Remettre les polytechniciens en uniforme
Depuis un an, le temps est à l’esprit de défense et à l’économie de guerre. L’idée que l’un d’entre nous avançait dans la JR de novembre 2021 est passée du stade de l’idée à la réflexion, et en est aujourd’hui à celui de l’étude.
Depuis le dernier quart du XIXe siècle, le polytechnicien disposait, outre le grand uniforme que tout le monde connaît, de deux tenues.
Au commencement, les X étaient militaires
Une tenue de sortie. Jusqu’en 1974, elle était basée sur le modèle de la tenue de sortie du génie, avec des distinctives X (képi, boutons, pattes de collet, losange de bras, pucelle, passants d’épaule). À partir de 1975 et l’inversion du service militaire, les X arrivent à Palaiseau dotés de la tenue qui était celle qu’ils ont utilisée durant leur année mili. Seuls les élèves étrangers, la catégorie dite « particulière », sont dotés de la tenue du génie (coton beige en été, jaspée en hiver) précitée.
Une tenue d’intérieur, noire jusqu’à la Seconde Guerre mondiale (le « berry »), et kaki de la troupe, avec spencer, dite BD (le battle-dress devenant la « bédé » ; intéressant ce changement de genre…), sans attributs, et sans couvre-chef.
Une première rupture : la fin de la BD
À l’occasion du déménagement, on a voulu civiliser (civilianiser ?) la BD. Nous étions au milieu des années 1970, la France était majoritairement antimilitariste, les élèves l’étaient encore plus…
On eut alors l’idée de créer une tenue improbable composée d’un pantalon et d’une chemise beiges, d’un pull vert armée à col en V. Tenue laide, qui, paraît-il, grattait. Tenue qui a donné lieu, entre 1983 et 1986, à plusieurs années de conflit entre les élèves et l’astra. In fine, la raison l’a emporté, et la BD fut supprimée pour les 86. Exit la tenue d’intérieur, on en profita d’ailleurs pour organiser une journée déguisée, dite… « journée BD ».
Une seconde rupture : la fin de l’année mili pour tous
C’est la réforme de 2000, réforme qui convertit l’année de service en « stage de formation humaine et militaire ». Une partie considérable (jusqu’à une centaine) des X effectuent ce stage au sein d’associations totalement civiles. Par définition, ces derniers n’ont plus d’uniforme. C’est donc la fin de la tenue de sortie. Plus de tenue d’intérieur, plus de tenue d’arme, ne reste donc que le GU. Le GU se porte en « conf-mili », ainsi qu’à toutes les occasions où l’uniforme est de rigueur. Il n’y a pas d’alternative.
Le retour à la militarité – imposer l’uniforme ?
Trois questions se posent systématiquement lorsqu’on veut changer quelque chose dans cette École.
La première, l’X est-elle une école civile ou militaire ? Remettre les élèves en uniforme serait, en soi, une réponse à la question.
Les élèves sont-ils prêts à l’accepter ? Nous pensons que oui, si ladite tenue est belle, confortable et que les modalités de son port sont discutées et adaptées. Notons qu’il n’est bien entendu pas question de leur demander leur avis, ceux qui la porteront n’ayant, par définition, pas encore passé le concours.
Enfin vient la question du coût : nous pensons qu’on peut descendre en dessous de 200 € par élève, soit moins de 100 k€ par promotion, avant remboursement des pantoufles. Que sont 100 k€, comparés au budget de l’École, qui tangente les 100 M€ ?
Pour une tenue astucieuse, élégante et tradi
Nous proposons donc un ensemble de tenues basées sur les couleurs du GU, noir et rouge. Pantalon et veste noirs, chemisette blanche, pull état-major noir, bonnet de police. Le caractère astucieux vient de la récupération d’un certain nombre d’effets existants, qu’il s’agisse de ceux actuellement déjà distribués aux élèves : le calot, le pantalon de GU, les bottines, les passants d’épaule, ou d’effets en dotation dans les forces, donc achetés en grand nombre et probablement très bien négociés : la veste noire de la gendarmerie, les chemise et chemisette blanches, le pull état-major, la cravate noire.
