Rendre la localisation accessible aux objets connectés
Crée en 2014, la société Nestwave développe des solutions de géolocalisations innovantes et vient d’être rachetée par l’américain Nextnav. Ambroise Popper (X95), cofondateur et directeur général de Nestwave depuis 2020, nous explique de son point de vue comment s’articulent localisation et objets connectés.
Quelle est l’idée au cœur de Nestwave ?
Nestwave s’est construite autour de la géolocalisation pour les objets connectés principalement. L’idée est de pouvoir suivre la localisation d’un objet précieux (un portefeuille ou un porte-clés par exemple). Néanmoins, le potentiel d’application réside surtout dans le monde industriel, au niveau de la logistique (colis ou palettes, voire container). Il y a également des débouchés au niveau du transport : suivi des véhicules divers, en particulier autour de la problématique du vol. En cachant un traceur sur un vélo ou une voiture, il est facile de retrouver le véhicule. Mais cette solution peut aussi s’appliquer à d’autres domaines, comme les animaux domestiques. L’un de nos premiers clients a été Invoxia, qui a créé un dispositif suivant la santé d’un animal, avec une fonctionnalité localisation. En fait, nous avons devant nous un large éventail d’applications, avec un grand potentiel dans la logistique et le transport.
Quels sont les éléments distinctifs de votre technologie ?
L’avantage de notre technologie est sa performance en termes de consommation de batterie. Nous parvenons à faire de la géolocalisation en impactant le moins possible la consommation, principalement parce que nous adressons des applications où la position n’est pas nécessaire en continu, et que nous faisons une partie des calculs sur le cloud (et pas sur l’objet lui-même). Notre technologie est un pur software. Nous avons développé un logiciel embarqué qui va fonctionner sur les puces de communication 4G ou 5G, indiquant leur localisation. À cette fin, nous disposons aussi de serveurs sur le cloud qui font fonctionner des algorithmes permettant d’obtenir la position.
Comment Nestwave s’intègre-t-elle dans Nextnav ?
Nextnav appartient aussi au domaine de la géolocalisation, mais avec un spectre un peu plus large : automobile, aviation, drone, infrastructures de télécom, infrastructures bancaire, énergétique. Nextnav développe une offre PNT (position, navigation and timing). Nous proposons non seulement la localisation, mais aussi une référence temporelle, importante pour les transactions bancaires par exemple.
Toutes ces applications ont besoin de solutions qui ne s’appuieront pas uniquement sur le GPS (ou systèmes satellites équivalents comme Galileo), mais sur une infrastructure terrestre. Il faut en effet savoir que le GPS peut être facilement brouillé (en temps de guerre par exemple), et pourrait même être possible que un ou plusieurs satellites soient détruits. Certains gouvernements, notamment en Europe et aussi celui des Etats-Unis d’Amérique, s’intéressent donc à des solutions complémentaires de celles qui sont liées aux satellites. Ils garantissent une continuité de service (en termes de localisation et de timing) des réseaux télécom et bancaires, mais aussi du réseau électrique et de l’énergie. De manière générale, Nexnav s’adresse donc à des infrastructures critiques, aux véhicules autonomes, aux drones, à l’aviation.
Dans ce contexte, Nestwave apporte une brique technologique supplémentaire pour développer chez Nextnav des nouveaux systèmes de localisation et de timing. Nestwave emploie maintenant une vingtaine de personnes, et Nextnav nous donne des moyens financiers supplémentaires. Ce changement de dimension nous ouvre d’autres marchés. Même si nos clients se situaient déjà beaucoup à l’étranger, notre marché devient maintenant plus large et nous sommes en communication avec davantage d’acteurs.
Quels sont vos projets technologiques actuels ?
Nous travaillons en ce moment à une nouvelle technologie de localisation hybride, utilisant d’une part les informations à partir des réseaux cellulaires existant, d’autre part Nextnav déploie des infrastructures terrestres permettant d’émettre des signaux (aux USA pour l’instant). Nous allons corréler ces informations pour donner la meilleure source d’information de géolocalisation, qu’on soit à l’extérieur ou à l’intérieur des bâtiments (où le GPS ne passe pas).
Quels sont pour vous les sujets d’avenir concernant les objets connectés ?
Nous sommes confrontés à plusieurs problématiques. Il y a d’abord la question de la batterie. Les objets connectés souffrent de leur consommation et cela limite les usages. Les utilisateurs n’ont aucune envie de passer leur temps à recharger leurs multiples objets connectés. Donc les acteurs de notre secteur s’attachent à allonger autant que possible la durée de la batterie.
Ensuite, nous rencontrons également une problématique écologique liée à la consommation énergétique et à la durée de vie de la batterie (et son éventuel recyclage). Nous travaillons beaucoup à ces sujets, car les technologies de GPS consomment beaucoup d’énergie et ne sont pas très adaptées aux objets connectés. Enfin, la question de la couverture s’impose à nous comme un autre grand défi. Est-ce que nos dispositifs vont fonctionner dans les grandes zones ? C’est une question majeure et pour pouvoir y répondre, nous nous sommes appuyés sur la technologie cellulaire LTE‑M. Cette connectivité a été adoptée par les plus grands opérateurs mondiaux et s’impose de plus en plus. Elle permet de réutiliser les émetteurs cellulaires existant (en 4G ou en 5G) pour connecter des objets, avec une consommation réduite et des débit bas mais suffisants pour ces applications. On a donc à la fois l’avantage d’une couverture mondiale, une optimisation entre le débit et la consommation, et un signal de bonne qualité car cette technologie fonctionne dans des bandes appartenant aux opérateurs.
Concernant cette question de la consommation, l’adaptation aux besoins exacts de l’objet revêt donc une importance majeure ?
Tout à fait. Une application a typiquement besoin de déterminer sa position trois ou quatre fois par jour. Or, un GPS traditionnel aura besoin d’une ou deux minutes pour obtenir une position et l’envoyer au réseau. Nous avons optimisé le système de manière à obtenir cette position en une ou deux secondes seulement. C’est donc très économique.
Dans cette perspective, notre démarche est toujours au préalable de déterminer avec le client les cas d’usages (combien de fois par jour la position de l’objet doit-elle être connue ?) de manière à déterminer la consommation optimale en fonction.
Quel message voudriez-vous adresser aux jeunes diplomés ?
Suite à l’acquisition par Nextnav, nous pouvons travailler sur des projets très variés et passionnants, dans des domaines comme l’IA ou le machine learning. Par exemple, nous construisons des bases de données importantes qui vont permettre de donner la position et le temps à des objets connectés aux USA, en Europe ou ailleurs. Nos technologies passent donc par une phase de découverte et d’apprentissage des réseaux, pour laquelle nous faisons appel à du machine learning et à l’IA.
Nous utilisons aussi des techniques très intéressantes de propagation radio ou de combinaisons hybrides de différentes sources de localisation. Beaucoup de nos projets se situent entre la recherche avancée et la mise en place appliquée à des usages concrets, dans une société de taille humaine où on peut envisager des évolutions de carrière rapides et très intéressantes !