Rémy Carle (X51), la croisade d’un humaniste pour l’énergie nucléaire
Décédé le le 29 janvier 2023, Rémy Carle a fait une brillante carrière au sein du CEA puis d’EDF. Il fut le promoteur d’une communication fondée sur l’écoute et le dialogue pour faire partager sa conviction : l’énergie décarbonée issue du nucléaire, et en particulier des réacteurs à neutrons rapides, jouera un rôle majeur dans le monde de demain.
Rémy, fils d’Adrien Carle, inspecteur des PTT, est né le 3 septembre 1930 à Paris. Au sortir de la guerre, il découvre que tout redevient possible dans un monde à reconstruire pour celui qui est suffisamment armé. Il fait donc le nécessaire : l’X en 1951 puis le corps des Mines.
Construire des piles, des réacteurs, des centrales
Entré au CEA en 1957, il s’y épanouit, prenant la direction de la construction des piles (1964), puis des réacteurs (1971). Il crée en 1974 TechnicAtome, dédiée aux petits réacteurs. Il rejoint EDF en 1976 pour participer à la réalisation de l’ambitieux programme électronucléaire décidé en 1974. Directeur de l’équipement en 1982, puis directeur de la production thermique, il devient directeur général adjoint de l’entreprise en 1987. Il préside de 1993 à 1997 l’Association mondiale des exploitants nucléaires.
Un sphinx bienveillant
Notre première rencontre remonte au début des années 80. J’avais été prévenu : « Il est toujours courtois mais il peut être distant et sibyllin. En revanche, si tu touches une corde sensible, le dialogue sera roboratif. » Tout se passa au mieux. Nos premiers échanges sur les perspectives énergétiques à long terme nous rapprochèrent immédiatement. Profondément humaniste, Rémy considérait que les scénarios de « croissance zéro » relevaient d’un cynisme de nantis. Sa passion pour le nucléaire se nourrissait d’une forte conviction : le monde de demain aura besoin d’une énergie propre et abondante pour soutenir un progrès économique et social mieux partagé. Puis on parla nucléaire. Exposé limpide de Rémy sur la neutronique. Vaste tour d’horizon des filières électronucléaires actuelles ou à venir. Pour conclure, un panégyrique des réacteurs à neutrons rapides (RNR) capables, grâce à la surgénération, de tirer le maximum d’énergie de l’uranium, produisant très peu de déchets et pouvant même, en cassant les noyaux de certains actinides, simplifier la gestion des déchets d’autres filières. Rémy, qui avait connu le développement de Phénix, supervisait maintenant la construction de Superphénix, RNR de 1200 MWe, sur le site de Creys-Malville.
Oser le débat
Pour Rémy Carle, le développement de l’électronucléaire n’était pas concevable sans l’établissement d’une relation de confiance pérenne entre les acteurs du nucléaire et la société. Cette exigence le conduisit à créer en 1973 la SFEN, société française d’énergie nucléaire, qui se voulait lieu d’élaboration d’une communication, transparente, cohérente et scientifiquement fondée, mais aussi lieu de débats apaisés où la société pourrait exprimer ses interrogations, ses inquiétudes et souvent y trouver une réponse satisfaisante. Rémy fut aussi l’un des fondateurs en 2010 de l’association Sauvons le climat, qui souligna dans maints débats le rôle que devait jouer le nucléaire dans la lutte contre le changement climatique.
Une soirée à Sceaux en 1993
Nous étions trois : Rémy, son épouse, et moi. La conversation était détendue, légère, même lorsqu’elle portait sur des sujets graves. Il me souvient que nous avons évoqué une récente rencontre avec nos collègues allemands à Berlin, juste un an après la chute du mur : Berlin-Est encore lézardé ; Sans-Souci, le palais d’un roi flûtiste au temps des Lumières ; un concert à l’Opéra. Puis Rémy se mit au clavecin ; rigueur et sensibilité, une porte entrouverte sur l’harmonie des sphères. Féru aussi de musique de chambre, il aimait y retrouver son violoncelliste préféré : l’ancien directeur de la centrale de Creys-Malville !
Commentaire
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Merci pour ce beau témoignage, j’ignorais que Rémy Carle fut aussi l’un des fondateurs en 2010 de l’association Sauvons le climat, il fut donc aussi précurseur dans ce domaine. Climat et nucléaires sont bien défendus aujourd’hui par Jean-Marc Jancovici. Bien d’accord aussi avec le fait que les scénarios de « croissance zéro » relèvent d’un cynisme de nantis. Mais, la religion de la croissance relève au mieux d’un aveuglement, au pire d’un même cynisme. Il est nécessaire de ralentir (notre croissance) sous peine de périr (cf. l’excellent livre de Timothée Parrique, ralentir ou périr)