Rendre la « supply chain » « Lean »
La supply chain est constituée de l’ensemble des activités ayant pour vocation de fournir un produit ou un service à un client final, depuis l’extraction de matières premières jusqu’à l’approvisionnement du produit final au point de consommation.
C’est un système de consommateurs, distributeurs, fournisseurs, producteurs et transporteurs qui sont liés les uns aux autres par des flux physiques et des flux d’informations. On sait que, comme pour tout système complexe de blocs interdépendants, la performance de la supply chain dépend de la performance et des coûts globaux et non pas de l’atteinte d’objectifs locaux.
La diminution des marges, l’intensification de la mondialisation, l’accélération des cycles d’innovation, la volatilité de la demande conduisent les entreprises à mettre en œuvre des projets pour adapter la supply chain à ce nouveau contexte et maximiser sa position concurrentielle. La supply chain doit atteindre de nouveaux niveaux de performance en satisfaisant à la fois les changements de plus en plus volatils de la demande tout en minimisant les risques d’obsolescence et les contraintes de coûts de l’entreprise.
Mener un programme de Lean supply chain, c’est atteindre ces nouveaux niveaux d’exigence par l’extension des principes du « Lean manufacturing » à l’ensemble de la supply chain.
Le Lean ayant pour objectif de focaliser le produit final sur la satisfaction de la demande client, l’application du Lean à la supply chain va permettre de faire de la supply chain un véritable outil stratégique de compétitivité pour l’entreprise.
Du « Lean manufacturing » à la « Lean supply chain »
Issue du système de production développé par Toyota tout au long du XXe siècle, la méthodologie de transformation du « Lean manufacturing » a été formalisée dans les années quatre-vingt par J. Womack & D. Jones, deux chercheurs du MIT. Celle-ci se traduit par un cycle de progrès dont l’objectif est d’obtenir un système de production dont les principaux attributs sont les suivants :
- focalisé sur la valeur client : toute activité n’apportant pas de valeur ajoutée pour le client doit être éliminée ou minimisée,
- mis en flux continu : l’écoulement du flux physique doit se faire sans interruption tout au long de la chaîne de production (chasse au stock, réduction des tailles de lots),
- tiré par la demande : la production est tirée par la demande, et non poussée par les capacités de production,
- accéléré : les flux sont accélérés par la réduction des temps de cycle et l’augmentation des fréquences d’exécution.
Les concepts du « Lean » visent à optimiser la performance de la chaîne de valeur de l’entreprise, avec une focalisation sur les gains de temps, de coûts, toujours orientés vers la valeur ajoutée apportée au client final. Dans le contexte défini précédemment, ils apparaissent totalement pertinents pour la supply chain. Cependant, si les exemples de mise en œuvre réussie sont nombreux dans le monde industriel, les entreprises restent incertaines sur la manière de déployer les concepts du « Lean » à l’ensemble de la supply chain. Argon Consulting a récemment accompagné plusieurs de ses clients dans une transformation radicale de leur chaîne de valeur, les aidant à « faire plus et mieux avec moins ».
L’extension du Lean à la supply chain requiert une capacité de transformation de l’entreprise simultanément sur l’organisation, les infrastructures physiques et l’intégration des processus et système de la chaîne.
Les principes du Lean se traduisent par plusieurs leviers d’amélioration de la supply chain que nous pouvons illustrer par les exemples ci-dessous :
- la focalisation de la supply chain sur la valeur client sera obtenue en adressant chaque segment du marché par une politique de service différenciée adaptée au mieux aux besoins des clients ;
- le flux de produits depuis les fournisseurs jusqu’aux clients finaux sera mis en continu et accéléré en optimisant les fréquences d’approvisionnement, en réduisant les tailles de lots et les délais à tous les niveaux et en optimisant le réseau ;
- le flux de produits sera tiré par la demande en remontant le signal de consommation finale le plus loin possible dans la chaîne. Le point de découplage optimal flux poussé-flux tiré devra être identifié compte tenu de la volatilité de la demande, et de la différenciation des produits à chaque niveau : une stratégie de différenciation au plus tard permettra par exemple de repousser le flux de produits générique jusqu’au point de différenciation.
Simplifier la chaîne de valeur et l’ancrer sur le client
La mise en place du « Lean » démarre par l’articulation d’une stratégie focalisée sur le client, avec pour objectifs de simplifier la supply chain, tout en maximisant la valeur apportée au client final. Cela passe par la définition des cibles client visées (en termes de service proposé), de l’offre de valeur proposée et des facteurs clés de compétitivité, notamment en termes d’innovation, de coût ou de service. Cette définition va conditionner les niveaux de performance objectifs de la supply chain.
En effet, la performance de la supply chain vis-à-vis du client peut être mesurée au travers de deux axes : le coût de la chaîne et le service qu’elle apporte à ses clients. Le coût de la chaîne d’approvisionnement est la somme des coûts de transformation, de production, de transport et de détention des stocks tout au long de la chaîne.
L’intégration de la supply chain peut permettre la réduction des coûts tout au long de la chaîne de valeur en mettant en œuvre une approche transversale et collaborative. La collaboration entre les différents maillons de la supply chain va permettre d’optimiser les coûts et de trouver des gains des deux côtés de chaque maillon. Cette approche permet d’identifier clairement les vecteurs de coûts et de les optimiser pour que la supply chain soit efficiente dans son ensemble.
