette vague d’in­ves­tis­se­ment génère une offre sup­plé­men­taire qui, à la faveur d’un ralen­tis­se­ment de la crois­sance mon­diale, pré­ci­pite un retour­ne­ment du mar­ché et une suite récur­rente de baisses de prix.

Au plan d’une entre­prise, les prix résul­tant de ces dés­équi­libres s’im­posent comme une don­née exo­gène, ce qui génère des stra­té­gies de » coût mini­mum » de pro­duc­tion, dont la réus­site condi­tionne la com­pé­ti­ti­vi­té des groupes et sites industriels.

Par­mi les fac­teurs majeurs : le coût du bois ren­du usine, qui repré­sente près de 80 % des coûts variables d’une usine de pâtes chi­miques par exemple, et consti­tue une carac­té­ris­tique de l’ef­fi­ca­ci­té de la filière bois.

Sont concer­nées ici : la struc­ture fon­cière de la forêt (moyenne de quelques hec­tares en France, à com­pa­rer aux mil­liers d’hec­tares des uni­tés de ges­tion fores­tière amé­ri­caines), la nature des pro­prié­taires (forêts publiques ou pri­vées), les condi­tions de crois­sance (sols et cli­mats) et les essences, qui, com­bi­nées avec les modes de syl­vi­cul­ture, déter­minent les carac­té­ris­tiques et l’ho­mo­gé­néi­té – ou la diver­si­té – de la res­source et sa valeur en termes de trans­for­ma­tion indus­trielle. Le degré de méca­ni­sa­tion de l’ex­ploi­ta­tion fores­tière, lui-même influen­cé par les consi­dé­ra­tions pré­cé­dentes, les contraintes liées au trans­port (charge utile des camions variant du simple au triple selon les pays…), l’ef­fi­ca­ci­té logis­tique, la per­méa­bi­li­té à l’u­ti­li­sa­tion des NTIC… consti­tuent autant d’élé­ments concou­rant à la com­pé­ti­ti­vi­té des indus­tries liées à la forêt.

L’éner­gie (ther­mique et élec­trique), la main-d’œuvre (varia­bi­li­té des régimes sociaux entre pays) et la fis­ca­li­té (par exemple, la taxe pro­fes­sion­nelle en France, sans équi­valent dans les pays euro­péens) sont aus­si des para­mètres majeurs à consi­dé­rer dans la dyna­mique de loca­li­sa­tion des inves­tis­se­ments. Car si les pro­duits fabri­qués obéissent aux méca­nismes de for­ma­tion des prix au plan inter­na­tio­nal, les coûts de ceux-ci sont étroi­te­ment liés au ter­ri­toire d’im­plan­ta­tion des sites indus­triels, au plan local (matières pre­mières) ou natio­nal (éner­gie, fiscalité…).

L’at­trac­ti­vi­té du site France est évi­dem­ment en ques­tion pour béné­fi­cier d’in­ves­tis­se­ments pape­tiers dont l’u­ni­té se chiffre en cen­taines de mil­lions d’eu­ros, déci­dés le plus sou­vent par des groupes inter­na­tio­naux du fait de la concen­tra­tion conti­nue du sec­teur. Une action déter­mi­née en faveur de l’in­ves­tis­se­ment fores­tier, un cou­plage ren­for­cé amont-aval de la filière, une fis­ca­li­té recen­trée sur la moyenne euro­péenne per­met­traient de conso­li­der le posi­tion­ne­ment de cette indus­trie en France compte tenu de ses atouts au plan des res­sources en bois et des savoir-faire.

Stocks NORSCAN et cours de la pâte NBSK
Stocks NORSCAN et cours de la pâte à papier NBSK
SOURCE : COPACEL, FÉDÉRATION DES PÂTES

Un enjeu : les réponses aux attentes sociétales

La rela­tion de l’in­dus­trie pape­tière à l’en­vi­ron­ne­ment est para­doxale : si les fores­tiers sont atta­chés à l’exis­tence d’une demande sou­te­nue en » petits bois » – éclair­cies, houp­piers – appe­lés par les struc­tures d’ap­pro­vi­sion­ne­ment de l’in­dus­trie, les cita­dins s’é­meuvent de l’at­teinte por­tée au milieu » natu­rel » que consti­tue à leurs yeux la forêt. L’in­tense acti­vi­té sur la cer­ti­fi­ca­tion de la » ges­tion durable des forêts « , en France, en Europe et dans le monde, devrait contri­buer à une meilleure har­mo­nie des attentes réci­proques sur les forêts.

Balles de pâte à papier marchande.
Balles de pâte marchande. 
© FÉDÉRATION FRANÇAISE DES PRODUCTEURS DE PÂTES DE CELLULOSE

L’in­dus­trie pape­tière est aus­si for­te­ment consom­ma­trice d’éner­gie. C’est vrai, mais c’est aus­si la pre­mière pro­duc­trice d’éner­gie verte, à par­tir de la bio­masse, grâce aux chau­dières à » liqueur noire » (lignine du bois après extrac­tion des fibres de cel­lu­lose), à écorce et autres sous- pro­duits. L’in­dus­trie génère des émis­sions dans l’eau et dans l’air certes, mais celles-ci ont été réduites de plus de 80 % en vingt ans.

Le res­sen­ti est beau­coup plus spon­ta­né­ment favo­rable sur le maté­riau. L’é­vi­dente uti­li­té des papiers et car­tons, omni­pré­sents dans la vie quo­ti­dienne, leur rôle intrin­sè­que­ment lié à la culture, à la mémoire, à la péda­go­gie… leur carac­tère d’é­co­ma­té­riaux, car bio­dé­gra­dables, recy­clables, et issus d’une res­source renou­ve­lable, leur confèrent des atouts clai­re­ment per­çus par les citoyens. Les nou­velles tech­no­lo­gies de l’in­for­ma­tion et de la com­mu­ni­ca­tion ne semblent pas non plus remettre en cause un déve­lop­pe­ment tou­jours tonique à l’é­chelle mon­diale (+ 3 % par an), mais offrent au contraire, au moins à moyen terme, des oppor­tu­ni­tés de crois­sance appréciables.

Une indus­trie à fort conte­nu tech­no­lo­gique, inter­na­tio­na­li­sée, à inter­faces mul­tiples avec la forêt et sa ges­tion durable, les col­lec­ti­vi­tés ter­ri­to­riales, les grands équi­pe­men­tiers et ingé­nie­ristes, pré­sente sur une mul­ti­tude de mar­chés, inno­vant en per­ma­nence tant en matière de » pro­duits » que de » pro­ces­sus « , ayant de mul­tiples inter­ac­tions avec l’en­vi­ron­ne­ment ; mais une indus­trie qui, nou­veau para­doxe, n’a pas su faire valoir ces qua­li­tés auprès des jeunes qui ne sont pas spon­ta­né­ment atti­rés par ces métiers. Une image à recréer, c’est un défi sup­plé­men­taire pour l’in­dus­trie pape­tière, ses struc­tures pro­fes­sion­nelles et ses centres de recherche et de formation. 

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