Ultra-compacts, ultra-fiables et ultra-performants : une révolution pour les implants médicaux
InjectPower a conçu et développe aujourd’hui des micro-batteries qui offrent de nouvelles perspectives pour le marché des dispositifs implantables. Plus petites, ultra-compactes et rechargeables, elles sont aussi plus fiables et plus performantes que les batteries actuellement disponibles sur le marché. Philippe Andreucci, cofondateur et CEO d’InjectPower, nous en dit plus.
Aujourd’hui, l’un des enjeux majeurs pour les dispositifs électroniques implantables est de réussir à réduire au maximum la taille de la batterie. Dites-nous en plus.
Dès qu’il s’agit d’améliorer l’efficacité thérapeutique des traitements, il y a principalement deux actions qui peuvent être engagées. Premièrement, collecter plus de données représentatives et cliniquement exploitables afin d’optimiser le traitement. Et deuxièmement, agir localement. Quelle que soit l’action envisagée, cela implique le recours à des composants, des systèmes qui vont être implantés dans le corps pour récupérer cette donnée ou avoir une action locale. Pour ce faire, il faut également avoir accès à une source d’énergie pour que ces dispositifs puissent fonctionner de manière continue.
Aujourd’hui, l’espace occupé par les batteries dans un dispositif médical représente plus de 80% du volume total. Par exemple, 90 % du volume d’un pacemaker est occupé par la pile. Pour accélérer le déploiement de ces dispositifs implantables qui ont vocation à changer la vie des patients, l’enjeu stratégique est donc de réduire considérablement leur taille tout en garantissant un apport suffisant en énergie pour assurer leur bon fonctionnement.
Il s’agit donc de faire émerger une nouvelle classe de batteries rechargeables, ultra-miniaturisées couplée à une nouvelle génération de dispositifs médicaux pour mieux guérir les patients et apporter des solutions très concrètes à des problématiques aujourd’hui incurables.
Au cœur de votre positionnement, on retrouve donc cet enjeu de santé publique auquel vous apportez une réponse grâce à vos micro-batteries. Qu’en est-il ?
InjectPower conçoit et développe des micro-batteries ultra-miniaturisées à très haute densité énergétique. Nous avons, en effet, créé les plus petites batteries du monde avec les plus fortes densités d’énergie au regard de la taille considérée. Ce sont aussi des micro-batteries ultra-compactes, rechargeables et qui ont une très longue durée de vie grâce à un choix de composants très robustes, fiables et performants.
Avec ces micro-batteries, il est possible d’alimenter de minuscules capteurs qui vont monitorer un certain nombre de paramètres physiologiques dans le corps humain, comme la pression, pour laquelle nous avons développé deux applications : une micro-batterie pour alimenter un capteur de pression destinée à mesurer en continu la pression intraoculaire et intracrânienne.
Nos micro-batteries vont permettre d’alimenter un capteur qui va mesurer et suivre de manière très précise la pression intraoculaire, qui est un critère clé pour suivre l’évolution du glaucome et endiguer sa progression. En effet, aujourd’hui, le glaucome touche près de 80 millions de personnes dans le monde, dont plus d’un tiers ne sont pas stabilisés et ont un glaucome évolutif. La difficulté pour obtenir des mesures précises et représentative de la pression au plus près du nerf optique rend difficile la capacité à endiguer la progression de la maladie. En effet, cette pression non maîtrisée, au fil du temps, détruit les cellules du nerf optique ce qui finit par rendre aveugle le patient. Notre solution a la capacité de changer la vie de ces patients afin de traiter au moment adéquat et avec le traitement le plus adapté leur glaucome.
En parallèle, un capteur équivalent avec nos batteries a été développé pour la mesure de la pression dans le cerveau afin de traiter l’hydrocéphalie, qui se manifeste par un excès de liquide céphalo-rachidien qui, in fine, écrase le cerveau et l’endommage. Cette maladie touche un enfant sur 600 à la naissance. Les adultes y sont aussi exposés, notamment suite à un accident du type AVC ou d’un traumatisme crânien. Actuellement, ce surplus de liquide est drainé, mais sans réellement en mesurer l’impact quantativement. Grâce à un capteur de pression alimenté par notre micro-batterie, il va être possible de monitorer l’évolution de la maladie, de faire de la maintenance préventive au niveau des systèmes de drainage, mais aussi de prévenir les bouchons et réagir très vite, le cas échéant.