D’autre part, le niveau de service représente la réactivité de la chaîne pour répondre à un besoin client. On peut le mesurer par exemple par le taux de disponibilité du produit en magasin, le délai de livraison du client et sa variabilité, ou par le délai de mise sur le marché d’un nouveau produit dans les secteurs où les cycles d’innovation sont rapides.
On peut identifier trois étapes clés dans le processus Lean d’amélioration de la performance :
- éliminer les dysfonctionnements pour atteindre la frontière d’efficience de la chaîne actuelle ;
- définir le bon arbitrage coût-service, un délai de livraison très court ou un taux de disponibilité de produit proche de 100 % n’a pas la même valeur pour chaque client ou produit. La segmentation des produits et clients en fonction de leurs attentes de service permet d’ajuster l’offre au besoin. Pour une entreprise de la grande distribution, par exemple, il s’agit de différencier :
– une stratégie supply chain axée sur l’innovation et le service pour un type de points de vente (petits magasins de centre-ville) avec des lead time très courts et contraignants pour la logistique, une gamme étendue avec des petits volumes. Le service sur ce segment privilégie clairement le coût ;
– une stratégie axée sur les coûts pour le deuxième type de points de vente, opérant sur un secteur ayant atteint l’âge adulte ; - reconfigurer et optimiser la chaîne, une fois la frontière d’efficience atteinte et la politique de service ajustée, il devient nécessaire de reconfigurer la chaîne pour atteindre des niveaux de performance supérieurs. On pourra par exemple réallouer les approvisionnements ou la production dans des pays à faibles coûts de main-d’œuvre, mettre en œuvre un processus de production plus performant, modifier l’organisation de la production pour différencier le produit au plus tard, ou bien encore rapprocher le réseau de distribution des clients et réduire les délais de livraison.
La méthode que nous utilisons s’inspire directement des approches de modélisation d’un système de production Lean :
- cartographie de la chaîne de valeur existante et analyse des niveaux de performance actuels,
- définition d’un état idéal, sans contraintes et évaluation du potentiel d’amélioration associé,
- identification des barrières à l’atteinte de cet idéal, de leur coût et des conditions de leur amélioration,
- définition d’un niveau cible traduisant le meilleur compromis entre d’une part les objectifs de simplification et d’avantages compétitifs et d’autre part les contraintes budgétaires et de délais,
- développement des plans d’actions nécessaires à l’atteinte de cette cible.
Approche de mise en œuvre et conditions de succès
La mise en place des concepts Lean à la supply chain nécessite une implication des acteurs de la chaîne d’approvisionnement, par une approche transversale et des changements opérationnels, organisationnels et technologiques souvent profonds. Par ailleurs, tout comme l’application du lean à la production, rendre une supply chain Lean passe par une implication managériale et opérationnelle forte. En effet, seule l’observation concrète du terrain va permettre le diagnostic puis la prise de décision, en consensus avec les opérationnels concernés.
Afin de gérer cette complexité, notre approche privilégie une logique d’amélioration continue avec :
- la mise en place d’une plateforme de conduite du changement, assurant le pilotage du programme et la cohérence avec la stratégie définie, impliquant les opérationnels concernés,
- le lancement successif de projets d’optimisation de structures, processus opérationnels et systèmes d’information, de taille relativement réduite et à cycles courts avec des comités de pilotage projets pour la coconstruction des objectifs à atteindre,
- la formation du management à la théorie du Lean et à sa mise en place pour la supply chain de l’entreprise,
- la mise en place d’indicateurs de performance qui vont permettre de suivre l’atteinte des objectifs définis en commun.
Plusieurs facteurs apparaissent comme clés dans la réussite d’une démarche Lean appliquée à la supply chain :
- impliquer management et équipes lors des étapes de définition de cible, de chemin critique,
- intéresser les opérationnels aux résultats via des reportings visuels et un impact sur les budgets,
- mettre en place une culture de l’amélioration continue.
La mise en place d’une démarche Lean supply chain est l’occasion de repenser sa stratégie supply chain, qui différera selon les segments de marché :
- sur des segments « mûrs », peu innovants, à demande prévisible, les moyens viseront la recherche d’économies d’échelle, l’élimination de tâches sans valeur ajoutée pour le client final, les techniques d’optimisation pour tirer au mieux parti des capacités et la recherche de gain sur l’ensemble de la chaîne, via des initiatives de collaboration ;
- sur des segments « innovants », peu prévisibles, avec des produits à durée de vie faible, et une diversité de l’offre très élevée, les priorités sont mises sur la réduction des lead time par la refonte des processus de production – depuis la différenciation retardée des produits jusqu’au Make to Order, la réduction de l’incertitude de la demande, et la couverture contre le risque résiduel.
L’optimisation de la solution supply chain apparaît comme indispensable pour l’atteinte des objectifs stratégiques de l’entreprise. Dans cette optique, la démarche Lean qui permet de designer une supply chain par typologie de demande du client répond à l’ambition de performance des entreprises dans le contexte actuel.
Commentaire
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Merci pour ces détails sur ce nouveau genre de management notamment lié à la supply chain.