“ Rêve de mineur ” hier, “ quête ” aujourd’hui inachevée,
L’implantation industrielle de Cogema en terre australe est soutenue par une volonté industrielle pugnace visant le long terme.
Le rêve australien
La perception mythique de l’Australie, commune en Europe, affecte sa relation avec le reste du monde. Pays développé, terre de contrastes, l’Australie est partagée entre la volonté de s’afficher au cœur de l’hémisphère austral comme le chantre de l’écologie et celle d’exploiter ses ressources énergétiques primaires considérables. Ces caractéristiques en font, pour le géologue et le mineur, un terrain unique, fascinant et complexe.
Un grand pays minier
Vieux, très vieux continent, où affleurent les plus anciennes roches connues à la surface de l’écorce terrestre, l’Australie regorge en son sous-sol de concentrations minérales en tous genres.
Le poids exceptionnel du secteur des matières premières, qui avoisine chaque année 40 % des exportations, traduit l’effort de valorisation de ses richesses naturelles consenti par un pays qui se place au premier rang des producteurs d’alumine et au troisième pour l’or et le fer.
Deuxième producteur d’uranium (19 % des 36 000 tonnes d’uranium produites dans le monde) après le Canada, l’Australie est par contre en tête des pays détenteurs de ressources de ce même métal (36 % des 2 340 ktU recensées par l’OCDE-AEN AIEA en 2001). Le gisement polymétallique exceptionnel à cuivre, or et uranium d’Olympic Dam représente à lui seul plus de 50 % des ressources uranifères nationales.
Trente ans d’histoire de Cogema en Australie
Une histoire qui débute dans les années soixante-dix, après la découverte de nouveaux gisements d’uranium dans le Top End1 se rattachant au modèle métallogénique de » discordance « 2 élaboré quelques années plus tôt lors des prospections uranifères pratiquées avec succès dans la Saskatchewan canadienne.Le département des productions du CEA (qui deviendra Cogema en 1976) engagé dans une quête planétaire de ressources uranifères destinées à satisfaire les besoins du jeune programme électronucléaire français ne peut ignorer ce nouvel Eldorado.
Ses équipes de géologues y mettent pour la première fois le pied en 1972 et entreprennent leurs premières recherches d’uranium par le biais d’une filiale locale créée pour l’occasion, AFMECO (Australian French Metal Corporation) associée, en joint-venture, à une bonne dizaine d’autres compagnies minières (dont BP Australia, BHP Minerals Ltd, PNC Exploration, Pancontinental Mining Ltd).
Mais l’Eldorado se dérobe sous le pied des » Frenchy explorers » qui se voient refuser l’accès aux zones prometteuses du Territoire-du-Nord, dans un contexte morose de limitation des investissements étrangers dans l’uranium.
À défaut de pouvoir tester au nord le modèle géologique dit » de discordance « , AFMECO se contente d’explorations dans les bassins du Centre, de l’Ouest et au Queensland, sur des modèles classiques sédimentaires et volcano-sédimentaires.
L’activité d’exploration marque une longue pause après la mise en place en 1983 par le gouvernement australien d’une politique de limitation du nombre des exploitations d’uranium (politique dite » des trois mines » : Nabarlek, Ranger appartenant à ERA et Olympic Dam propriété de Western Mining), pour reprendre progressivement à partir de 1990 en Arnhem Land, terre aborigène, puis s’arrêter en 2002, faute de découvertes.
Paradoxalement, c’est donc avec sa casquette de » chercheur d’or » (voir encadré) et à partir de 1986, que Cogema rencontre ses réels premiers succès miniers : découverte successive par ses géologues des gisements de Baxter, White Foil et Frog’s Leg, puis première production de lingots en 2002.
De ses activités uranium en Australie, Cogema conserve une participation de 8 % dans la société ERA (deuxième producteur d’uranium australien), le gisement de Koongarra en Northern Territory (voir encadré) et une connaissance géologique du pays qui pourrait un jour lui permettre de relancer ses activités de recherche. À cela deux conditions : une » ouverture » plus grande de l’Australie à la production d’uranium et un marché de l’uranium plus porteur.
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1. Top End : extrême nord de l’Australie, où sont situés les principaux gisements d’uranium.
2. Discordance : surface de discontinuité entre deux formations géologiques, qui correspond à une période d’érosion pendant un arrêt de sédimentation. En Australie du Nord, comme en Saskatchewan, les discordances cibles de la prospection d’uranium sont d’âge protérozoïque (1,8 à 1,4 milliard d’années) ; elles séparent des dépôts gréseux horizontaux reposant sur un socle ancien de granite ou gneiss plissé.
White Foil, premier convoi. © COGEMA.