Richard Wagner : Les Maîtres Chanteurs
Les Maîtres Chanteurs de Nuremberg est un opéra à part de l’œuvre de Wagner (1868). On y retrouve totalement le style wagnérien (les leitmotivs, des dizaines de motifs musicaux qui parcourent l’opéra, l’orchestre luxuriant à l’orchestration caractéristique).
Mais il s’agit d’une comédie, pleine de jeux de mots (intraduisibles), avec des situations presque burlesques, des références musicales à ses œuvres antérieures, une fin heureuse.
L’histoire racontée symbolise celle de Wagner lui-même : un artiste extrêmement doué mais ne respectant pas les canons en vogue à l’époque, et malmenant donc la tradition. Nuremberg, et sa communauté d’artisans du XIIIe siècle qui se retrouvent pour chanter, représente le cadre séculaire et rigoureux qui est bousculé par le héros Walter.
Walter va troubler par son chant hors norme le concours de Maîtres Chanteurs, et remporter le cœur de sa bien-aimée avec l’aide de Hans Sachs, maître chanteur historique ayant réellement existé, plus ouvert que les autres à la modernité (dont l’idée du mariage d’amour), et à qui Wagner s’identifiait.
La production offerte par le DVD d’Euroarts a été enregistrée au Festival de Salzbourg à l’été 2013. Nous souffrons suffisamment souvent de mises en scène dérangeantes, dont l’originalité est la seule qualité, ne tenant pas compte de l’esprit de l’auteur ni de la musique, pour ne pas saluer ici une mise en scène non conventionnelle mais rendant parfaitement justice à l’œuvre, ouvrant de nouvelles perspectives, et offrant un spectacle dont on se souviendra longtemps.
Les décors très inventifs changent à vue constamment. Dès l’ouverture, Sachs (ressemblant à Wagner) compose et voit s’animer des personnages miniatures dont les actions des trois actes se dérouleront dans trois parties différentes de sa chambre. L’action rêvée se passe dans un décor de lilliputiens où les livres de la bibliothèque de Sachs (contes de Grimm, Brentano) servent de murs ou de maisons.
Le célèbre moment où Sachs se lamente contre la folie du monde actuel (Wahn !) montre le cordonnier essayant de noter ses rêves.
Les personnages de Grimm (Blanche- Neige, le Chat Botté, Raiponce, le Roi-Grenouille) sortent du livre au second acte. Le côté métaphorique et onirique de l’opéra, ses allusions bibliques (les héros s’appellent Ève, Magdeleine, David) trouvent ainsi un cadre cohérent. Vraiment très intéressant.
Mais un opéra de près de cinq heures ne peut tenir uniquement sur la qualité de sa mise en scène, la qualité musicale est primordiale. Et là, on est à Salzbourg. On y retrouve avec joie l’Orchestre philharmonique de Vienne, en résidence d’été, dirigé par Daniele Gatti, un de ses chefs réguliers, qui accompagnent des chanteurs de premier plan, le ténor Roberto Saccà (métamorphosé, cheveux raides et blonds !) dans le rôle du héros Walter, et le grandiose Michael Volle, immense cordonnier Sachs. Le niveau musical est très élevé, et le spectacle est très bien enregistré.
Et très bien filmé. En particulier en Blu- Ray, l’image haute définition permet de profiter de tous les détails de ces décors travaillés et des scènes de foule de la vie sociale de Nuremberg. Comme à l’opéra, on profite d’un spectacle total et on veut voir l’ensemble d’une seule traite sans s’ennuyer un instant.