Repenser la supply chain à l’heure des transitions et des disruptions technologiques

Repenser la supply chain à l’heure des transitions et des disruptions technologiques

Dossier : Vie des entreprises - Logistique et supply chain, les infrastructures du numériqueMagazine N°800 Décembre 2024
Par Guillaume ALLEMAND

Tran­si­tion envi­ron­ne­men­tale, éco­no­mie cir­cu­laire, digi­ta­li­sa­tion, IA… sont autant d’enjeux qui impactent la rési­lience des sup­ply chains. Guillaume Alle­mand, CEO du cabi­net Cit­well, décrypte le contexte actuel et insiste sur la néces­si­té de pri­vi­lé­gier une approche glo­bale et inté­grée pour créer une valeur durable.

Dans un contexte marqué par le réchauffement climatique et la transition environnementale, quels sont les enjeux qui pèsent sur la supply chain ?

La crise sani­taire a été un véri­table point de bas­cule. Aux enjeux clas­siques de com­pé­ti­ti­vi­té, de pro­duc­ti­vi­té, de crois­sance et d’optimisation du ser­vice client se sont ajou­tés des enjeux nou­veaux d’ordre envi­ron­ne­men­taux, éco­lo­giques et socié­taux. Dans ce contexte, les entre­prises doivent ren­for­cer leur agi­li­té, leur rési­lience ain­si que leur souveraineté.

En paral­lèle, elles doivent inté­grer des dis­rup­tions tech­no­lo­giques struc­tu­rantes comme l’accélération de la digi­ta­li­sa­tion et le déve­lop­pe­ment de l’IA. Elles doivent aus­si s’inscrire dans une démarche de décar­bo­na­tion et ren­for­cer leur poli­tique RSE. Au-delà, elles sont aus­si impac­tées par un contexte géo­po­li­tique incer­tain, des pénu­ries, voire une raré­fac­tion de cer­taines matières premières.

Nous assis­tons aus­si au pas­sage d’une éco­no­mie linéaire à des modèles cir­cu­laires. Ce phé­no­mène se tra­duit notam­ment par l’accroissement de l’intensité d’usage d’un pro­duit avec le déve­lop­pe­ment de modes alter­na­tifs de consom­ma­tion, comme la loca­tion et la mise en place d’abonnements qui viennent rem­pla­cer l’acte clas­sique d’achat. Une évo­lu­tion qui entraîne des chan­ge­ments dras­tiques des chaînes de valeur, notam­ment indus­trielles. Dans un modèle où les pro­duits sont loués, les entre­prises doivent repen­ser la ges­tion des stocks, le net­toyage et le recon­di­tion­ne­ment des pro­duits… Cette situa­tion entraîne l’émergence de nou­veaux métiers et ouvre des oppor­tu­ni­tés en matière de réindustrialisation. 

La loca­tion est aujourd’hui un modèle de plus en plus plé­bis­ci­té par de grandes entre­prises, comme Décath­lon ou encore Miche­lin qui pro­pose désor­mais des offres de loca­tion de pneus. Il s’agit aus­si de déve­lop­per le recy­clage, la valo­ri­sa­tion et le réem­ploi des pro­duits pour allon­ger leur durée de vie. Enfin, les entre­prises doivent éga­le­ment faire face à une com­plexi­té régle­men­taire crois­sante avec notam­ment l’entrée en vigueur de la CSRD et l’obligation de repor­ting extra-financier… 

Il s’agit aussi pour les entreprises de développer leur résilience. Que recouvre exactement ce concept, de plus en plus évoqué ?

Cette rési­lience s’articule autour de plu­sieurs piliers. Tout d’abord, les entre­prises doivent accé­lé­rer leur tran­si­tion envi­ron­ne­men­tale comme nous l’avons sou­li­gné pré­cé­dem­ment. Leur rési­lience passe aus­si par la régio­na­li­sa­tion ou la relo­ca­li­sa­tion des chaînes de valeur, ce qui implique, par ailleurs, de sécu­ri­ser la dis­po­ni­bi­li­té des res­sources. Aujourd’hui, les chaînes de valeur linéaires (extrac­tion, trans­for­ma­tion, consom­ma­tion) sont répar­ties aux quatre coins du monde. Or ces cir­cuits longs et éten­dus sont extrê­me­ment fra­giles. Face à ces constats, il devient essen­tiel de rai­son­ner au niveau d’une région qui peut avoir des centres de gra­vi­té dif­fé­rents. Il s’agit en effet de s’approvisionner et de trans­for­mer les pro­duits au plus près des consom­ma­teurs. Enfin, elles doivent déve­lop­per leur sou­ve­rai­ne­té, une démarche qui passe aus­si par la réin­dus­tria­li­sa­tion des sec­teurs clés.

Cit­well accom­pagne les indus­triels dans leur réflexion et le déploie­ment de leur stra­té­gie autour de ces 3 piliers. Nous avons notam­ment accom­pa­gné de nom­breux clients dans leur démarche de relo­ca­li­sa­tion. Dans ce cadre, nous avons tra­vaillé avec ACC, la co-entre­prise de Tota­lE­ner­gies et Stel­lan­tis, qui est spé­cia­li­sée dans la pro­duc­tion de bat­te­ries pour véhi­cules élec­triques dans une étude de cadrage. Nous avons éga­le­ment tra­vaillé avec Ver­kor qui déve­loppe une giga­fac­to­ry dans le Nord-Pas-de-Calais.

