Renault Trucks, filiale du groupe Volvo, s'engage pour la décarbonation des camions et la transition vers l'électrique.

Mobilité lourde & décarbonation : des perspectives très encourageantes

Dossier : Vie des entreprises - Décarbonation et économie circulaireMagazine N°799 Novembre 2024
Par Christophe MARTIN

Construc­teur lea­der de camions, Renault Trucks, filiale du groupe Vol­vo, est en ordre de marche depuis plu­sieurs années afin d’atteindre la neu­tra­li­té car­bone. Chris­tophe Mar­tin, direc­teur géné­ral de Renault Trucks France, nous en dit plus dans cet entretien.

La mobilité lourde durable est un enjeu de taille pour accélérer la décarbonation de la mobilité de manière globale. Qu’en est-il ? 

D’une manière géné­rale, le trans­port est for­te­ment émet­teur de CO₂. Aujourd’hui, en France, 89 % des mar­chan­dises sont trans­por­tées par camion. Seuls 7 à 8 % sont trans­por­tés par voie fer­ro­viaire et le solde res­tant par voie flu­viale. En paral­lèle, le trans­port de mar­chan­dises par camion repré­sente 8 à 9 % des émis­sions de CO2 totales. Au-delà de ses émis­sions, le trans­port rou­tier par camion a une très forte empreinte envi­ron­ne­men­tale et génère éga­le­ment de la pol­lu­tion de l’air, notam­ment en ville.

Face à cet enjeu cen­tral et cri­tique, la régle­men­ta­tion impose aux construc­teurs de poids lourds de réduire de 15 % leurs émis­sions en 2025 par rap­port à 2019, et de 43 % d’ici 2030. Au-delà, il s’agit aus­si de contri­buer à créer un sec­teur de la logis­tique et du trans­port plus res­pec­tueux de l’environnement. Enfin, pour accom­pa­gner les tran­si­tions et accé­lé­rer la décar­bo­na­tion, les construc­teurs sont face à un enjeu de taille : pas­ser de la moto­ri­sa­tion ther­mique à l’électrique.

Comment un acteur comme Renault Trucks se positionne-t-il sur ce sujet ?

Renault Trucks France est la filiale fran­çaise du Renault Trucks, une marque du Groupe Vol­vo depuis 2001. Suite à la revente de son acti­vi­té de voi­tures, il y a déjà plus de 20 ans, Vol­vo a fait le choix de se concen­trer sur le camion, qui repré­sente 70 % de l’activité de l’entreprise. Aujourd’hui, le groupe Vol­vo a trois marques clés : Vol­vo Trucks, une marque pré­sente dans le monde entier ; Mack Trucks, une marque pré­sente en Amé­rique du Nord, en Amé­rique Latine et en Océa­nie ; et, enfin, Renault Trucks, une marque euro­péenne éga­le­ment pré­sente en Afrique et au Moyen-Orient.

Le groupe Vol­vo emploie plus de 100 000 sala­riés et réa­lise un chiffre d’affaires de 55 mil­liards d’euros dans le monde. Le chiffre d’affaires de Renault Trucks repré­sente 10 % du chiffre d’affaires glo­bal du Groupe Vol­vo et emploie 10 000 salariés.

La filiale fran­çaise de Renault Trucks réa­lise 40 % du chiffre d’affaires. La France est le second mar­ché euro­péen du poids lourd, der­rière l’Allemagne. En France, Renault Trucks dis­pose d’un parc rou­lant de 160 000 camions et 70 000 uti­li­taires ven­dus, entre­te­nus et répa­rés par 310 conces­sions. En France, Renault Trucks est lea­der avec près de 30 % de parts de mar­ché sur le mar­ché tra­di­tion­nel et 70 % sur le mar­ché électrique.

Sur le marché de la mobilité décarbonée, comment vous positionnez-vous ? 

