René Bouchet

René Bouchet (X49) inventeur et réalisateur en ingénierie maritime

Dossier : TrajectoiresMagazine N°790 Décembre 2023Par Jacques BOUCHET

Décé­dé le 12 juillet 2023, René Bou­chet laisse une trace intel­lec­tuelle et humaine lumi­neuse. C’est dans le domaine hydrau­lique et mari­time qu’il eut ses réa­li­sa­tions et inven­tions les plus remar­quables avec la pente d’eau en 1960 et le mur d’eau fixe en 2000, don­nant ain­si à Mona­co un port en eau pro­fonde unique au monde.

Né le 8 avril 1928 à Thoard, petit vil­lage des Alpes-de-Haute-Pro­vence, fils d’un can­ton­nier et d’une cou­turière, René Bou­chet est repé­ré très tôt par son ins­ti­tu­teur à La Javie, qui le pousse à faire ses études en pen­sion au lycée Gas­sen­di à Digne. Il fait ensuite sa pré­pa au lycée Thiers à Mar­seille. Après l’X, il choi­sit les Ponts et Chaus­sées dans la lignée de la pro­fes­sion de son père. Il est nom­mé ingé­nieur au ser­vice de la navi­ga­tion à Mul­house (1954−1963) où il noue des rela­tions per­son­nelles avec Le Cor­bu­sier, réa­li­sant et inau­gu­rant avec lui l’écluse de Kembs-Nif­fer (Alsace) en avril 1961. En 1960, il invente la pente d’eau en collabo­ration avec le pro­fes­seur Jean Aubert (mise en œuvre en 1984 sur le canal du Midi pour dou­bler l’écluse octuple de Fonseranes).

Puis il mul­ti­plie les tra­vaux rou­tiers, auto­rou­tiers et por­tuaires dans ses postes suc­ces­sifs : ingé­nieur P & C à Tou­lon de 1964 à 1969 (pre­mière auto­route et amé­na­ge­ment du port pour per­mettre une acti­vi­té de liai­sons mari­times et com­mer­ciales) ; DDE de la Corse (1970−1974) avec la réa­li­sa­tion d’un grand pro­gramme de réno­va­tion rou­tière et intro­duc­tion-révo­lu­tion de l’enrobé ; construc­tion et agran­dis­se­ment de nom­breux ports et aéro­ports ; DDE de l’Hérault (1974−1979), puis des Alpes-Mari­times (1979−1983).

Album de la promotion 1949
© Col­lec­tions École poly­tech­nique (Palai­seau). Pho­to­graphe Paul Darby.

Grands travaux à Monaco

Direc­teur des tra­vaux publics de la prin­ci­pau­té de Mona­co (1983−1990), puis conseiller tech­nique du gou­ver­ne­ment moné­gasque (à par­tir de 1990), il y perce tun­nels rou­tiers, fer­ro­viaires, mais sur­tout y invente en 1985 le mur d’eau oscil­lant consti­tué de plaques sous-marines, pro­fi­lées et dis­po­sées à quelques mètres de pro­fon­deur, rédui­sant la houle et per­met­tant ain­si des jetées de port moins hautes ou à même de mieux résis­ter aux aléas cli­ma­tiques annon­cés. Inven­tion mise en œuvre la pre­mière fois pour les JO de Bar­ce­lone en 1992 avec Eif­fel Construc­tions Métal­liques et la socié­té Prin­ci­pia pour le nou­veau port olympique.

Puis inven­tion en 1992 du mur d’eau fixe. Cette tech­no­lo­gie bre­ve­tée est pri­mée au salon Immo­tech 2004 et per­met l’extension des ports en eau pro­fonde (55 m à Mona­co) en res­pec­tant les fonds marins. Elle est mise en œuvre à Mona­co en 2002 via une jetée semi-flot­tante – la plus grande au monde – de 352 m de long, 30 m de large en sur­face (40 m avec ses aile­rons et pro­fils stabilisa­teurs sous-marins) et 19 m de haut incluant 4 niveaux de par­king et un port à sec. Elle est fixée à terre par une rotule métal­lique de 700 tonnes (cf. l’ar­ticle René Bou­chet (X49) l’audace maî­tri­sée : le port de La Conda­mine à Mona­co dans ce numéro).

Actif jusqu’à la fin de sa vie, il avait encore de nom­breux pro­jets pour Mona­co (pro­tec­tion et exten­sion avec un nou­veau brise-lame de sa concep­tion) et fai­sait par­tie du conseil d’administration de la Socié­té d’exploitation des ports de Mona­co, ain­si que de celui du bureau d’études Océa­nide spé­cia­li­sé en génie maritime.

Pédagogue

Curieux de tout et avide de vul­ga­ri­ser, il a jusqu’à la der­nière minute rédi­gé des notes éco­no­miques, scien­ti­fiques, his­to­riques, cultu­relles et reli­gieuses à des­ti­na­tion de ses quatre enfants, dix-huit petits-enfants, et d’une constel­la­tion d’amis et de lec­teurs en France et de par le monde.
De nom­breuses per­son­na­li­tés de la prin­ci­pau­té de Mona­co, à qui il avait consa­cré plus de trente ans de sa vie pro­fes­sion­nelle, se sont incli­nées avec un immense res­pect devant un homme à l’esprit vif, rigou­reux, intègre, culti­vé, intime­ment péné­tré de l’intérêt géné­ral, tou­jours sou­cieux de par­ta­ger ses connais­sances, plei­ne­ment dévoué à sa pré­cieuse famille.

Poster un commentaire