Repenser la supply chain à l’heure des transitions et des disruptions technologiques
Transition environnementale, économie circulaire, digitalisation, IA… sont autant d’enjeux qui impactent la résilience des supply chains. Guillaume Allemand, CEO du cabinet Citwell, décrypte le contexte actuel et insiste sur la nécessité de privilégier une approche globale et intégrée pour créer une valeur durable.
Dans un contexte marqué par le réchauffement climatique et la transition environnementale, quels sont les enjeux qui pèsent sur la supply chain ?
La crise sanitaire a été un véritable point de bascule. Aux enjeux classiques de compétitivité, de productivité, de croissance et d’optimisation du service client se sont ajoutés des enjeux nouveaux d’ordre environnementaux, écologiques et sociétaux. Dans ce contexte, les entreprises doivent renforcer leur agilité, leur résilience ainsi que leur souveraineté.
En parallèle, elles doivent intégrer des disruptions technologiques structurantes comme l’accélération de la digitalisation et le développement de l’IA. Elles doivent aussi s’inscrire dans une démarche de décarbonation et renforcer leur politique RSE. Au-delà, elles sont aussi impactées par un contexte géopolitique incertain, des pénuries, voire une raréfaction de certaines matières premières.
Nous assistons aussi au passage d’une économie linéaire à des modèles circulaires. Ce phénomène se traduit notamment par l’accroissement de l’intensité d’usage d’un produit avec le développement de modes alternatifs de consommation, comme la location et la mise en place d’abonnements qui viennent remplacer l’acte classique d’achat. Une évolution qui entraîne des changements drastiques des chaînes de valeur, notamment industrielles. Dans un modèle où les produits sont loués, les entreprises doivent repenser la gestion des stocks, le nettoyage et le reconditionnement des produits… Cette situation entraîne l’émergence de nouveaux métiers et ouvre des opportunités en matière de réindustrialisation.
La location est aujourd’hui un modèle de plus en plus plébiscité par de grandes entreprises, comme Décathlon ou encore Michelin qui propose désormais des offres de location de pneus. Il s’agit aussi de développer le recyclage, la valorisation et le réemploi des produits pour allonger leur durée de vie. Enfin, les entreprises doivent également faire face à une complexité réglementaire croissante avec notamment l’entrée en vigueur de la CSRD et l’obligation de reporting extra-financier…
Il s’agit aussi pour les entreprises de développer leur résilience. Que recouvre exactement ce concept, de plus en plus évoqué ?
Cette résilience s’articule autour de plusieurs piliers. Tout d’abord, les entreprises doivent accélérer leur transition environnementale comme nous l’avons souligné précédemment. Leur résilience passe aussi par la régionalisation ou la relocalisation des chaînes de valeur, ce qui implique, par ailleurs, de sécuriser la disponibilité des ressources. Aujourd’hui, les chaînes de valeur linéaires (extraction, transformation, consommation) sont réparties aux quatre coins du monde. Or ces circuits longs et étendus sont extrêmement fragiles. Face à ces constats, il devient essentiel de raisonner au niveau d’une région qui peut avoir des centres de gravité différents. Il s’agit en effet de s’approvisionner et de transformer les produits au plus près des consommateurs. Enfin, elles doivent développer leur souveraineté, une démarche qui passe aussi par la réindustrialisation des secteurs clés.
Citwell accompagne les industriels dans leur réflexion et le déploiement de leur stratégie autour de ces 3 piliers. Nous avons notamment accompagné de nombreux clients dans leur démarche de relocalisation. Dans ce cadre, nous avons travaillé avec ACC, la co-entreprise de TotalEnergies et Stellantis, qui est spécialisée dans la production de batteries pour véhicules électriques dans une étude de cadrage. Nous avons également travaillé avec Verkor qui développe une gigafactory dans le Nord-Pas-de-Calais.
Quels sont les défis soulevés par l’accélération de la digitalisation et l’avènement des nouvelles technologies comme l’IA ?
La digitalisation des entreprises se poursuit. En parallèle, l’IA s’impose de plus en plus comme le chaînon manquant entre les exigences de compétitivité des entreprises et la RSE. Concrètement, l’IA doit permettre de développer la compétitivité afin d’en faire un vecteur de durabilité, et inversement.
Néanmoins, aujourd’hui, nous en sommes encore aux prémices du développement de l’IA, et nous n’avons pas encore de vision claire sur les possibilités que cette nouvelle technologie peut offrir. Au-delà, elle suscite aussi une certaine défiance et des craintes.
“L’IA s’impose de plus en plus comme le chaînon manquant entre les exigences de compétitivité des entreprises et la RSE.”
Sur un plan plus opérationnel, nous avons mené de nombreuses missions de digitalisation d’usines pour nos clients. Aujourd’hui, nous sommes de plus en plus sollicités pour des projets impliquant des cobots et des robots. Selon la dernière étude du Gartner, 50 % des opérations logistiques devraient être impactées à court ou moyen terme par l’IA. Cette évolution est d’ores et déjà visible avec des processus de plus en plus digitalisés, la multiplication des objets connectés dans les entrepôts, l’utilisation de drones pour réaliser les inventaires.
L’IA permet d’exploiter et de valoriser de grands ensembles de données pour scénariser des situations, des événements ou des aléas différents, de faire des prédictions, d’anticiper les risques… Avec Michelin, nous travaillons ainsi sur la fiabilisation des données de production afin d’optimiser les niveaux de service. D’ailleurs, selon une étude de McKinsey réalisée en 2021, l’IA permettrait de réduire les coûts logistiques de 15 %, le niveau de stock de 35 % et d’améliorer les niveaux de service de 65 %. Aujourd’hui, l’émergence de l’IA générative ouvre, quant à elle, de nouvelles perspectives grâce à sa capacité à synthétiser les données et les documents, à créer du contenu, voire à faire des préconisations. Enfin, face à ces évolutions, une réflexion sur les métiers de demain s’impose.
Pour transformer leur supply chain, les entreprises doivent travailler sur l’ensemble de ces éléments. Citwell leur propose un accompagnement global. En quoi est-ce pertinent d’opter pour une démarche intégrée ?
Pour obtenir des résultats tangibles, elles doivent privilégier une approche intégrée. Jusque-là, l’IA a été appliquée à travers des cas d’usage. Il nous semble aujourd’hui nécessaire d’avoir une démarche systémique, de manière à couvrir tous les enjeux, les processus et les flux. En effet, ces enjeux globaux doivent être traités de manière complémentaire. Par exemple, la relocalisation couvre des enjeux d’optimisation des coûts et des transports, mais aussi pousse les entreprises à repenser la conception des produits, à mieux sécuriser les matières premières et à prendre en compte le recyclage et l’économie circulaire.
Dans cette démarche, les entreprises doivent également repenser leurs métiers et la place de l’humain, mais aussi accompagner ce changement à tous les niveaux de leur organisation afin d’obtenir des résultats globaux et créer une réelle valeur ajoutée.
En bref
Citwell est un cabinet de conseil spécialisé dans la transformation des opérations et de la supply chain sur toute la chaîne de valeur de l’entreprise, des achats jusqu’au service client.
- Plus de 130 collaborateurs
- 21 millions d’euros de chiffres d’affaires en 2023
- 20 ans d’expertise
- Plus de 500 clients
- 6 bureaux en France, au Royaume-Uni et aux États-Unis
- 2 marques pour accompagner les entreprises en France et à l’international : Citwell (conseil et formation) et Talentwell by Citwell (renfort des équipes projets).