Un aperçu est donné dans les photos ci-contre. C’est, à notre sens, plutôt élégant
Quant au côté, tradi, il est partout, du bonnet, le fameux Ossian, aux boutons en passant par les bandes du pantalon, les alphas et le losange de bras.
Le fameux Ossian
Pierre-Ossian Bonnet est un polytechnicien de la promotion 1838, mathématicien, professeur à l’École polytechnique, à l’École normale supérieure puis détenteur de la chaire d’astronomie physique à la faculté des sciences de Paris. On lui doit d’importantes contributions en géométrie différentielle des surfaces, où il a notamment donné son nom à la formule de Gauss-Bonnet.
Références :
https://www.lajauneetlarouge.com/quelques-reflexions-sur-levolution-de-lecole-polytechnique/
Illustrations : @Binet photo
9 Commentaires
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C’est assez étonnant de la part de membres de promos qui se sont ouvertement opposées à la BD de proposer une nouvelle BD … Mais le monde est fait de contradictions
Quid de l’épée et des défilés des 14 07 ou 11 11 ? Ces derniers seront ils supprimés et sinon dans quelle tenue défileront les élèves ?
on conserve le GU, bien sûr. Par contre les répétitions pourront de faire dans la tenue proposée ici, avec épée et ceituron.
… en tous cas, je confirme : la BD grattait fort :-)) en plus d’être laide. Mais rappelons que le port de toute tenue militaire était acceptée par l’encadrement (à l’exception des conf mili où le GU s’imposait). Cela n’empechait pas une bonne partie d’entre nous de tenter de rester habillés le plus possible en civil. Je doute donc qu’investir sur l’elégance d’une nouvelle tenue soit le vrai enjeu. J’ai peut être loupé une étape (et je n’ai pas détesté ces années militaires) mais pourquoi cette question du « retour à la militarité » dont l’uiforme serait le symbole ? Il me semble que c’est le débat à avoir avant de parler tenues et coût, non ?
Excellent point : la « militarité » de l’Ecole est un sujet qui va et qui vient depuis près d’une centaine d’années. Il est aujourd’hui, à nouveau, au coeur de la réforme du cycle ingénieur. J’avais exprimé mon point de vue – et tenté de convaincre – ici : https://www.lajauneetlarouge.com/quelques-reflexions-sur-levolution-de-lecole-polytechnique/.
Que voici une particulièrement mauvaise idée ! Historiquement, l’X n’était pas militaire, et il a fallu une manœuvre de Napoléon, que n’auraient pas reniée les autorités soviétiques, pour qu’elle fût militarisée. Servir la soupe à l’autoritarisme ambiant et croissant n’est certainement pas le meilleur service que l’on puisse rendre à la Nation.
Elève de la 72, mon souvenir est celui du « battle-dress », avec version tenue d’hiver / tenue d’été , et non pas de la « bédé ». Je crois que nous avions un béret.
La tenue de sortie, avec képi (je l’ai encore, mes petits-enfants adorent), s’appelait tenue 21 ou 22, selon hiver ou été. Elle s’imposait dans les manifestations de solennité intermédiaire.
Pour les répétitions de défilé, c’était l’une ou l’autre de ces tenues, complétée d’épée et ceinturon
Bravo aux camarades qui lancent cette réflexion bien venue. Le retour à l’uniforme mili, pourquoi pas …Je trouve cependant que notre tenue de sortie à dominante beige des années 60 avait plus de classe que les premières idées développées das cet article.
Je fais partie de la promo 83 qui s’est effctivement « battue » pour n eplus avoir à porter la BD, laide et inconfortable. Je partage totalement l’avis de Christine Chiquet quant aux doutes sur la pertinence de cette question et son interrogation sur ce qui pousserait à revenir à plus de « militarité ».