Quels sont les défis soulevés par l’accélération de la digitalisation et l’avènement des nouvelles technologies comme l’IA ?

La digi­ta­li­sa­tion des entre­prises se pour­suit. En paral­lèle, l’IA s’impose de plus en plus comme le chaî­non man­quant entre les exi­gences de com­pé­ti­ti­vi­té des entre­prises et la RSE. Concrè­te­ment, l’IA doit per­mettre de déve­lop­per la com­pé­ti­ti­vi­té afin d’en faire un vec­teur de dura­bi­li­té, et inversement.

Néan­moins, aujourd’hui, nous en sommes encore aux pré­mices du déve­lop­pe­ment de l’IA, et nous n’avons pas encore de vision claire sur les pos­si­bi­li­tés que cette nou­velle tech­no­lo­gie peut offrir. Au-delà, elle sus­cite aus­si une cer­taine défiance et des craintes.

“L’IA s’impose de plus en plus comme le chaînon manquant entre les exigences de compétitivité des entreprises et la RSE.”

Sur un plan plus opé­ra­tion­nel, nous avons mené de nom­breuses mis­sions de digi­ta­li­sa­tion d’usines pour nos clients. Aujourd’hui, nous sommes de plus en plus sol­li­ci­tés pour des pro­jets impli­quant des cobots et des robots. Selon la der­nière étude du Gart­ner, 50 % des opé­ra­tions logis­tiques devraient être impac­tées à court ou moyen terme par l’IA. Cette évo­lu­tion est d’ores et déjà visible avec des pro­ces­sus de plus en plus digi­ta­li­sés, la mul­ti­pli­ca­tion des objets connec­tés dans les entre­pôts, l’utilisation de drones pour réa­li­ser les inventaires. 

L’IA per­met d’exploiter et de valo­ri­ser de grands ensembles de don­nées pour scé­na­ri­ser des situa­tions, des évé­ne­ments ou des aléas dif­fé­rents, de faire des pré­dic­tions, d’anticiper les risques… Avec Miche­lin, nous tra­vaillons ain­si sur la fia­bi­li­sa­tion des don­nées de pro­duc­tion afin d’optimiser les niveaux de ser­vice. D’ailleurs, selon une étude de McKin­sey réa­li­sée en 2021, l’IA per­met­trait de réduire les coûts logis­tiques de 15 %, le niveau de stock de 35 % et d’améliorer les niveaux de ser­vice de 65 %. Aujourd’hui, l’émergence de l’IA géné­ra­tive ouvre, quant à elle, de nou­velles pers­pec­tives grâce à sa capa­ci­té à syn­thé­ti­ser les don­nées et les docu­ments, à créer du conte­nu, voire à faire des pré­co­ni­sa­tions. Enfin, face à ces évo­lu­tions, une réflexion sur les métiers de demain s’impose.

Pour transformer leur supply chain, les entreprises doivent travailler sur l’ensemble de ces éléments. Citwell leur propose un accompagnement global. En quoi est-ce pertinent d’opter pour une démarche intégrée ? 

Pour obte­nir des résul­tats tan­gibles, elles doivent pri­vi­lé­gier une approche inté­grée. Jusque-là, l’IA a été appli­quée à tra­vers des cas d’usage. Il nous semble aujourd’hui néces­saire d’avoir une démarche sys­té­mique, de manière à cou­vrir tous les enjeux, les pro­ces­sus et les flux. En effet, ces enjeux glo­baux doivent être trai­tés de manière com­plé­men­taire. Par exemple, la relo­ca­li­sa­tion couvre des enjeux d’optimisation des coûts et des trans­ports, mais aus­si pousse les entre­prises à repen­ser la concep­tion des pro­duits, à mieux sécu­ri­ser les matières pre­mières et à prendre en compte le recy­clage et l’économie circulaire.

Dans cette démarche, les entre­prises doivent éga­le­ment repen­ser leurs métiers et la place de l’humain, mais aus­si accom­pa­gner ce chan­ge­ment à tous les niveaux de leur orga­ni­sa­tion afin d’obtenir des résul­tats glo­baux et créer une réelle valeur ajoutée. 


En bref

Cit­well est un cabi­net de conseil spé­cia­li­sé dans la trans­for­ma­tion des opé­ra­tions et de la sup­ply chain sur toute la chaîne de valeur de l’entreprise, des achats jusqu’au ser­vice client.

  • Plus de 130 collaborateurs
  • 21 mil­lions d’euros de chiffres d’affaires en 2023
  • 20 ans d’expertise
  • Plus de 500 clients
  • 6 bureaux en France, au Royaume-Uni et aux États-Unis
  • 2 marques pour accom­pa­gner les entre­prises en France et à l’international : Cit­well (conseil et for­ma­tion) et Talent­well by Cit­well (ren­fort des équipes projets).

Poster un commentaire