L’ESG est clé pour faire émerger les champions technologiques durables
L’ambition du fonds européen de « growth » Revaia est de devenir la référence dans l’investissement et l’innovation responsable. Rencontre avec Alice Albizzati (X06) et Elina Berrebi (X06), cofondatrices de Revaia.
Quel a été le contexte autour de la création de Revaia ?
Revaia est une société d’investissement que nous avons cofondée en 2018 pour faire émerger d’Europe les futurs champions technologiques mondiaux. Notre constat de départ était de dire que pour construire les leaders de demain, il faut accompagner des sociétés en forte croissance qui prennent en compte leur impact sur l’environnement et intègrent la durabilité dans leur mission et leur activité.
Nous avons ainsi créé Revaia sur la base de convictions fortes : l’écosystème d’investissement dans des sociétés technologiques en Europe devient de plus en plus mature ; pour accompagner des sociétés dans les phases de croissance en tant qu’investisseur, il faut avoir de la sophistication et une compréhension fine de ce qui se passe sur le marché de l’investissement venture growth, à toutes les phases ; et l’ESG (Environnement Social Gouvernance) est un levier de création de valeur. L’entreprise compte aujourd’hui 16 personnes en France et à l’international : des investisseures, une équipe corporate et des operating partners qui accompagnent la société sur des thématiques opérationnelles telles que la communication, la data, le développement international…
A date, nous avons levé un premier fonds de 250 millions d’euros (Revaia Growth I) auprès d’une centaine d’investisseurs, à la fois des grandes institutions financières telles que Generali, Allianz, MAIF Avenir, Bpifrance, mais aussi des family offices et des investisseurs individuels.
Aujourd’hui, notre premier fonds est déployé. Nous avons donc lancé notre deuxième génération de fonds, toujours sur le même segment growth, tech, Europe, avec un doublement de la taille cible, soit 500 millions d’euros, pour continuer à accompagner l’émergence des champions technologiques durables.
Votre fonds a la spécificité de financer uniquement en growth et d’accompagner l’ensemble de votre portefeuille vers une démarche de prise en compte des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance. Pouvez-vous nous en dire plus ?
L’ESG est pour nous un élément clé, et ce, sur toutes les étapes de nos processus d’investissement et de création de valeur de notre portefeuille. Notre démarche s’articule d’ailleurs autour de trois piliers : le business model de la société, ses pratiques d’affaires et sa trajectoire de transformation. Nous étudions ces dimensions à l’aide d’une grille d’analyse développée en interne dans le cadre d’une charte d’investissement responsable dans la technologie.
Notre approche est généraliste. Nous avons construit pour notre premier fonds un portefeuille diversifié de 12 sociétés, aux modèles d’affaires vertueux et ayant une gouvernance sensible aux enjeux de mixité, de diversité et d’impact. Nous avons également priorisé certaines thématiques telles que l’éducation ou le climat. Nous avons par exemple investi dans l’entreprise Deepki qui est une plateforme de données ESG pour le secteur de l’immobilier qui a pour vocation d’aider les acteurs de l’immobilier à mesurer leurs données ESG et à réduire leur impact environnemental.
Dans notre méthodologie, nous mettons les critères extra-financiers au même plan que les critères financiers. Nos due diligences comprennent systématiquement une analyse ESG et de contribution positive approfondie, qui nous sert ensuite dans l’établissement des feuilles de route des prochaines priorités pour les sociétés que nous ciblons.
Nous aidons par la suite nos sociétés à s’engager dans des trajectoires durables en nous appuyant sur l’échange et le dialogue. Nous prenons par exemple des engagements au niveau des pactes d’actionnaires, pour augmenter la diversité et l’inclusion, avoir des perspectives de réduction de l’empreinte carbone, etc. Nous sommes d’ailleurs en train de créer une boîte à outils ESG pour les sociétés qui souhaiteraient se lancer dans des démarches comme devenir une B‑Corp par exemple.
Vous avez d’ailleurs fait le choix de vous inscrire dans une démarche pro-active en faveur de la promotion de la diversité. Comment cela se traduit-il concrètement ?
Nous nous sommes rencontrées il y a 16 ans à l’École polytechnique, et nous avons toutes les deux évolué dans le secteur de l’investissement, du private equity, puis de l’investissement de croissance, et ce, dans des institutions publiques ou des sociétés privées.
En lançant Revaia en 2018, et en levant notre premier fonds de 250 millions d’euros, nous sommes devenus le plus gros fonds de growth tech en Europe lancé par des femmes.
Nous opérons aujourd’hui dans des secteurs qui sont encore peu féminisés (venture, investissement, technologie…). Il ne s’agit pas pour nous d’être un fonds qui cible uniquement les femmes, mais plutôt d’avoir une approche qui promeut la diversité au service d’une meilleure performance.
Nous sommes aussi convaincus de la nécessité de donner l’exemple au sein de notre société de gestion, et qu’il faut commencer par mettre en place les meilleures pratiques en interne pour embarquer nos entreprises dans cet engagement… Quant aux investissements, nous constatons que, sur le marché que nous ciblons, les femmes ne sont pas suffisamment représentées dans des postes de direction. Nous faisons dans ce cadre un sourcing proactif où nous priorisons les sociétés dirigées par des équipes mixtes, et ensuite nous nous intéressons à la diversité au sein des organismes de gouvernance de nos sociétés et au sein des équipes dirigeantes. Nous mesurons l’état de l’art et les encourageons, via des formations sur les biais cognitifs ou des échanges de bonnes pratiques, à augmenter le niveau de diversité.
Au-delà, quels sont les principaux sujets qui vous mobilisent aujourd’hui ?
Nous avons eu la chance de construire un portefeuille d’une très grande qualité et d’investir dans des sociétés de diverses maturités de croissance. Nous nous intéressons aux sociétés qui ont déjà trouvé leur modèle d’affaires, qui génèrent au moins 5 millions d’euros de revenus récurrents et qui sont dans des trajectoires d’hypercroissance. Nous investissons en equity des montants entre 10 et 30 millions d’euros dans des tours qui vont de la série B jusqu’à la pré-introduction en bourse.
Nous avons dans ce cadre investi dans des sociétés partout dans le monde, dans les principaux pays de la technologie comme la France, le Royaume-Uni, les États-Unis… Nous avons un portefeuille résolument international qui nous permet de sélectionner les sociétés les plus prometteuses de notre écosystème.
Nous avons une approche de création de valeur, et accompagnons les entreprises à différents stades de maturité, sur toutes leurs thématiques : M&A, construction de trajectoire internationale, pré-introduction en bourse, développement durable… Actuellement, alors que le marché est assez chahuté et que le contexte macroéconomique reste assez complexe avec la crise sanitaire, le conflit russo-ukrainien, la crise de la supply chain, nous constatons que notre modèle d’investisseur de croissance responsable porté sur les leaders de demain, a encore plus de sens et que ce positionnement est d’autant plus pertinent.