Rémy Carle

Rémy Carle (X51), la croisade d’un humaniste pour l’énergie nucléaire

Dossier : TrajectoiresMagazine N°784 Avril 2023Par Jean BERGOUGNOUX (X59)

Décé­dé le le 29 jan­vier 2023, Rémy Carle a fait une brillante car­rière au sein du CEA puis d’EDF. Il fut le pro­mo­teur d’une com­mu­ni­ca­tion fon­dée sur l’écoute et le dia­logue pour faire par­ta­ger sa convic­tion : l’énergie décar­bo­née issue du nucléaire, et en par­ti­cu­lier des réac­teurs à neu­trons rapides, joue­ra un rôle majeur dans le monde de demain.

Rémy, fils d’Adrien Carle, ins­pec­teur des PTT, est né le 3 sep­tembre 1930 à Paris. Au sor­tir de la guerre, il découvre que tout rede­vient pos­sible dans un monde à recons­truire pour celui qui est suf­fi­sam­ment armé. Il fait donc le néces­saire : l’X en 1951 puis le corps des Mines.

Construire des piles, des réacteurs, des centrales

Entré au CEA en 1957, il s’y épa­nouit, pre­nant la direc­tion de la construc­tion des piles (1964), puis des réac­teurs (1971). Il crée en 1974 Tech­ni­cA­tome, dédiée aux petits réac­teurs. Il rejoint EDF en 1976 pour par­ti­ci­per à la réa­li­sa­tion de l’ambitieux pro­gramme élec­tro­nu­cléaire déci­dé en 1974. Direc­teur de l’équipement en 1982, puis direc­teur de la pro­duc­tion ther­mique, il devient direc­teur géné­ral adjoint de l’entreprise en 1987. Il pré­side de 1993 à 1997 l’Association mon­diale des exploi­tants nucléaires.

Un sphinx bienveillant

Notre pre­mière ren­contre remonte au début des années 80. J’avais été pré­ve­nu : « Il est tou­jours cour­tois mais il peut être dis­tant et sibyl­lin. En revanche, si tu touches une corde sen­sible, le dia­logue sera robo­ra­tif. » Tout se pas­sa au mieux. Nos pre­miers échanges sur les pers­pec­tives éner­gé­tiques à long terme nous rap­pro­chèrent immé­dia­te­ment. Pro­fon­dé­ment huma­niste, Rémy consi­dé­rait que les scé­na­rios de « crois­sance zéro » rele­vaient d’un cynisme de nan­tis. Sa pas­sion pour le nucléaire se nour­ris­sait d’une forte convic­tion : le monde de demain aura besoin d’une éner­gie propre et abon­dante pour sou­te­nir un pro­grès éco­no­mique et social mieux par­ta­gé. Puis on par­la nucléaire. Expo­sé lim­pide de Rémy sur la neu­tro­nique. Vaste tour d’horizon des filières élec­tro­nu­cléaires actuelles ou à venir. Pour conclure, un pané­gy­rique des réac­teurs à neu­trons rapides (RNR) capables, grâce à la sur­gé­né­ra­tion, de tirer le maxi­mum d’énergie de l’uranium, pro­dui­sant très peu de déchets et pou­vant même, en cas­sant les noyaux de cer­tains acti­nides, sim­pli­fier la ges­tion des déchets d’autres filières. Rémy, qui avait connu le déve­lop­pe­ment de Phé­nix, super­vi­sait main­te­nant la construc­tion de Super­phé­nix, RNR de 1200 MWe, sur le site de Creys-Mal­ville. 

Oser le débat 

Pour Rémy Carle, le déve­lop­pe­ment de l’électro­nucléaire n’était pas conce­vable sans l’établissement d’une rela­tion de confiance pérenne entre les acteurs du nucléaire et la socié­té. Cette exi­gence le condui­sit à créer en 1973 la SFEN, socié­té fran­çaise d’énergie nucléaire, qui se vou­lait lieu d’élaboration d’une com­mu­ni­ca­tion, trans­pa­rente, cohé­rente et scien­ti­fi­que­ment fon­dée, mais aus­si lieu de débats apai­sés où la socié­té pour­rait expri­mer ses inter­ro­ga­tions, ses inquié­tudes et sou­vent y trou­ver une réponse satis­fai­sante. Rémy fut aus­si l’un des fon­da­teurs en 2010 de l’association Sau­vons le cli­mat, qui sou­li­gna dans maints débats le rôle que devait jouer le nucléaire dans la lutte contre le chan­ge­ment climatique.

Une soirée à Sceaux en 1993

Nous étions trois : Rémy, son épouse, et moi. La conver­sa­tion était déten­due, légère, même lorsqu’elle por­tait sur des sujets graves. Il me sou­vient que nous avons évo­qué une récente ren­contre avec nos col­lègues alle­mands à Ber­lin, juste un an après la chute du mur : Ber­lin-Est encore lézar­dé ; Sans-Sou­ci, le palais d’un roi flû­tiste au temps des Lumières ; un concert à l’Opéra. Puis Rémy se mit au cla­ve­cin ; rigueur et sen­si­bi­li­té, une porte entrou­verte sur l’harmonie des sphères. Féru aus­si de musique de chambre, il aimait y retrou­ver son vio­lon­cel­liste pré­fé­ré : l’ancien direc­teur de la cen­trale de Creys-Malville !

Commentaire

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Thier­ry DENEUXrépondre
20 avril 2023 à 15 h 08 min

Mer­ci pour ce beau témoi­gnage, j’i­gno­rais que Rémy Carle fut aus­si l’un des fon­da­teurs en 2010 de l’association Sau­vons le cli­mat, il fut donc aus­si pré­cur­seur dans ce domaine. Cli­mat et nucléaires sont bien défen­dus aujourd’­hui par Jean-Marc Jan­co­vi­ci. Bien d’ac­cord aus­si avec le fait que les scé­na­rios de « crois­sance zéro » relèvent d’un cynisme de nan­tis. Mais, la reli­gion de la crois­sance relève au mieux d’un aveu­gle­ment, au pire d’un même cynisme. Il est néces­saire de ralen­tir (notre crois­sance) sous peine de périr (cf. l’ex­cellent livre de Timo­thée Par­rique, ralen­tir ou périr)

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