Pour nos clients, la prin­ci­pale pré­oc­cu­pa­tion reste un coût d’exploitation com­pé­ti­tif (TCO), ain­si que la fia­bi­li­té du maté­riel. Au cours des der­nières années, les clients sont deve­nus plus sen­sibles à la ques­tion de la décar­bo­na­tion et la tran­si­tion envi­ron­ne­men­tale alors que les États, et plus lar­ge­ment l’Union euro­péenne, se dotent d’une régle­men­ta­tion stricte visant à atteindre la neu­tra­li­té car­bone en 2050. Dans le monde de la mobi­li­té et du trans­port, cette pres­sion régle­men­taire pèse essen­tiel­le­ment sur les constructeurs.

Dans ce contexte, notre enjeu, en notre qua­li­té de construc­teur, est de satis­faire l’ensemble des attentes de nos clients et de nous mettre en confor­mi­té, ce qui implique une évo­lu­tion tech­no­lo­gique de nos moteurs die­sel afin qu’ils consomment moins d’énergie, mais aus­si afin de répondre aux exi­gences des normes Euro 7 qui entre­ront en vigueur en 2030.

Tou­te­fois, la véri­table rup­ture tech­no­lo­gique réside dans la tran­si­tion de la moto­ri­sa­tion ther­mique à l’électrique. Dans cette démarche, deux pistes tech­no­lo­giques s’offrent à nous. La pre­mière consiste à fabri­quer des camions à bat­te­ries élec­triques et la seconde à fabri­quer des camions qui fonc­tion­ne­raient à l’hydrogène vert, avec des moteurs à com­bus­tion interne ou des piles à combustible.

“La technologie qui nous permettra de rouler 600 km par jour sans recharge arrivera en 2026.”

De plus en plus, nous nous diri­geons vers la pre­mière alter­na­tive, des camions à bat­te­ries élec­triques, offrant de meilleurs coûts d’exploitation et une meilleure effi­ca­ci­té énergétique.

Cer­tains seg­ments du trans­port de mar­chan­dises se tournent plus rapi­de­ment vers l’électrique. C’est notam­ment le cas de la dis­tri­bu­tion urbaine et péri­ur­baine, la col­lecte des déchets, la dis­tri­bu­tion d’aliments en ville, la mes­sa­ge­rie… des appli­ca­tions que l’autonomie actuelle des camions ne péna­lise pas.

À ce jour, nous pro­po­sons une gamme élec­trique com­plète, du vélo-car­go assem­blé dans notre usine à Vénis­sieux de 650 kilos à des trac­teurs rou­tiers de 44 tonnes. Nos camions de dis­tri­bu­tion D et D WIDE sont, quant à eux, assem­blés en Nor­man­die et nos plus gros camions des­ti­nés au sec­teur de la construc­tion ou du trans­port longue dis­tance sont fabri­qués à Bourg-en-Bresse. Aujourd’hui, l’autonomie de nos camions est de l’ordre de 300 km. La tech­no­lo­gie qui nous per­met­tra de rou­ler 600 km par jour sans recharge arri­ve­ra en 2026.

Dans cette démarche, quels sont les freins et enjeux qui persistent ? Comment y faites-vous face ? 

Le taux d’adoption de l’électromobilité dépend de plu­sieurs com­po­santes. Tout d’abord, il s’agit de mettre à dis­po­si­tion des clients des solu­tions à pari­té opé­ra­tion­nelle des camions Die­sel qu’ils uti­lisent à ce jour. Cela passe notam­ment par une auto­no­mie per­met­tant d’assurer la conti­nui­té de l’activité (tour­née, trans­port longue dis­tance…). Il faut, en paral­lèle, viser à leur offrir une pari­té éco­no­mique en garan­tis­sant des coûts d’exploitation accep­tables. Actuel­le­ment, le camion élec­trique est encore 2 à 3 fois plus cher que son pen­dant thermique.