Avec ces capteurs alimentés par nos micro-batteries, nous apportons un confort de vie certain aux patients, un ajustement efficace et réactif de leur traitement et une véritable sécurité grâce au suivi continu de la pression.
En plus de ces deux premières applications, nous miniaturisons aussi des batteries destinées demain au suivi du rythme cardiaque et à la neurostimulation. Nous aurons aussi des solutions destinées à alimenter des systèmes d’injection localisée de médicaments.
Sur ce marché très spécifique, quelles sont les spécificités techniques de vos micro-batteries ?
Dans le monde de la batterie pour des applications médicales, on retrouve essentiellement des technologies à électrolytes dits liquides. Cette technologie a deux écueils majeurs : la fuite potentielle du liquide dans le corps humain qui est dramatique, car il s’agit d’un produit hautement toxique. Au-delà, en présence d’eau ou d’oxygène, ces batteries peuvent s’auto-échauffer, s’enflammer et exploser.
Chez InjectPower, nous avons opté pour des batteries tout solide ce qui permet d’avoir des systèmes plus intégrés, plus compacts et, in fine, plus sécurisés. Par exemple, si notre batterie est en contact avec de l’eau, elle ne va plus fonctionner, mais ne s’enflammera pas et n’explosera pas !
Les matériaux solides apportent également un gain plus important en termes de fiabilité. Une de nos principales innovations réside dans le fait que nous sommes en mesure de combiner une haute qualité et performance, ainsi qu’une densité d’énergie très importante.
Visuellement, nos batteries font, en effet, moins d’un quart de la taille d’un grain de riz et sont aussi fines qu’un cheveu avec des densités d’énergie 5 à 10 fois supérieures à la moyenne. Au-delà, nos micro-batteries sont aussi rechargeables (plusieurs milliers de cycles de charges et de décharges) et peuvent durer jusqu’à une décennie, voire plus. Pour la recharge, nous proposons une solution de recharge par induction et donc sans fil.
L’innovation et la R&D sont plus que jamais au cœur de votre ADN. Pouvez-vous nous en dire plus ?
InjectPower a vu le jour en 2020. Elle capitalise sur plus de 20 ans de développement au CEA-Leti de Grenoble. Nous avons accès à plus d’une quarantaine de familles de brevets et des savoir-faire secrets que nous exploitons de manière exclusive à une échelle mondiale pour développer des applications médicales.
Nous travaillons toujours avec le CEA-Leti sur notre feuille de route R&D et le transfert industriel de ces travaux de recherche. En parallèle, nous bénéficions de l’accompagnement et du conseil d’une équipe d’experts, dont certains ont contribué aux développements qui ont permis à InjectPower de voir le jour !
Quels sont vos axes de développement ?
Notre technologie a un niveau de maturité de niveau TRL 6. Nous maîtrisons ainsi le processus de fabrication de nos batteries et nous sommes en mesure de tester leur efficacité et leur performance, mais aussi de les caractériser. La prochaine étape est de monter en cadence, de sortir de la phase de R&D et d’industrialiser la production.
Les solutions de mesure de pression intraoculaire et intracrânienne de notre client américain Injectsense qui utilisent nos batteries sont soutenues par des leaders de la MedTech aux Etats-Unis. Nous mettons à leur disposition les micro-batteries pour équiper leurs capteurs et garantir leur alimentation en énergie.
Dans cette démarche, nous devons produire nous-mêmes nos micro-batteries et ne pas sous-traiter le volet industriel. Ce choix fort vise à garantir notre souveraineté et notre indépendance. À partir de là, nous devons donc nous doter de notre propre outil industriel, essentiellement des salles blanches de la micro-électronique, ce qui nous permettra de couvrir et de sécuriser tous les maillons de la chaîne de production. D’ailleurs, nous avons d’ores et déjà identifié un terrain dans la région grenobloise pour implanter notre unité de production.
Nous avons aussi un partenariat avec le groupe IDEC Haute Technologie qui va construire l’usine et porter une partie du financement nécessaire. Nous visons un dépôt de permis de construction courant du premier trimestre 2024 pour débuter les travaux à l’automne prochain avec pour objectif final de démarrer la production d’ici la mi-2026.
Le projet nécessite un financement global d’une cinquantaine de millions d’euros. Nous venons ainsi de lancer une levée de fonds de 15 à 20 millions d’euros et comptons également sur les aides publiques françaises et européennes. En parallèle, nous avons également signé un certain nombre de premiers contrats pour accompagner la phase d’industrialisation des micro-batteries jusqu’à la production.