Enfin, il faut que les clients puissent avoir accès à des infra­struc­tures de recharge, pri­vées et publiques, ain­si qu’à une élec­tri­ci­té verte. En France, nous avons la chance d’avoir un réseau de dis­tri­bu­tion élec­trique per­for­mant et de qua­li­té ain­si qu’une élec­tri­ci­té rela­ti­ve­ment décar­bo­née par rap­port à nos voi­sins euro­péens. Quant à l’infrastructure, elle se met pro­gres­si­ve­ment en place.

Face à cet état des lieux, nous sommes rela­ti­ve­ment opti­mistes et pen­sons que dans 3 à 5 ans, la majo­ri­té des condi­tions seront réunies pour amor­cer un réel élan, alors que nous nous sommes enga­gés à réduire de 43 % nos émis­sions de CO2 en 2030.

Aujourd’hui, comment vous projetez-vous ? Comment Renault Trucks image-t-il cette mobilité lourde de demain ? 

Dès aujourd’hui, nous anti­ci­pons une baisse de la vente de camions à éner­gie fos­sile, alors que le groupe Vol­vo a pris l’engagement de ne plus vendre de camions à l’énergie fos­sile dès 2040 pour avoir un parc rou­lant com­plè­te­ment décar­bo­né en 2050. Les retours et le niveau de satis­fac­tion de nos clients, et notam­ment des conduc­teurs, nous confortent dans notre démarche. 

“Le groupe Volvo a pris l’engagement de ne plus vendre de camions à l’énergie fossile dès 2040 pour avoir un parc roulant complètement décarboné en 2050.”

Les camions élec­triques n’émettent pas de pol­lu­tion et ne font pas de bruit, ce qui contri­bue à amé­lio­rer la qua­li­té de vie en ville. Ce sont aus­si des véhi­cules intel­li­gents qui four­nissent des don­nées pré­cieuses pour opti­mi­ser les coûts d’exploitation, de dis­po­ser de la main­te­nance pré­dic­tive per­met­tant de réduire les arrêts au stand…

Nous nous diri­geons vers une nou­velle ère de la mobi­li­té lourde avec des camions mieux pen­sés et uti­li­sés qui contri­buent à un trans­port et une logis­tique décarbonés. 

Et pour construire la mobilité lourde de demain, recrutez-vous ? 

Nous avons un réel enjeu de recru­te­ment sur un mar­ché du tra­vail qui est carac­té­ri­sé par des ten­sions et des pénu­ries de com­pé­tences sur plu­sieurs métiers. Au-delà, nous avons aus­si un enjeu d’attractivité. Notre sec­teur est mécon­nu, voire sté­réo­ty­pé. Pour­tant, c’est une indus­trie en pleine trans­for­ma­tion et au cœur des enjeux de l’électromobilité et de la décar­bo­na­tion. En outre, nous tra­vaillons sur la cir­cu­la­ri­té de nos camions et la recy­cla­bi­li­té des maté­riaux, notam­ment les bat­te­ries, et réflé­chis­sons aus­si à com­ment allon­ger la durée de vie de nos camions.

Concrè­te­ment, nous recru­tons des ingé­nieurs sur toute la chaîne de valeur, notam­ment pour nos bureaux d’études et nos usines. Nous recher­chons aus­si des ingé­nieurs qui ont une fibre com­mer­ciale pour les fonc­tions aval au contact direct des clients et de nos diverses par­ties pre­nantes. Aujourd’hui, de plus en plus, nos ingé­nieurs inter­viennent sur la mise en place de solu­tions com­plexes qui intègrent les infra­struc­tures de recharge, les négo­cia­tions des contrats pour l’électricité, la redé­fi­ni­tion des routes de trans­port, l’optimisation du rem­plis­sage des véhi­cules, le finan­ce­ment, ou encore les assu­rances. La vente tra­di­tion­nelle et tran­sac­tion­nelle laisse peu à peu la place à une approche par­te­na­riale de maître d’œuvre de solu­tions ! Chez Renault Trucks, les opportuni­tés sont nom­breuses, en France comme à l’étranger, les métiers divers et les car­rières multiples.

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